En préambule de cet article sur la France et le concile de Trente, notons que le gallicanisme n’est jamais conçu comme une machine de guerre contre le Saint-Siège, mais, au contraire… comme une submission réglée par les franchises naturelles et les droits communs dont le roi est le gardien… Ces libertés, définies par les anciens canons et les conciles reçus… accordent étroitement, sous le Roi, le pouvoir politique et le pouvoir ecclésiastique pour paître les fidèles et ne limiter l’ingérence pontificale que dans les affaires d’ordre temporel… L’Église gallicane n’a pas d’autre vouloir, en gardant ses franchises et libertés, que celui de concourir au bien le l’Église universelle : « Paraissez maintenant, sainte Église gallicane, avec vos évêques orthodoxes et vos rois très chrétiens, et venez servir d’ornement à l’Église universelle ! » (Bossuet). Aussi, si la partie dogmatique du concile de Trente (1545-1563) ne posait guère de problèmes dans l’Ordre du Clergé, la partie disciplinaire, au contraire, au nom des libertés de l’Église gallicane, soulevait la vive opposition des chapitres, des collégiales, des moines et des bénéficiers. [La Rédaction]
Table des matières
Le gallicanisme, légendes et réalité
Le fantasme dixneuvièmiste du gallicanisme
C’est une opinion, hélas fort communément répandue, que la France, au nom des libertés de l’Église gallicane, résista fièrement, pendant près d’un siècle, aux sages et pieuses inspirations du concile œcuménique de Trente, alors que le reste de la Catholicité s’y soumettait avec un bonheur éperdu et une reconnaissance empressée.
Il est vrai que, encore au début du règne de Louis XIII, si l’épiscopat français, dans sa grande majorité, est bien disposé vis-à-vis du concile de Trente, et attaché à la primauté romaine, se heurtant à ces fameuses libertés de l’Église gallicane, il n’arrive pourtant pas à imposer les décrets tridentins comme une loi d’État.
Si l’on considère ce que le XIXe siècle a dénommé le gallicanisme comme un arsenal politique forgé pour assujettir à l’État une Église particulière en la soustrayant au pouvoir du Pape, sans pour autant franchir les frontières du schisme, il convient de lui chercher une appellation plus universelle, car, ailleurs qu’en France et de façon bien plus radicale, on trouve aisément de nombreux exemples où le Saint-Empire, tout au long de son histoire, depuis la moyenâgeuse querelle des investitures jusqu’aux initiatives habsbourgeoises du siècle des Lumières1, fait bien meilleure figure, avec ses avatars frébronianistes2 et épiscopaliens3.
La réalité de l’Église gallicane
Le gallicanisme n’est jamais conçu comme une machine de guerre contre le Saint-Siège, mais, au contraire, oserions-nous dire, en reprenant les termes de ses théoriciens du Grand Siècle, comme une submission réglée par les franchises naturelles et les droits communs dont le roi est le gardien ; le gallicanisme, foncièrement catholique et volontairement uni à l’Église romaine, fort de ses anciennes franchises et « libertés » — ce que nos pères ont appelé Libertez de l’Église gallicane, et dont ils ont été si fort jaloux, ne sont point passe-droits ou privilèges exorbitants, mais plutôt franchises naturelles et ingénuités ou droits communs (Pierre Pithou, Les Libertez de l’Église gallicane). Or ces libertés, définies par les anciens canons et les conciles reçus, sans prétendre s’exercer ailleurs qu’en France, accordent étroitement, sous le Roi, le pouvoir politique et le pouvoir ecclésiastique pour paître les fidèles et ne limiter l’ingérence pontificale que dans les affaires d’ordre temporel, toucheraient-elles l’administration ecclésiastique.
Ainsi la sainte Église gallicane, membre vif et volontaire de l’Église catholique romaine, soumise au magistère de Pierre, soutenait que l’autorité spirituelle des papes est limitée et réglée par les conciles ; au nom de ses anciennes libertés et franchises qui, de l’aveu de Pierre Pithou ont été plutôt pratiquées et exécutées, qu’écrites par nos ancêtres, l’ancienne Église gallicane entendait avoir le droit d’élire ses chefs, de juger ses membres et de se taxer elle-même.
Il est à propos de souligner que la plupart de ces traditions ecclésiologiques particulières, d’abord collectionnées sous Charles VI, puis tout au long du grand schisme d’Occident, n’en font pas moins partie du patrimoine de l’Église universelle, puisqu’elles ont été sanctionnées par le concile œcuménique cinquième du Latran, qui entérinait le concordat de Bologne entre Léon X et François Ier.
Enfin, selon ce que prêcha le grand Bossuet, lors de l’ouverture de l’Assemblée générale du Clergé de 1681-1682, l’Église gallicane n’a pas d’autre vouloir, en gardant ses franchises et libertés, que celui de concourir au bien le l’Église universelle :
Paraissez maintenant, sainte Église gallicane, avec vos évêques orthodoxes et vos rois très chrétiens, et venez servir d’ornement à l’Église universelle !
Ajoutons que les traditions de l’Église gallicane, loin de se réclamer des mythiques communautés primitives, en appellent plutôt aux usages propres nés de son évolution particulière au sein de l’Église romaine et, loin d’aspirer à la centralisation, protège et conjugue ses identités et ses différences locales comme des trésors ; elle est essentiellement traditionnelle et conçue autour du Roi comme un corps mystique dont on ne saurait déranger aucun membre, fût-il le plus petit, sans faire pâtir l’ensemble.
Singulièrement depuis l’avènement des Capétiens, le roi de France et son clergé sont profondément unis et se maintiennent mutuellement : outre qu’Hugues Capet doit son élection à l’archevêque de Reims, ses successeurs se feront généralement un point d’honneur, fidèles au serment de leur sacre, de conserver au clergé les privilèges (premier sens des libertés) que la coutume et la générosité des rois lui ont acquis ; en revanche, l’ordre ecclésiastique soutient le roi de toutes ses forces contre les dangers féodaux ou étrangers en apportant au souverain des fonctionnaires, l’appui de son autorité indiscutée, l’aide presque indéfectible de sa hiérarchie, le secours de ses richesses matérielles et l’éclat incontesté de son enseignement. C’est dans l’Église, tabernacle de la mémoire romano-franque, que s’élabore la doctrine monarchique des Capétiens où le roi de France n’a point de souverain ès choses temporelles. Faillissant parfois, dans quelques cas particuliers, cette alliance qui ne faillira jamais dans l’ensemble du clergé, est tout l’art de la monarchie capétienne si bien mis en évidence au jour du sacre où le roi devenait, selon le mot de l’archevêque Jouvenel des Ursins à Charles VII, prélat ecclésiastique… le premier en votre royaume qui soit après le pape, le bras dextre de l’Église. Le roi qui, depuis Charles V,
– porte le titre de Très Chrétien,
– se tient dans le chœur des église, et, comme les plus élevés des clercs,
– communie, non pas seulement le jour de son sacre mais ordinairement à Pâques, sous les deux espèces ; de plus,
– il peut toucher les vases sacrés,
– il porte le deuil en violet comme les cardinaux et, dans la liturgie,
– se couvre et se découvre comme font les évêques ;
– il porte des titres ecclésiastiques ;
– il a le pouvoir de guérir les écrouelles.
Hors la personnalité emblématique du saint roi Louis IX, et peut-être aussi celle du pieux Louis XVI auréolée de son martyre, si nul n’oserait sérieusement prétendre hisser les autres monarques capétiens sur les autels, force est cependant de constater que presque tous, quels qu’ils fussent, au privé comme au public, manifestèrent leur attachement à la foi catholique et, malgré les inévitables conflits avec le Saint-Siège, en assurant la stabilité de l’Église en France, ont voulu montrer l’exemple de la pratique religieuse, souvent bien au-delà de l’observance minimale.
Longtemps les rois capétiens convoquèrent souvent le concile royal où se rassemblaient des clercs et des laïcs pour délibérer des affaires où les intérêts de l’Église et du royaume se trouvaient mêlés et c’est précisément dans le cadre de ces conciles royaux que, sous Charles VI, naît le gallicanisme, quand l’Église se trouve dans une impasse institutionnelle : le Grand Schisme d’Occident.
De l’accueil fait au concile de Trente en Europe
Un roi d’Espagne et un empereur plus que réticents
À propos de l’acception des décrets de Trente, outre que l’on oublie trop volontiers que les onze remerciements, vœux et souhaits furent composés et lancés à forte voix par le cardinal de Lorraine sous forme d’acclamations répétées par les Pères, en conclusion du concile, on nous souligne, avec une moue indignée, que l’ambassadeur du roi de France, qui était absent, ne signa pas, tout en se gardant bien de signaler que l’ambassadeur du catholique roi d’Espagne, qui était présent, ne s’y soumit que sous réserve de l’assentiment de son maître, ce qui fut d’ailleurs refusé par les légats. On sait d’ailleurs que Philippe II ne reçut pour ses États les décrets du concile que sous réserve de ses droits royaux (12 juillet 1564) et qu’il ne tarda pas, secondé par le cardinal-archevêque de Tolède, Gaspar Quiroga, et contre la volonté expresse du Saint-Siège, de s’immiscer, par le biais de commissaires royaux, dans les conciles provinciaux, ce qui lui valut le beau titre de « fossoyeur des conciles d’Espagne ». En cette fin de la Renaissance, on n’en finirait pas de comptabiliser les éléments du conflit qui oppose le Roi catholique au Souverain Pontife, comme la violente opposition menée par les gouverneurs du duché de Milan et le sénat urbain aux sages réformes de saint Charles Borromée, ainsi que ses prétentions régaliennes à gouverner l’Église de Naples et à y contrôler les instructions pontificales.
On ne voit pas non plus, soit dit en passant, que l’empereur Ferdinand Ier, favorable à la communion sous les deux espèces et au mariage des prêtres, malgré la signature de ses orateurs, publia les décrets tridentins dans ses États, mais, au contraire, on vit son successeur, Maximilien, en empêcher la publication en Hongrie et même interdire la profession de foi de Pie IV.
Du mauvais procès fait au roi de France et à l’Église gallicane
Les fâcheux ne manqueront pas d’affirmer que l’épiscopat français, tout soumis aux ordres du Roi, ne parut guère au concile de Trente ou, du moins, n’y fit d’abord siéger que des évêques de petite venue, tout occupés à contester l’autorité pontificale, ce qui dépassa, beaucoup plus tard, les limites de la décence quand un parti plus conséquent daigna s’y présenter officiellement, derrière l’illustre cardinal de Lorraine.
Si le temps ne nous était ce matin chichement compté, nous aurions eu plaisir à présenter l’activité conciliaire des prélats français lorsque les guerres ne les empêchaient pas de rejoindre les sessions. Nous aurions pu montrer, contrairement à une opinion communément admise, que, fidèle à ses engagements, pris dans une clause secrète de la paix de Crépy-en-Laonnois, François Ier consentit au concile et empêcha si peu les prélats français de le rejoindre que, par la voix de l’archevêque d’Aix, Antoine Filheul, il y fit protester contre sa convocation précipitée, demandant seulement, ce qui eût été la moindre des choses, que les Pères ne décrétassent rien avant l’arrivée de ses ambassadeurs, ce qui lui fut d’ailleurs refusé.
Nous aurions dénoncé le mauvais procès que l’on fait aux évêques gallicans lorsqu’on leur reproche de ne s’être pas précipités au concile, quand on sait que leurs confrères, tout aussi fidèles qu’eux à leurs monarques, dans l’imbroglio des guerres intérieures et extérieures de la Renaissance, ne furent guère, tant s’en faut, plus empressés de répondre à l’appel du Saint-Père ; s’il est vrai que l’on dut attendre la dernière partie du concile de Trente pour que l’épiscopat français y siégea en corps constitué, sous le cardinal de Lorraine, il est faux de prétendre que l’Église gallicane se désintéressa du concile et n’y délégua personne, car, sans parler de deux abbés, on vit, à l’ouverture, deux archevêques et deux évêques français4, contre deux espagnols et deux allemands.
Nous aurions décrit, jusqu’en 1548, le rôle d’Antoine Filheul, premier des archevêques présents, votant immédiatement après les cardinaux5.
Autant que les guerres extérieures et intérieures le lui permettait, l’Église gallicane a participé au concile de Trente6 et, même quand les circonstances lui interdirent d’y paraître, elle ne s’est jamais désintéressée de ce qui s’y passait. Ainsi, lorsqu’arriva le cardinal de Lorraine à la tête d’une importante délégation, on ne put considérer qu’il s’agissait d’un changement mais, bien au contraire, d’une normalisation.
Les clercs français du concile de Trente
Charles de Guise, dit le cardinal de Lorraine, zélé archevêque de Reims, aussi bon théologien qu’homme politique, dont les talents d’orateur servaient une implacable logique, conduisant treize évêques français, trois abbés et dix-huit théologiens qui rejoignit à Trente les évêques de Paris, de Lavaur, de Nîmes et de Vabres ; d’autres arriveront plus tard.
Le cardinal de Lorraine et ses compagnons furent solennellement et joyeusement reçus : les évêques de Montefiascone et de Sinigaglia étaient allés les recevoir à quelques jours de marche et les avaient escortés jusqu’à proximité des portes de Trente où vinrent à leur rencontre, avec de nombreux Pères et ambassadeurs, les légats et le cardinal Ludovico. Le cardinal de Lorraine fit sa visite au cardinal Gonzague auquel il dit vouloir sauvegarder l’autorité du Saint-Siège et, laissant les affaires politiques aux orateurs du Roi, ne songer qu’à ses obligations conciliaires.
Les évêques français désormais présents à Trente en un groupe uni et plutôt brillant, ne laissèrent pas leurs talents emporter le concile vers l’épiscopalisme des Pères espagnols qui se fût pourtant assez bien conjugué avec l’ecclésiologie propre à l’Église gallicane.
Le cardinal de Lorraine, placé immédiatement après les légats, servit au concile un admirable discours où après avoir décrit l’état de la France ravagée par la guerre de religion, il pressa les Pères de travailler à la réforme de l’Église dont le retard accélérait la diffusion de l’hérésie, et conclut :
Moi-même, et les évêques qui sont venus de France avec moi, nous attestons, devant ce saint concile universel, notre volonté d’être toujours soumis, après Dieu, au souverain pontife Pie IV ; nous reconnaissons sa primauté sur terre sur toutes les églises, nous ne contreviendrons jamais à ses ordres et nous révérons les décrets de ce concile général de l’Église catholique.
L’enthousiasme des Pères fut grand et Charles de Lorraine fut recherché par tous les partis en présence. Malgré l’hostilité des légats Hosius et Simonetta, l’attitude des évêques français fut si mesurée et si conciliatrice que le digne archevêque de Braga, le bienheureux Barthélémy des Martyrs, demanda au cardinal de Lorraine de prendre la tête d’une union de Pères réformateurs. C’est assurément à l’art du cardinal de Lorraine que l’on doit le règlement des dernières querelles du concile de Trente.
Des obstacles à une application immédiate
De nombreux obstacles à l’application du concile
Lorsque parut le concile de Trente, comme le cardinal de Lorraine s’en faisait le plus ardent défenseur, la Cour ne fut guère disposée à le recevoir, même s’il avait alors le soutien de la Sorbonne qui fit à son sujet plusieurs requêtes, et de la majorité de l’épiscopat qui en demanda plusieurs fois la publication. Les pressantes interventions du nonce, le cardinal de Santa-Croce, près de Catherine de Médicis furent ruinées par la mort de Pie IV (9 décembre 1565).
Perdu au milieu des guerres civiles, Charles IX ne put répondre aux demandes de saint Pie V.
Sous le règne d’Henri III, la requête de l’Ordre du Clergé fut présentée aux États de Blois (1576) et se fit plus insistante à l’Assemblée de Melun (1579), par la voix vigoureuse d’Arnauld de Pontac, évêque de Bazas, qui n’hésita pas à dénoncer, comme cause des maux de l’Église de France, les nominations royales7.
Une Ordonnance de Blois insatisfaisante
La réponse vint avec l’Ordonnance de Blois (mai 1579), enregistrée au Parlement le 25 janvier 1580 ; ce n’était certes pas une reconnaissance des décrets de Trente comme une loi d’État, mais, cependant, fort de l’expérience, une sorte d’alignement de la discipline ecclésiastique sur les décisions du concile dont on incorporait ce qui semblait convenir au Royaume.
L’Ordonnance de Blois déplut parce que l’ordre spirituel y était statué par l’ordre temporel, sans aucune référence au concile ; de plus, Henri III, s’arrogeant un privilège propre au Souverain Pontife, donnait des ordres aux évêques, leur imposait le contrôle de ses officiers laïques et les sanctionnait. Les prescriptions de l’Ordonnance de Blois n’étaient pas exactement conformes aux décrets tridentins ; ainsi,
– le privilège d’élection n’était réservé qu’à certains monastères8 et le Roi conservait pour toutes les autres nominations ecclésiastiques les acquits du concordat de Bologne, y compris sur l’âge de l’épiscopat maintenu à vingt-sept ans, mais gardait les usages tridentins pour l’enquête canonique, cependant le délai de pourvoi des bulles était allongé d’un trimestre ;
– l’obligation de résidence était faite à tous les bénéficiers ayant charge d’âmes et interdisait le cumul des évêchés et des cures ;
– l’obligation de visite était faite aux évêques, comme à Trente, l’âge minimum des vœux solennels était fixé à seize ans.
À vrai dire, si, dans l’Ordre du Clergé, la partie dogmatique du concile de Trente ne posait guère de problèmes, la partie disciplinaire, au contraire, au nom des libertés de l’Église gallicane, soulevait la vive opposition des chapitres, des collégiales, des moines et des bénéficiers.
On peut prouver, écrira plus tard Bossuet9 par une infinité d’actes publics que toutes les protestations que la France a faites contre le concile, et durant sa célébration, et depuis, ne regardent que les préséances, prérogatives, libertés et coutumes du Royaume, sans toucher en aucune sorte aux décisions de la foi, auxquelles les évêques de France ont souscrit sans difficulté dans ce concile.
Une réforme doctrinale du concile promue par l’Église gallicane
Ce que le concile de Trente définit dans l’ordre doctrinal, l’Église gallicane le professe depuis longtemps ; mais, pour le comprendre, il s’agit de ne pas s’égarer dans les affaires de juridictions et de sacristies ! Ce qui fait la grandeur du concile de Trente se résume en une proposition simple : l’alliance objective et optimiste de la nature et de la grâce ; soit l’affirmation de la valeur des œuvres sans minimiser pour autant la grâce. Il y a bien longtemps que le clergé du Royaume, singulièrement l’épiscopat, a saisi ce qu’il y avait de grand et de vrai dans l’humanisme pour le mettre au service de la foi ; les réformateurs français entendant délivrer leurs contemporains des rigueurs du pessimisme, né dans les terreurs du siècle précédent, professaient que le renouveau puisé aux sources de l’Antiquité retrouvée était l’allié culturel inséparable de la restauration religieuse10.
Ce faisant, craignant de voir détruite l’unité de l’Église, ils préféraient privilégier ce qui réunissait les chrétiens plutôt que ce qui les divisait et, contre ceux qui ne songeaient qu’à jeter feux et flammes, ils favorisaient, la concertation11 ; cependant, le concile provincial de Sens, tenu à Paris en février 1518, n’en condamna pas moins les hérésies luthériennes et prit contre elles les dispositions nécessaires, imité par la Sorbonne (15 avril 1521) et par nombre de décisions épiscopales où il n’est pas sans intérêt de remarquer deux mandements de Briçonnet.
Une réforme disciplinaire gallicane depuis longtemps entamée
Quant à la réforme disciplinaire, voilà aussi longtemps qu’elle a été entreprise au sein de l’Église gallicane ; puisque les papes du XVe siècle étaient incapables de la décréter de manière générale, elle avait commencé en France de manière particulière, tant pour le clergé régulier que pour le clergé séculier.
La réforme disciplinaire anticipée de l’Église gallicane
La réforme disciplinaire anticipée du clergé régulier
Les grandes thèses de la réformation disciplinaire12 sont déjà exprimées avant le règne de François Ier et leur mise en œuvre est commencée mais, les guerres religieuses freineront notablement le mouvement, sans toutefois l’enrayer complètement. Nul alors ne songe qu’on pourrait combattre l’hérésie sans mettre fin aux abus disciplinaires, c’est du moins ce que proclament les conciles provinciaux de Sens de 1518, de 1522 et 1528, suivis de celui de Bourges (mars 1528). Or, rien de durable ne pourrait se faire dans ce domaine si les rois n’y étaient acquis et n’y apportaient leur concours.
– Ce fut d’abord l’œuvre des confesseurs des rois d’y sensibiliser leurs pénitents et de les inciter à y participer13, puis, à partir de François Ier, l’influence du confesseur du Roi s’estompe au profit du clergé de la Cour qui s’organise comme un diocèse particulier, sous le Grand aumônier. Le clergé de la Cour, sans en être l’artisan, est généralement partisan de la réforme disciplinaire, comme le montre le très savant Pierre du Châtel14, Grand aumônier de France sous Henri II.
– Un siècle avant lui, Jean de Bourbon15 qui, au Puy, avait influé bénéfiquement sur le chapitre général des Prêcheurs (1447), commença la restauration disciplinaire et intellectuelle de Cluny (1458), que son successeur, Jacques d’Amboise, poursuivit.
– Guy Vigier réforma Marmoutier16, tandis que Jean Raulin et Philippe Bourgoing introduisaient l’observance de Cluny dans l’abbaye parisienne de Saint-Martin-des-Champs.
– Jean de Cirey tentait de réorganiser Cîteaux, Pierre Du Mas17 faisait retourner la congrégation de Chezal-Benoît18 (1477-1492) à la stricte observance, suivi par son successeur, Martin Fumée qui, par une bulle d’Alexandre VI, reçut, conjointement avec l’abbé de Marmoutier et celui de Munster (Luxembourg), le soin de veiller sur la réforme des monastères français.
– L’ordre bénédictin était touché par ces deux exemples qui dominèrent l’Assemblée de Tours (1484) et le synode de Sens (1485).
– Guy Jouveneaux réformait Saint-Sulpice de Bourges19,
– Jean de Le Roist réformait l’abbaye de Saint-Allyre20, et, dans le diocèse du Mans, le cardinal de Luxembourg faisait élire un moine de Chezal-Benoît à la tête de l’abbaye Saint-Vincent (1501)21.
– Les quatre monastères réformés par Chezal-Benoît se réunirent en une congrégation (14 avril 1505), soutenue par le cardinal d’Amboise22 (1508) et approuvée par Léon X23. Fontevraud se donnait une nouvelle règle qui s’étendit à tout l’Ordre24.
– Ministre général des Trinitaires depuis 1473, Robert Gaguin, rétablit la discipline dans son Ordre dont il promulgua les statuts de réformes (30 août 1496).
– La famille franciscaine avait vu la naissance des Colétines25, l’œuvre réformatrice d’Olivier Maillard26 continuée par Gilles Dauphin (1503) et la fondation des Minimes par saint François de Paule ;
– la congrégation dominicaine de Hollande, fondée en 1464, s’étendait en France, tandis que
– le normand Jean Soreth avait entrepris de réformer les Cannes et que
– Jean Mombær avait installé les chanoines réguliers de Windesheim27.
– Enfin, on voyait naître de nouvelles familles religieuses comme les Annonciades (1500) et la congrégation de Montaigu (1499).
La réforme des ordres réguliers était fort soutenue par le cardinal d’Amboise sous l’influence de Raulin.
La réforme disciplinaire anticipée du clergé séculier
Le mouvement de réforme touchait aussi, quoique plus difficilement, le clergé séculier pour peu que les évêques y veillassent. À ce propos, il ne s’agirait pas de prendre pour argent comptant les récriminations de quelques beaux esprits contre l’ignorance et l’inconduite des clercs, les rapports des visites pastorales donnaient des résultats beaucoup moins catastrophiques : tous les prêtres savaient lire et écrire28 et l’inventaire des bibliothèques presbytérales montre qu’elles n’étaient pas vides, surtout après l’apparition de l’imprimerie.
Un des gros problèmes que l’on rencontrait dans les diocèses et que les débats du concile de Trente montreront partout dans l’Église romaine, était de faire résider les évêques dans leur diocèse et les curés dans leur paroisse : cela tenait au cumul des bénéfices29 ou des fonctions, et aussi aux études30.
Jean Raulin qui dirigeait le Collège de Navarre, depuis 1481, voulait réformer les clercs en commençant par ceux qui lui étaient confiés dont il exigeait la régularité de vie, l’application à l’Écriture Sainte et une bonne théologie, de sorte qu’ils pussent s’adonner à la prédication.
Après que Raulin fut entré à Cluny (1497), son successeur, Louis Pinelle, poursuivit son œuvre et influença le diocèse de Paris dont il était vicaire général pendant l’épiscopat d’Étienne Poncher, et surtout le diocèse de Meaux dont il fut l’évêque (1511), avant Guillaume Briçonnet (1515). Ces savants personnages travaillaient à faire passer la théologie d’une conception de science abstraite à celle de spiritualité vécue.
On voit bien que les évêques réformateurs, selon l’Instructio curatorum de Gerson qui restait le maître à penser incontesté du clergé français, singulièrement des universitaires humanistes31, voulaient rétablir la prédication qu’ils regardaient comme le premier devoir du pasteur, restaurer la pratique fréquente de la confession et enrichir la dévotion eucharistique. Ils firent publier des livres à l’usage de leurs diocèses pour aider les curés dans leur ministère32.
Chacun sait que le quatrième concile du Latran (1215) avait établi l’obligation de la confession et de la communion pascales dans son vingt-et-unième canon que les curés devaient lire au prône du Carême, mais Gerson voulut aller plus loin que la règle en demandant que l’on se confessât plus souvent, voire, dit-il dans un sermon de 1399, chaque fois qu’on recevait la sainte Communion33 ; en 1505, le Manuale de l’archidiocèse de Rennes est l’écho de Gerson, ajoutant :
quand plus souvent le fait-on et mieux vaut, selon l’état de la personne ou quatre fois l’an ou chacun mois ou chacune semaine ou chacune bonne fête.
Le Manuale du diocèse de Limoges (1518), celui du diocèse de Senlis (1525), celui d’Autun (1544) ne présentaient pas seulement la procédure de la confession mais la pédagogie du confesseur qui devait conduire le pénitent à une accusation sincère, le consoler et l’instruire. Or, répétant saint Thomas d’Aquin, saint Albert le Grand et saint Bonaventure qui reprenaient saint Augustin, certains prétendaient que la confession n’était nécessaire que pour les péchés mortels et, comme cette opinion avait quelques faveurs dans le nord de la France, on y avait institué des confessions et des absolutions générales34 pour les péchés véniels, souvent prévues au Jeudi Saint, où l’on en profitait pour instruire les fidèles et les amener à la confession privée.
Les évêques réformateurs réunis à Tours pour les États Généraux (1484) avaient mis sur pied un programme inspiré par le fondateur de la congrégation de Montaigu, Jean Standonk, devenu archevêque de Reims, et rédigé par Jean de Rély, évêque d’Angers, qui fut appliqué au synode de Sens (1485).
Aux États de Tours, l’assemblée ayant entendu l’évêque d’Angers, Jean de Rély, dénoncer le grand scandale du manque de règle, de dévotion et de discipline religieuse, le Clergé et le Tiers-État, sous forme de doléances, avaient dressé un plan général de réforme qu’ils voulurent soumettre à Sixte IV (juillet 1484), mais comme le Pape ne se donna pas la peine d’y répondre, les réformateurs obtinrent de Charles VIII et de l’archevêque de Sens, Tristan de Salazar, le synode provincial de 148535.
Une fois passés les désordres de la minorité de Charles VIII, les principaux réformateurs36, à l’instigation du Roi, se rassemblèrent à Tours, en 149337. Il suffit de considérer ceux qui nous restent des statuts synodaux du début du règne de Charles VIII (1483) à la promulgation du concile de Trente (1563) pour se persuader de l’ampleur de l’esprit de réformation en France38, encore que d’une part beaucoup sont perdus et que, d’autre part, bien des évêques n’ont pas cru bon d’en faire d’autres quand les récents suffisaient39. Le cumul des bénéfices, les commendes et les charges civiles exercées par les dignitaires ecclésiastiques, parce que ce furent autant de raisons pour ne pas résider, ne furent cependant pas des entraves rédhibitoires, puisque les évêques se faisaient représenter par des vicaires généraux et des suffragants (nous dirions aujourd’hui des auxiliaires) qui furent souvent d’excellents artisans de la réformation du clergé et, parfois, confiaient l’administration de leur diocèse à un de leur confrères moins chargé qui contrôlait par personnes interposées40.
L’ordonnance de Blois de Henri III
Des réformistes français mesurés
La plupart des réformistes français qui appartenaient au courant humaniste, étaient bien évidemment, comme généralement les humanistes, tous optimistes, opposés aux thèses protestantes, toutes pessimistes, mais, craignant tant de voir détruite l’unité de l’Église, ils préféraient privilégier ce qui réunissait les chrétiens plutôt que ce qui les divisait et, contre la Sorbonne qui ne songe qu’à faire couler le sang et allumer les bûchers, ils favorisaient, la concertation ; c’était le cas de l’évêque de Bayonne, puis de Paris, le cardinal Jean du Bellay, des confesseurs de François Ier et du grand aumônier de France d’Henri II ; l’on aurait beau jeu de le leur reprocher s’ils n’étaient ici en compagnie des saints martyrs d’Angleterre, portés sur les autels, tel saint John Fisher, évêque de Rochester, ou l’illustre chancelier Thomas More.
On notera d’ailleurs qu’à propos d’un projet de visite de Mélanchthon à Paris (1535), Paul III fit écrire au nonce Carpi :
Sa Sainteté loue extrêmement le Roi, comme il en a l’idée, de vouloir entraîner la majorité du peuple allemand, à quelque bonne délibération et de faire venir Mélanchthon pour préparer et faciliter l’examen des questions qui seront portées devant le concile.
La requête du clergé aux États généraux de Blois
C’est dans ce grand courant, bouleversé par les guerres religieuses, que, le 18 février 1576, aux États généraux de Blois, l’archevêque de Vienne (Pierre de Villars) et celui de Lyon (Pierre d’Epinac), avec l’évêque de Paris (Pierre de Gondi) proposèrent d’accepter la publication du concile de Trente avec réserves des libertés de l’Église gallicane que l’on demanderait au Pape de confirmer. La discussion s’acheva et l’on proposa la résolution de demander au Roi la publication du concile de Trente, hormis ce qui serait préjudiciable aux libertés de l’Église gallicane et avec réserve des privilèges, des exemptions et des franchises ; d’autre part le Pape serait humblement prié d’accorder ces atténuations (23 décembre 1576).
On notera que beaucoup confondent les revendications des libertés de l’Église gallicane avec le cumul des bénéfices ; après avoir remarqué que le cumul des bénéfices était commun à toute l’Église romaine, on comprendra que pour les petits bénéficiers, ce cumul ne servait qu’à leur assurer une vie décente, et c’est en pensant à ces pauvres que l’on exigeait une contrepartie.
Aucun des deux camps, ce jour là, n’emporta la majorité et l’on ne s’accorda que le surlendemain sur la proposition suivante :
Les ecclésiastiques reconnaissent que pour apaiser l’ire de Dieu, la réformation doit commencer à leur état, qui doit être comme la lumière tant pour conduire leur troupeau par la droite voie que pour ramener à la bergerie ceux qui par schisme et hérésie s’en sont dévoyés ; et pour y parvenir, leur semble n’y avoir meilleur et plus prompt moyen que de suivre et garder les saints décrets et constitutions du dernier sacré concile de Trente, auquel, selon la multiplicité des abus qui de toutes parts y ont été proposés, y a saintement été pourvu de remèdes convenables.
Partant, ils supplient très humblement Votre Majesté de faire publier et inviolablement garder en ce royaume, sans préjudice toutefois des libertés de l’Église gallicane et des exemptions de juridiction et autres privilèges des Chapitres des églises cathédrales et collégiales, et autres personnes ecclésiastiques de ce royaume, dont ils jouissent à présent, comme aussi des grâces et dispenses ci-devant obtenues, attendu même que ledit concile a été assemblé à l’instance et réquisitoire des Rois vos prédécesseurs, et des autres princes chrétiens, qui ont comparus par leurs Ambassadeurs, et y ont fait soumission comme vrais enfants de l’Église, protecteurs d’icelle, et exécuteurs de ses saints décrets.
Pour l’établissement de la discipline ecclésiastique et exécution dudit concile, les conciles provinciaux seront tenus dans un an au plus tard, et puis après de trois ans en trois ans, par les archevêques et diocèses de leurs provinces, selon la disposition dudit concile. Et afin que les règlements qui y seront faits ne demeurent illusoires et sans effets, sera inhibé à tous juges laïques de s’entremettre ou de connaître sur lesdits conciles provinciaux, aussi tenir la main à l’exécution d’iceux de point en point quand ils en seront requis, comme au propre édit et ordonnance du Roi, sans restrictions ni déclarations, ni modifications quelconque.
Les choses n’ayant guère avancé, lorsque l’Assemblée de Melun se réunit (de juin à septembre 1579) sous les archevêques de Lyon (Pierre de l’Épinac) et de Bordeaux (Antoine Prévost de Sansac), elle décida de présenter à nouveau la requête faite par le Clergé au Roi lors des États de Blois, ce qui fut fait, les 3 et 19 juillet 1579 par l’évêque de Bazas (Arnaud de Pontac) ; l’assemblée du Clergé continua de siéger, mais à Paris (du 30 septembre 1589 au 1er mars 1580).
La décision d’Henri III
Pris entre les vœux de son clergé et ceux de ses conseillers et des parlementaires, sous la menace huguenote, Henri III ne pouvait guère publier le concile de Trente, mais, pressentant les bienfaits de la réformation, il fit, en réponse aux cahiers des États de Blois, enregistrer par le Parlement une ordonnance de soixante-six articles pour réglementer la discipline ecclésiastique dans son royaume, sans que Rome pût s’en offusquer (25 janvier 1580), ce que pourtant elle fit.
L’Ordonnance de Blois (mai 1579), ainsi intitulée parce qu’elle répond aux cahiers des États de 1576, comprend, parmi ses trois cent soixante-trois articles, des dispositions de discipline ecclésiastique, généralement droit issues du concile de Trente, mais rendues compatibles avec les usages du royaume.
Dans l’ensemble des diocèses français, les décrets conciliaires sont reçus en tout ce qui concerne la doctrine et l’œuvre pastorale. Ainsi, l’Église gallicane, sans rien perdre de ses libertés, intègre à ses traditions pastorales et spirituelles les acquis de la réforme tridentine, les fait siens et leur communique son génie propre qui, à travers la formation du clergé selon les normes de l’École française de spiritualité, touchera toute l’Église catholique.
La conversion providentielle de Henri IV
L’Édit de Nantes et la fin de l’expansion protestante
L’abjuration d’Henri IV arrête définitivement la possibilité d’expansion du protestantisme en France et, claquemurant les calvinistes dans les places de sûreté, l’Édit de Nantes41 en fait une minorité de droit particulier. Cependant, si l’Église catholique sort vainqueur du conflit, elle accuse de terribles pertes humaines et matérielles dont les ruines immobilières resteront longtemps le symbole42. Les guerres de religion ont ébranlé la conscience religieuse de nombreuses régions où les paroisses sont souvent régies par des clercs ignorants et parfois scandaleux, incapables d’enrayer un retour à une sorte de paganisme superstitieux et sauvage ; simultanément, sous les apparences du conformisme, s’épanouissent le scepticisme et l’indifférence, voire le refus de toute religion. Or, au cœur même de la tourmente, se sont formés les ouvriers de la réforme qui, au pas du concile de Trente, se jettent à l’assaut de cette société désabusée et démoralisée.
Les difficultés de Henri IV
D’aucuns font grief à Henri IV de n’avoir pas publié le concile de Trente comme il s’y était engagé lors de son absolution ; c’est un mauvais procès, car si le Roi s’y étant engagé, la cédule pénitentielle que lui accorda Clément VIII disait simplement :
fasse que le concile de Trente soit publié et observé par tous, exceptant cependant, ce que nous accordons à votre très instante supplication et prière, les points, s’il y en a, qui vraiment ne pourraient être observés sans que la tranquillité du royaume en fût troublée.
Certes, Clément VIII attendait de son légat43 qu’il fît presser la publication, mais, plus soucieux de l’esprit que de la lettre, il lui demandait avant tout d’œuvrer à son application ;
Il suffit, disait le légat, que chaque jour on fasse un petit progrès, que l’autorité du Pape se fortifie, et que la foi catholique augmente.
Aux délégués de l’Assemblée générale du Clergé de 1595-159644 qui lui demandaient la publication du concile, Henri IV dit reconnaître le bien fondé de leur requête mais leur représenta l’urgence d’être assisté et secouru de plusieurs qui pourraient être offensés de ces règlements ; et c’est encore le Nonce, en parfait accord avec le Pape, qui tempère l’ardeur des évêques.
Le Roi dit un jour au légat qui lui rappelait la publication du concile :
Si j’ai promis, c’est pour tenir. Mais l’affaire est de conséquence et mes prédécesseurs, quand ils ont voulu y mettre la main, y ont toujours échoué. Si je voulais aller trop vite, le même sort m’attendrait.
Cependant il obtint que les évêques nommés par des brevets royaux perdissent leurs droits si les bulles n’arrivaient pas dans le délai déterminé (1597).
Un roi de bonne volonté
Alexandre de Médicis quitta la France (1600) et son successeur45, ayant reçu la mission de faire publier le concile de Trente, représenta au Roi que, s’il ne le faisait pas, son absolution deviendrait nulle. Or, comme son prédécesseur, il comprit que si Henri IV avait bonne intention, il craignait encore pour la paix publique aussi, pour ménager un terrain favorable à la publication, il s’ingénia à sauvegarder les exceptions octroyées par la bulle d’absolution où il comprit les édits de tolérance, ce qui fit tomber l’opposition des protestants du Conseil qui signa et scella la minute d’édit pour la publication du concile de Trente. Comme il fallait s’y attendre, le Parlement refusa d’enregistrer l’édit et le Roi, craignant une nouvelle guerre avec l’Espagne, prit le parti d’attendre.
Clément VIII mourut, le nouveau pape, Paul V, envoya Maffeo Barberini46 en France où l’Assemblée générale du Clergé, en 1605, renouvela encore ses instances, mais la situation étant toujours aussi dangereuse, malgré l’efficace concours des cardinaux de Joyeuse, de Gondi et de Sourdis, et du R.P. Coton, le confesseur d’Henri IV, il n’eut pas davantage de succès.
L’assassinat d’Henri IV mit provisoirement fin aux espoirs pontificaux et, à part une intervention de François Péricard47 au nom de l’Assemblée générale du Clergé de 1610, les désordres de la Régence ne permirent pas de faire plus en faveur de la publication des décrets du concile de Trente.
L’adoption du concile sous Louis XIII
Les États généraux de 1614
Lorsque, dans l’après-midi du 27 octobre 1614, sous l’impulsion des princes, le roi Louis XIII, tout fraîchement déclaré majeur48, présida à l’hôtel de Bourbon l’ouverture solennelle des très loyalistes États généraux, les cent-trente cinq députés du premier Ordre du Royaume étaient conduits par des prélats49 qui, pour être tout dévoués au Roi, ne considéraient pas pour autant que les intérêts de l’Église gallicane fussent contraires à ceux du Saint-Siège ; le nonce Ubaldini ne manqua d’ailleurs pas d’informer le Souverain Pontife qu’il voyait là une occasion favorable pour l’Église de France et pour la religion catholique toute entière.
Les députés du Clergé qui avaient rejoint Paris les premiers50, s’étaient réunis dans la salle des Études du couvent des Grands Augustins, dès le matin du 14 octobre, mais leurs travaux ne commencèrent réellement qu’à partir du 17 octobre où ils étaient rejoints par les cardinaux de Joyeuse et du Perron, encore qu’ils passèrent une semaine entière à régler les questions pratiques et les affaires de préséances dont ce siècle raffolait ; le dimanche 26 octobre, ils processionnèrent jusqu’à Notre-Dame où l’évêque de Paris chanta la messe à laquelle prêcha le cardinal-archevêque de Bordeaux.
La semaine suivante qui commença par l’ouverture solennelle des États généraux, ne fut guère plus productive :
– le 29 octobre, les trois Ordres s’entendirent pour prescrire des prières publiques à tout le Royaume ;
– le 31, une délégation de chaque Ordre fut reçue par Louis XIII et Marie de Médicis dans le Grand Cabinet du Louvre ;
– au jour de la Toussaint, l’archevêque de Lyon prêcha à la grand’messe célébrée à Notre-Dame par le cardinal de Sourdis51 qui communia tous les députés.
– Enfin, le 4 novembre, les députés du Clergé prêtèrent le serment52, réglèrent leurs séances futures et, par la voix de l’évêque de Beauvais (René Potier) proposèrent aux deux autres Ordres de s’allier à eux pour faire quelques articles généraux qui concernerait le bien de tous les trois Ordres, lesquels on supplierait le Roi répondre auparavant que d’en présenter d’autres, de semaine en semaine, proposition où le Clergé comprenait sans doute la publication du concile de Trente, mais que la Cour fit avorter le lendemain.
Outre certaines doléances propres à l’époque53, et à l’aristocratie dont beaucoup de ses députés sont issus54, le Clergé, en ce qui regardait les affaires de la religion, manifestait des préoccupations et proposait des solutions tout droit sorties du concile de Trente55.
– Ainsi, quand l’Ordre du Clergé demandait l’application des édits contre le duel, il ne faisait que se conformer au dix-neuvième chapitre de la vingt-cinquième session du concile de Trente qui excommunia tous ceux généralement qui se battent en duel, qui le permettent, le conseillent où y sont présents.
– Il en allait de même lorsque l’Ordre du Clergé parlait du choix des évêques, de la simonie, de la confidence, des empiétements sur la juridiction spirituelle, de la fondation des séminaires.
– Il en allait de même lorsque, le 20 novembre, le cardinal de Sourdis, saisissant une proposition de l’évêque d’Orléans, engagea le Clergé à rédiger un avertissement et mémoire aux conciles provinciaux.
La supplique du 7 novembre 1614
D’ailleurs, au terme des États généraux, le premier Ordre du Royaume présenta au Roi un projet de règlement parfaitement aligné sur les décrets tridentins dont le troisième article était ainsi rédigé :
La justice et piété du Roi nous fait espérer que Sa Majesté commandera la publication du concile de Trente être faite par tout son Royaume et néanmoins s’il arrivait que ladite publication fut différée, les Ecclésiastiques, à la décharge de leur conscience, et conformément aux réponses que fit le feu Roi Henry le Grand au cahier que le Clergé lui présenta en l’année 1602, observeront, pour la réformation des mœurs et de la discipline ecclésiastique, les saints décrets et constitutions canoniques contenus audit concile, sans préjudice pourtant des exemptions des Églises Cathédrales et Collégiales, monastères et autres communautés de ce Royaume, et des droits, franchises et libertés de l’Église gallicane.
Ainsi, la grande affaire qui occupe le Clergé, et que, dès le 7 novembre, il mit, en tête de ses articles généraux de première urgence, qui conclura la harangue de l’évêque de Luçon56, c’est bien la publication dans le Royaume du sacré et œcuménique concile de Trente comme une loi d’État que, malgré les efforts d’Henri IV, le Parlement avait refusé ; on se souvient que l’assemblée du Clergé de 1610 l’avait déjà demandée à Louis XIII et à la Régente, en leur assurant que le concile, loin de diminuer l’autorité royale, ne ferait que la confirmer et l’assurer davantage.
Donc, le 7 novembre 1614, le Clergé décida, sur la proposition du Promoteur57,
qu’il sera fait un article contenant très humble supplication et instance au Roi à ce qu’il lui plaise avoir agréable et ordonner que ledit Sacré concile de Trente serait reçu, publié et gardé par tout son Royaume, et les saints décrets et constitutions d’icelui observés et exécutés par toutes personnes de ses États, terres et pays de son obéissance ; le lendemain, à la demande des petits bénéficiers, la chambre ecclésiastique décida d’ajouter une réserve pour sauvegarder les Libertés de l’Église gallicane, Privilèges et Exemptions des Chapitres, Monastères et Communautés, pour lesquels Privilèges, Libertés et Exemptions, Sa Sainteté sera suppliée à ce qu’elles soient réservées et demeurent en leur entier, sans que ladite publication y puisse préjudicier.58
C’était, on s’en souvient, user de la concession faite par le Pape dans la bulle d’absolution d’Henri IV.
L’évêque d’Avranches, François Péricard, prêchant aux trois Ordres rassemblés pour la messe dominicale du 9 novembre, ne manqua de les exhorter à recevoir le concile de Trente, ce que recommença, le dimanche suivant, l’archevêque d’Aix, Anne de Nabérat. Peut-être le Clergé n’accepta-t-il de dénoncer la Paulette que parce qu’il était entendu que la Noblesse pousserait à la publication du concile.
On peut s’étonner de l’unanimité de toute la compagnie, sans excepter un seul des particuliers des députés du Clergé à vouloir la publication des décrets du concile de Trente ; car, à côté des ultramontains qui avaient alors le vent en poupe, il devait bien y avoir parmi eux de vieux gallicans recuits59, peu soucieux de renforcer l’autorité pontificale. Certes ! Mais, justement, ils étaient gallicans ! Puisqu’ils s’étaient laissés persuader par Antoine Filheul et, surtout, par le cardinal de Lorraine, que le concile de Trente avait été libre, professant que le concile est supérieur au pape ils ne pouvaient, sans sacrilège, sans hérésie, impiété et blasphème, que protester d’un commun consentement et acclamation […] que le Saint-Esprit avait présidé en ce sacré concile général, qu’il y avait parlé comme par ses oracles par les bouches des premiers prélats de la Chrétienté assemblés sous l’autorité du Saint-Siège. De plus, puisque le Souverain Pontife et ses légats avaient garanti des concessions, ils ne redoutaient plus que les libertés de l’Église gallicane pussent souffrir de la publication du concile de Trente.
La supplique du 29 novembre 1614
C’est ainsi que, le 29 novembre, rédige l’article suivant :
Les Ecclésiastiques de votre Royaume continuant leurs précédentes supplications et très humbles requêtes faites par plusieurs et diverses fois à vos prédécesseurs tant aux États Généraux qu’aux Assemblées du Clergé, et ne se pouvant ni devant jamais lasser d’en faire toute sorte d’instaces, vu qu’il y va tant de l’honneur de Dieu et de celui de cette Monarchie Très Chrétienne, qui depuis tant d’années avec si grand étonnement des autres nations catholiques porte cette marque de désunion sur le front, suppliant très humblement Votre Majesté qu’il lui plaise, embrassant cette gloire et cette couronne, que Dieu lui a réservées jusqu’à maintenant, ordonner : Que le concile universel et œcuménique de Trente sera reçu et publié en ce Royaume, et les constitutions d’icelui gardées et observées, sans préjudice toutefois des droits de Votre Majesté, Libertés de l’Église gallicane, Privilèges et Exemptions des Chapitres, Monastères et Communautés, pour lesquels Privilèges, Libertés et Exemptions, Sa Sainteté sera suppliée à ce qu’elles soient réservées et demeurent en leur entier, sans que ladite publication y puisse préjudicier.
La position de la Noblesse et du Tiers-Etat
Si tant est que la Noblesse ait pris des engagements secrets au moment des doléances contre la Paulette, elle ne les tint d’abord pas et après que l’archevêque de Lyon, le 19 février 1615, lui vint demander son appui, elle se contenta de répondre :
ne sachant ce qui est contenu dans ce concile, mais seulement ce bruit général de saint, sans autre particulière information ni notification, nous nous sommes tenus à ce que nous avons vu être fait par les rois, qui toujours eurent soin particulier de nos biens et de nos âmes, lesquels ne l’ont voulu recevoir.
M. de Beauvais revint à la charge le lendemain et, plus habile que le primat des Gaules, il emporta l’adhésion du deuxième Ordre (20 février).
Quant au Tiers-État, dans sa grande majorité composé d’esprits parlementaires60, il répondit à la première requête présentée par l’incontournable évêque de Beauvais (19 février) :
Pour ce qui est de la foi, nous le tenons en France ; pour les mœurs et pour la police, que les ordonnances et les lois de France étaient assez suffisantes, et que les ecclésiastiques, en ce qui était bon, le pouvaient pratiquer
; puis l’orateur des députés de Paris précisa :
Que les Français à présent ne sont pas plus sages que leurs prédécesseurs, qu’il y a plus de soixante ans que l’affaire a été mise sur le tapis, que l’on a eu avis des plus grands personnages qui nous ont précédés, et n’ont jamais trouvé bon que l’on reçût ledit concile
; enfin l’orateur des députés de Normandie conclut :
J’ai dit que sur cette proposition, l’on avait délibéré plusieurs fois en France ci-devant,
– que nous souhaiterions que le concile se pût diviser, et nous embrasserions les deux premiers points des lois auxquelles il consiste, savoir en la doctrine et la discipline, comme auxquelles il consiste, savoir en la doctrine et la discipline, comme étant entièrement conformes à ce qui est décidé par le concile, lesquelles lois nous jurions de garder tous les ans ;
– que pour les concilier ensemble il faudrait du temps,
– que nous ne le pourrions faire dans lundi, qui était le jour désigné par le Roi pour la présentation de notre cahier, et partant que nous étions d’avis de prier Messieurs de l’Église de nous excuser, si présentement nous ne pouvions arrêter leur proposition.
L’évêque de Beauvais, pensant que la décision de la Noblesse pouvait influer sur le Tiers-État, revint à la charge mais n’eut guère de succès. Les trois Ordres, malgré la brillante harangue de M. de Luçon, l’habileté du nonce Ubaldini et les brefs de Pie V, n’ayant pu s’entendre, le Roi ne publia pas le concile de Trente (24 mars 1615).
L’Assemblée générale du Clergé de 1615
Or, l’Assemblée générale du Clergé devait se réunir moins de deux mois plus tard et, à cet effet, les députés de la chambre ecclésiastique des États généraux avaient décrété qu’ils seront continués députés dans l’Assemblée prochaine, ce qu’entérina le Conseil d’État par un arrêt du 10 décembre 1614. Avant de se séparer, le premier Ordre du Royaume avait eu soin de charger la future Assemblée générale d’insister par exprès et préférence sur la publication du concile de Trente61.
Sans changer de salle, le 16 mai 1615, la nouvelle Assemblée décennale62 s’ouvrit, le 18 mai, les députés portèrent à leur présidence les cardinaux du Perron et de La Rochefoucauld et, dès le 19 mai, ils envoyèrent l’archevêque d’Aix, avec les évêques d’Avranches, d’Orléans et de Rieux, prier le Chancelier de donner au plus tôt les réponses à leur cahier de doléances, particulièrement ce qui regarde la publication du sacré concile de Trente. Comme la réponse du Chancelier, arrivée dans l’après-midi du lendemain fut par trop dilatoire, l’Assemblée, le 22 mai, expédia une deuxième délégation, formée des évêques de Beauvais, de Nantes63, d’Orléans et de Rieux, dont le résultats fut plus lent mais aussi peu, à ceci près que le Chancelier disait que le Roi avait nommé une commission de six membres pour examiner les doléances du Clergé (27 mai).
À son tour, le jour même, l’Assemblée, pour prendre quelque bon expédient et résolution sur la réception et publication du concile de Trente et à ce qu’elle ne soit plus différée, réunit une commission de huit membres64, autour de ses deux cardinaux. L’Assemblée se mit ensuite à traiter des affaires financières pour quoi elle était rassemblée et, lorsqu’elle en eut terminé, deux des commissaires du Roi venus pour faire la quête du don gratuit, l’assurèrent de la conservation des privilèges du Clergé mais ne dirent rien à propos du concile (6 juin). On se doute que les discussions, un temps interrompues par les solennités de la Pentecôte, furent vives et d’aucuns étaient bien résolus à ne pas donner d’argent au Roi si celui-ci n’accordait la publication du concile.
En fin de compte, comme le 19 juin, les commissaires royaux, à bout d’arguments dilatoires, finirent par dire que le Roi s’était réservé personnellement l’affaire, l’Assemblée envoya l’évêque de Beauvais vers la Reine et le Chancelier (22 juin), puis, le 1er juillet, descendit tout entière au Louvre où, après que l’évêque de Nantes eut demandé le libre exercice du culte catholique en Béarn, l’évêque de Beauvais demanda la publication du concile. N’ayant d’autre réponse que de vagues promesses, le 7 juillet, l’Assemblée rédigea l’acte suivant :
Les Cardinaux, Archevêques, Prélats et autres Ecclésiastiques soussignés représentant le Clergé général de France assemblés par la permission du Roi au couvent des Augustins à Paris, après avoir mûrement délibéré sur le sujet de la publication du concile de Trente, ont unanimement reconnu et déclaré, reconnaissent et déclarent être obligés par leur devoir et conscience à recevoir, comme de fait ils ont reçu et reçoivent ledit concile et promettent de l’observer autant qu’il peuvent par leurs fonctions et autorité spirituelle et pastorale, et pour en faire une plus ample, plus solennelle et plus particulière réception, sont d’avis que les conciles provinciaux de toutes les provinces métropolitaines de ce royaume doivent être convoqués et assemblés en chacune province dans six mois au plus tard. Et que Messeigneurs les Archevêques et Évêques absents en doivent être suppliés par lettres de la présente assemblée, conjointes aux copies du présent acte, pour en iceux conciles provinciaux être ledit concile de Trente reçu, avec injonction de la réception par après aux synodes de tous les diocèses particuliers, suivant la délibération des États Généraux du Royaume, dont l’article est inséré au pied du présent acte, et qu’en cas que quelqu’empêchement retardât l’assemblée desdits conciles provinciaux dans le temps susdit, le concile sera néanmoins reçu èsdits synodes diocésains premiers suivants, et observé par lesdits diocèses. Ce que tous les prélats et autres ecclésiastiques soussignés ont promis et juré de procurer et faire effectuer à leur possible. Fait en l’Assemblée générale dudit Clergé tenue aux Augustins à Paris le septième jour du mois de juillet l’an 1615.
La résolution fut lue solennellement, chacun des quatre-vingts députés en signa la minute et, entre les mains le cardinal du Perron, jura sur les saints Évangiles de l’observer. L’évêque de Nantes fut chargé d’écrire aux prélats absents pour recueillir leur assentiment et le Nonce, exultant d’une allégresse inexprimable65, eut une copie pour la transmettre au Souverain Pontife.
Lorsque, le 8 août, l’Assemblée vint prendre congé du Roi, François de Harlay qui fit en son nom le compliment, ne manqua pas de se louer de l’acceptation du concile et, comme Louis XIII, pas plus que sa mère, ne dit rien alors que le Chancelier était réduit au silence par le cardinal de La Rochefoucauld66, tous firent semblant de croire qu’ils étaient approuvés et personne ne demanda plus qu’une fois un Édit royal à ce sujet, lors de l’Assemblée générale de 1625.
Conclusion
Sans toucher aux libertés de l’Église gallicane, ni aux acquits du concordat de 1516, les réformateurs, forts de ses réalisations passées et des expériences italiennes, modèlent le renouveau français à l’aune tridentine dont l’ordre hiérarchique leur acquiert l’efficace soutien du pouvoir. Laissant de côté l’impossible réforme du système bénéficial, les réformateurs s’attachent à susciter des vocations sacerdotales pieuses et appliquées qui, jusque dans les campagnes les plus reculées, donnent l’horreur de cet ancien prolétariat clérical inculte et incapable, trop souvent ivrogne et fornicateur.
À très peu d’exceptions près, les évêques, convaincus de la nécessité réformatrice, dans l’imitation de saint Charles Borromée, s’efforcent de faire appliquer les décisions du concile de Trente, sans pour autant détruire les diversités pastorales. Sans doute ne servirait-il à rien de publier les canons du concile, de rédiger un catéchisme ou de promulguer des livres liturgiques si les évêques ne sont pas eux-mêmes la manifestation visible de la réforme, aussi, l’évêque post-tridentin ne manque jamais une occasion de se montrer, singulièrement lors des visites pastorales conçues comme un exercice appliqué du cérémonial et une inspection plus ou moins minutieuse des gens, des lieux et des choses de la pastorale.
Selon ce que recommande le rituel de Paul V, la visite pastorale est d’abord une enquête réaliste sur l’état temporel et spirituel de la paroisse à partir de quoi on élabore les moyens de la réforme, le contrôle de son évolution, puis son affermissement.
Régulièrement contrôlés par l’administration diocésaine dont les éléments dirigeants inspectent les paroisses lors des visites pastorales et des confirmations, les curés, d’ailleurs généralement respectés dans leur diversité pastorales, sont de plus en plus soucieux de produire de bons résultats et ce d’autant mieux qu’ils appliquent les statuts synodaux élaborés lors des synodes diocésains67 dont ils sont membres de droit. Devenus, à la tête des paroisses, des notables d’importance, confortés par les autorités publiques qui élargissent leur compétence bien au-delà de leur rôle ecclésial, les curés, maîtres du culte revalorisé par les nouveaux usages liturgiques, sont mieux disposés à conquérir jusqu’aux cœurs de leurs paroissiens auxquels ils s’imposent par la rigoureuse application des canons et la dignité de leur aspect, conjugués avec un meilleur savoir et une plus grande piété.
- La reine-impératrice Marie-Thérèse (qui gouverne de 1740 à 1780), puis son fils, l’empereur Joseph II de Habsbourg (1741-1790, corégent depuis 1765), comme leurs prédécesseurs à la tête des domaines héréditaires, règnent sur des pays séparés et différents tant par la langue que par l’économie et qui, pour la plupart, n’ont guère d’autre point commun que la religion catholique dont ils entendent unifier la pratique pour renforcer leur pouvoir ; l’un et l’autre pensent qu’il appartient à l’État de régler et modifier les activités de l’Église pour l’harmoniser avec le siècle.
– Marie-Thérèse entend régler la condition légale des biens de l’Église, établir un statut civil des religieux, réformer les études ecclésiastiques ; elle institue une commission pour surveiller les administrations financières ecclésiastiques (1750) à quoi elle assujetti les maisons religieuses (1756) ; elle fait de l’Université de Vienne un établissement d’État (1749-1753) ; elle interdit l’émission des vœux avant vingt-quatre ans (1770) ; elle crée le Département des Affaires Ecclésiastiques (1770) qui publie les ordonnances en matière ecclésiastiques (près de 6000 sous Joseph II).
– Joseph II interdit tout rapport avec des supérieurs étrangers, surveille étroitement les biens de mainmorte, interdit aux religieux, fût-ce pour un ministère paroissial, de s’éloigner de façon permanente de leurs couvents. Joseph II prend la direction de l’Église où il veut limiter l’influence romaine au dogme et à la morale : d’une part il est tolérant envers ceux que l’Église condamne comme dissidents (les jésuites sont dissous en 1773, mais non dispersés) et, d’autre part, il n’exige pour accéder aux bénéfices que la profession de foi de Pie IV, interdisant tout autre serment. Il ne se prive pas, sans consulter le Saint-Siège, de bouleverser les circonscriptions ecclésiastiques de ses états (institution de 800 paroisses, création des diocèses de Linz et de Saint-Polten), ne tenant compte que des activités pastorales et caritatives : l’Édit du 29 novembre 1781 supprime tous les établissements religieux qui ne se livrent ni à l’enseignement, ni à l’érudition, ni à une activité hospitalière (1783).↩ - Sous le pseudonyme de Justin Fébronius, l’évêque de Myriophyte, Jean-Nicolas de Hontheim (1701-1790), coadjuteur de l’archevêque-électeur de Trêves et vicaire général du diocèse depuis 1748, historien et canoniste distingué (professeur de droit romain à l’université de Trêves en 1732, président de l’Officialité de Trêves en 1737), publie, à Bouillon, en 1763, un traité, en latin, sur la constitution de l’Église : De statu præsenti Ecclesiæ et legitima potestate Romani pontificis liber singularis, ad reuniendos dissidentes in religione compositus ; l’ouvrage, traduit en allemand par Esslinger est publié à Francfort-sur-le-Main, en 1764. Pour mieux ramener les protestants dans le giron de l’Église, il expose sous une forme atténuée les droits et les prérogatives du Saint-Siège :
– le pouvoir ecclésiastique réside, secundum originem et virtutem, dans la totalité des fidèles et les évêques, y compris le pape, ne l’exercent que comme représentants de l’Église, secundum usum ;
– le Christ a transmis le pouvoir des clefs à Pierre et à l’Église universelle dont les pontifes ne sont que les ministres ;
– la primauté et l’infaillibilité n’appartiennent qu’au concile général ;
– le pouvoir du pape est limité par les canons des conciles et les droits des évêques ;
– les décisions du pape n’ont de valeur que revêtues de l’approbation des évêques ;
– on peut invoquer contre le pape l’aide des pouvoirs civils ;
– le pape, primus inter pares, a une primauté d’honneur (non de juridiction) qui lui confère des pouvoirs légitimes en faveur de l’unité de l’Église et de l’harmonie entre ses membres (défendre les évêques contre une injuste oppression, convoquer et présider les conciles, veiller à l’exécution des décrets conciliaires sur la foi et les mœurs) à quoi s’ajoutent des pouvoirs illégitimes, élaborés à partir des Fausses Décrétales, qui doivent être supprimés, fût-ce par la force (infaillibilité, juridiction concurrente avec celle des évêques, octroi d’exemptions, réserves, droit d’intervention dans les choses temporelles).Bien que l’ouvrage soit mis à l’Index dès 1764 et que Clément XIII exprime personnellement sa réprobation dans un bref envoyé à l’évêque de Ratisbonne (Clément de Saxe) pour qu’il procède contre, Jean-Nicolas de Hontheim le réédite plusieurs fois, le laisse traduire en langues étrangères (français, allemand, italien, portugais) et autorise même le prémontré Jean-Remacle Lissoire à rédiger un abrégé à l’usage des français, publié en 1766, à Wurtzbourg, sous le titre De l’état de l’Église et de la puissance légitime du pontife romain. Jean-Nicolas de Hontheim se rétracte en 1778.↩
- Comme le pape, à la demande du prince-électeur Charles-Théodore de Bavière venait d’instituer une nonciature à Munich (1785), les princes archevêques-électeurs de Mayence, Cologne, Trêves et l’archevêque de Salzbourg (Colloredo) qui réclamaient la suppression des nonciatures déjà existantes, tiennent congrès à Ems (août 1786) où l’on élabora une protestation de vingt-trois articles connus sous l’intitulé de la punctation d’Ems (suppression des nonces, des recours, des dispenses, du serment des évêques au Saint-Siège, acceptation des bulles et des brefs par les évêques).↩
- Les abbés de Cîteaux et de La Boussière furent parmi les premiers Pères étrangers à se présenter ; l’archevêque d’Aix, Antoine Filheul, et celui de Rennes, Claude Dodien ; les évêques de Clermont, Guillaume Du Prat, et de d’Agde, Claude de la Guiche.↩
- Canoniste adroit et théologien averti, incontestablement chef de la délégation française, il préside la commission chargée d’examiner les excuses des prélats absents, soutient la proposition de l’évêque de Fiesole qui veut ajouter au titre du concile : universalem Ecclesiam repræsentans, mais calme Guillaume Du Prat qui veut que l’on mentionne le Roi dans l’introduction du concile, à côté du Pape et de l’Empereur ; contre les évêques impériaux et espagnols qui, pour ne pas fâcher les luthériens, ont reçu mission de Charles Quint d’éviter les questions doctrine au profit de la réforme ecclésiastique, il fait que le concile commence par les dogmes, fondements de toutes choses ; il jette les bases du décret sur les abus dans l’usage de l’Écriture et professe qu’après le baptême, il reste seulement la concupiscence, qui de soit n’est pas un péché, mais nous porte à pécher, et qui nous est laissée pour nous exercer ; il demande que l’on interdise de prêcher contre la doctrine de l’Immaculée Conception et, à propos de la justification, selon le témoignage du secrétaire du concile, il rallie bien des Pères qui jugent ses votes catholiques et fidèles. À Bologne qu’il rejoint, par ordre exprès d’Henri II, après que l’évêque d’Avranches, Robert Cenalis, à propos des lettres de confession, demande que ne soit admis aucune dispense contre le décret du concile, car il n’y a aucune puissance au monde supérieure à celle du concile qui tient son pouvoir de Dieu, l’archevêque d’Aix propose que la confirmation soit donnée le jour du baptême, il plaide pour la fréquente communion, demande que lorsque qu’un prêtre porte la communion à un malade, il prennent deux hosties afin que les fidèles puisse poursuivre l’adoration du Saint-Sacrement ; il participe aux travaux de la commission de réforme des réguliers et à celle qui traitait des abus introduits dans l’Église ; son prestige est tel que les Pères veulent l’envoyer conseiller Paul III dans ses démêlés avec Charles Quint, juste avant que ses infirmités l’obligent à quitter le concile dont seule la mort l’empêche de publier, avec privilège du Roi et approbation de la Sorbonne, les décrets qu’il a rapportés, revêtus de la signature des deux légats à Bologne.↩
- On vit, entre autres, paraître au concile de Trente Eustache du Bellay (évêque de Paris), Jean du Bellay (évêque de Bayonne puis de Paris), Robert Cénalis (évêque d’Avranches), Pierre Danesius (évêque de Lavaur), Bernard Del Bene (évêque de Nîmes), Claude Dodien (archevêque de Rennes), Guillaume Du Prat (évêque de Clermont), Claude de la Guiche (évêque d’Agde puis de Mirepoix), Charles de Guise, cardinal de Lorraine (archevêque de Reims), Louis de Guise (évêque de Metz), Jean Hangest (évêque de Noyon), Jean de Morvilliers (évêque d’Orléans), Nicolas Pellevé (archevêque de Sens), Nicolas Pseaume (évêque de Verdun), Charles de Rouci (évêque de Soissons), Jacques-Marie Sala (évêque de Viviers), François de Valette (évêque de Vabres).↩
- Votre Majesté nomme indifféremment aux bénéfices une foule de gens incapables ou sans conscience, qui en tirent parti comme ils peuvent. Elle-même, Votre Majesté, est simoniaque puisqu’elle met sur les biens d’Église des réserves, des pensions, accumulant ainsi sur sa tête la colère de Dieu.↩
- C’était la continuation de l’induit du 9 juin 1531 que le Pape avait accordé à François Ier et qui fut renouvelé jusque à Charles IX. Il s’agissait de Cluny, Cîteaux et quatre de ses dépendances, Prémontré, Grandmont, le Val-des-Ecoliers, Saint-Antoine-de-Viennois, la Trinité des Mathurins, le Val-des-Choux et quelques autres dont le privilège avait été conservé.↩
- Projet de réunion des protestants d’Allemagne.↩
- Ainsi pensait Robert Gaguin (1433-1501), historien et canoniste, ministre général des Trinitaires, assurément un des personnages les plus influents de ce renouveau intellectuel et spirituel, autour de qui gravitent les disciples et continuateurs de Gerson. Né à Calonne en 1433, il étudia d’abord au couvent des Trinitaires de Préavin puis, à partir de 1457, à Paris ; tour à tour supérieur des maisons de Grandpré, Verberie, Tours et Paris, il fut élu ministre général de l’Ordre en 1473. Au cours de malheureuses missions diplomatiques au service de Louis XI et de Charles VIII, il rencontra les humanistes les plus renommés d’Italie, d’Angleterre et d’Allemagne. Docteur en droit canon (1480) il fut élu doyen de la faculté ès décrets en 1483 et 1487, il était l’orateur officiel de la Sorbonne où il aide le recteur Guillaume Fichet, son prédécesseur dans l’enseignement des lettres latines, à installer une imprimerie en 1470. On lui doit la publication de la Règle de Saint-Jérôme, un commentaire de la Règle de Saint-Augustin et les statuts de l’Ordre trinitaire. Il mourût à Paris le 22 mai 1501. Il avait été un ferme défenseur de l’Immaculée Conception dont il avait encouragé le culte chez les Trinitaires (lettre de 1492) et pour quoi il écrivit un office.↩
- C’était le cas de l’évêque de Bayonne, puis de Paris, le cardinal Jean du Bellay, des confesseurs de François Ier et du grand aumônier de France d’Henri II ; l’on aurait beau jeu de le leur reprocher s’ils n’étaient ici en compagnie des saints martyrs d’Angleterre, portés sur les autels, tel saint John Fisher, évêque de Rochester, ou l’illustre chancelier Thomas More. On notera d’ailleurs qu’à propos d’un projet de visite de Mélanchthon à Paris (1535), Paul III fit écrire au nonce Carpi : Sa Sainteté loue extrêmement le Roi, comme il en a l’idée, de vouloir entraîner la majorité du peuple allemand, à quelque bonne délibération et de faire venir Mélanchthon pour préparer et faciliter l’examen des questions qui seront portées devant le concile.↩
- Clichtove publie le De laude monasticæ religionis, en 1513, et le De vita et moribus sacerdotum, en 1519.↩
- Né à Blois vers 1380, Gérard Machet étudie au collège de Navarre dont il sort docteur (1411). Vice-chancelier de l’Université (1414), chanoine de Paris, il est attaché au Dauphin (le futur Charles VII) dont il est le confesseur de 1420 à 1448. Convaincu de la mission de Jeanne d’Arc, il préside à la commission de Poitiers. Il fut nommé évêque de Castres (1432) et mourut le 17 juillet 1448. Pour avoir été un fieffé défenseur de la Pragmatique sanction de Bourges, Gérard Machet n’en resta pas moins fidèle à Eugène IV contre Amédée VIII bien que ce dernier l’eut fait cardinal. Né à Arras, Jean de Rély fut sous-maître des philosophes (1466) au Collège de Navarre puis, licencié en théologie (1471) et prédicateur de talent, il était au service de l’évêque d’Amiens (Louis de Gaumont) ; confesseur de Charles VIII depuis les États généraux de 1484, fidèle lui aussi des libertés de l’Église gallicane, incita le Roi, au dire de Philippe de Commynes, à mettre la justice en bon ordre et l’Église, ajoutant qu’il mettait grand peine à réformer les abus de l’ordre de saint Benoît, et d’autres religions ; doyen de Saint-Martin de Tours (1491) et évêque d’Angers (1491), il mourut à Saumur le 27 mars 1499. Laurent Bureau, né à Liernais, entra chez les Carmes de Dijon, puis, docteur en théologie (Sorbonne), il fut nommé provincial de Narbonne en même temps qu’il était élu évêque de Sisteron (1499). Humaniste distingué, disciple de Gerson dont il voudrait obtenir la canonisation, il est fort attaché à la réforme ecclésiastique qu’il entreprend dans son Ordre en faisant adopter aux couvents français le règlement d’Eugène IV. Louis XII l’avait choisi comme confesseur dès 1498. Chargé par Alexandre VI et Louis XII d’enquêter sur les Vaudois, sa prédication en ramena beaucoup au sein de l’Église. Il mourut à Blois le 5 juillet 1504.
Né à Coutances, Jean Clérée, docteur en théologie de la Sorbonne (1489), d’abord dominicain du couvent d’Évreux, il entra dans la congrégation réformée de Hollande (1494) qu’il introduisit en France et dont il devint vicaire général (1499). Célèbre prédicateur, choisi comme confesseur par Louis XII (1504), il quitte sa charge quand il est élu général des Dominicains (1506). Normand du pays de Caux, Guillaume Petit entre chez les Dominicains de Rouen en 1480. Docteur en théologie (1502), prédicateur devenu rapidement célèbre, il est choisi comme confesseur de Louis XII (1509) et le demeure sous François Ier. Il prêche l’oraison funèbre d’Anne de Bretagne (1514). Très cultivé, auteur fécond et d’esprit ouvert, il composa de nombreux ouvrages de doctrine et de morale, fut à l’origine de la publication d’Origène, le Sulpice Sévère, de Grégoire de Tours, d’Adon de Vienne, de Sigebert de Gemblou, d’Aimon, de Paul Diacre, de Luitprand de Crémone et de Durand de Saint-Pourçain ; c’est lui qui présenta le projet de création du Collège royal à la Chambre des comptes. Un homme que tout l’ordre des savants et tous les gens vertueux regardent avec raison comme leur appui et leur illustre défenseur, écrit de lui Guillaume Budé à Érasme (1526). Archétype du clerc humaniste et orthodoxe, il se mêla peu de réforme disciplinaire mais il eut à cœur de sauvegarder l’unité de l’Église tant pour inviter Louis XII à la conciliation avec Jules II, qu’en se faisant un intelligent apologiste face aux mouvements protestants. Élu évêque de Troyes en 1518, il permuta pour l’évêché de Senlis en 1527. Il mourut à Paris le 8 décembre 1536.↩ - Originaire d’Arc-en-Barrois, Pierre du Châtel, étudia les mathématiques à Dijon puis alla parfaire sa formation en Allemagne et en Suisse où il demeura un temps près d’Érasme ; il étudia le droit à Bourges. En 1531, il fit partie de l’ambassade de l’évêque d’Auxerre à Rome qu’il quitta pour Venise. Après avoir professé pendant deux ans à Chypre, il voyage en Égypte, en Palestine, en Syrie et en Asie Mineure, séjourne à Constantinople, puis rentré à Paris, il se mit sous la protection du cardinal du Bellay qui le présenta au Roi (1536). Aumônier et lecteur du roi, chanoine de la Sainte-Chapelle, prévôt de l’église d’Évaux, il fut nommé évêque de Tulle (1539) puis de Mâcon (1544). Il fut un des organisateurs du Collège royal et succéda à Guillaume Budé comme maître de la Librairie du Roi. Il assista François Ier dans son agonie et prêcha son oraison funèbre. Henri II le nomma Grand aumônier de France (1548), lui donna la charge de l’éducation du Dauphin et lui fit échanger le diocèse de Mâcon contre celui d’Orléans (1551) où il instaura la réforme ecclésiastique. Il mourut en 1552. Voyageur impénitent, juriste, mathématicien et humaniste, grand défenseur des prérogatives royales, il milita pour la stricte conservation du maigre quadragésimal et lutta pour la conservation et la réformation des monastères.↩
- Fils naturel de Jean Ier duc de Bourbon et d’Auvergne, né en 1413, prend l’habit bénédictin à Saint-André de Villeneuve dont il est élu abbé (1438), avant d’être élu évêque du Puy (1443) ; il refuse le diocèse de Lyon (1444) qu’il administre cependant au nom de son neveu (1447-1466), en même temps que gouverneur du Bourbonnais et du Languedoc ; il est élu abbé de Cluny (1456) puis prieur de Saint-Rambert (1468). C’est sous épiscopat que Louis XI fait deux fois (1475, 1476) le pèlerinage du Puy. Il meurt à Saint-Rambert le 2 novembre 1485.↩
- L’abbaye de Marmoutier dont Guy Vigier devint abbé en 1458, sise près de Tours, regroupait deux cent soixante-dix maisons.↩
- Né vers 1420, moine puis prieur de Castres, il est élu abbé de Chezal-Benoît (1479) qu’il réforme selon des statuts, publiés en 1488 et approuvés par Innocent VIII (11 mai 1490) : célébration régulière de l’office divin, oraison quotidienne, études de théologie positive et d’histoire, vie commune et abolition de la propriété individuelle des moines, institution de l’abbatiat électif pour trois ans et renouvelable deux fois, nominations aux charges de l’abbaye pour un an. Il meurt en 1492.↩
- L’abbaye bénédictine de Chezal-Benoît regroupait une quinzaine de maisons.↩
- L’abbaye Saint-Sulpice de Bourges dont Guy Jouveneaux, moine de Chezal-Benoît avait été élu abbé en 1497, regroupait plus de vingt maisons dont la plupart étaient dans le diocèse de Bourges.↩
- Jean de Le Roist, ancien abbé de Chezal-Benoît, élu abbé (1500) de Saint-Allyre, au diocèse de Clermont, après que Jacques d’Amboise l’eut abandonnée pour qu’il la réformât. Jacques d’Amboise (1505-1516), frère du cardinal, est abbé de Jumièges (1474 à 1505) et de Saint-Allyre (1485 à 1500), abbé général de Cluny (1481), prieur de Saint-Martin-des-Champs (1493). Nommé évêque de Clermont (23 mai 1505), il travaille à la réforme de son diocèse. Il meurt à Paray-le-Monial le 27 décembre 1515.↩
- L’abbaye Saint-Vincent du Mans regroupait une trentaine de maisons dans l’ouest de la France et une au Pays de Galles.↩
- Georges d’Amboise, né à Chaumont-sur-Loire en 1460, est destiné dès sa jeunesse à la carrière ecclésiastique : abbé de Saint-Paul de Narbonne (1475), abbé de Grandselve (1477) ; docteur en droit canonique, protonotaire apostolique et aumônier de Louis XI, il est élu à l’archevêché de Narbonne (1482) ; conseiller du Roi sous la régence d’Anne de Beaujeu quoique fort lié avec le duc d’Orléans, il renonce au siège de Narbonne (1483) et reçoit l’évêché de Montauban (1484). Arrêté comme conspirateur, il est enfermé à Corbeil avec l’évêque du Puy (1487) ; libéré en février 1489, il est exilé dans son diocèse jusqu’au printemps 1490 où il rentre à la Cour. De retour d’une mission diplomatique en Suisse (mai-juin 1491), avec le duc d’Orléans, il s’attache au roi Charles VIII (4 septembre 1491), négocie le mariage du Roi avec Anne de Bretagne, se démet de l’évêché de Montauban pour reprendre celui de Narbonne (novembre 1491) à la mort du titulaire (23 février 1492). L’année suivante, lorsque meurt l’archevêque de Rouen (18 juillet 1493) le duc d’Orléans (gouverneur de Normandie), le chapitre de la cathédrale (21 août 1493) et le Roi nomment Georges d’Amboise à la primature de Normandie, mais le pape Alexandre VI donne l’archevêché à Frédéric Borgia : devant la détermination de Charles VIII qui nomme à la présidence des États de Normandie l’archevêque qu’il a choisi (octobre 1493), le Pape cède et confirme l’élection de Georges d’Amboise (21 mai 1494). Après avoir participé à la campagne d’Italie, toujours intime conseiller du duc d’Orléans, il attend à Blois, avec lui, un ordre d’exil lorsque son maître apprend la mort de Charles VIII et devient le roi Louis XII qui le fait son principal ministre. Élevé au cardinalat au titre de Saint-Sixte, il en reçoit les insignes à Loches (décembre 1498) et, le 5 avril 1501, il devient légat du Pape en France, charge qui lui sera sans cesse renouvelée jusqu’à sa mort. Il mourut au couvent des Célestin de Lyon le 25 mai 1510. Très attentif à la réforme ecclésiastique, Georges d’Amboise, en 1482, il s’était entendu avec les visiteurs de Cîteaux pour l’élaboration des statuts du collège Saint-Bernard de Toulouse, le 19 mars 1489, il avait obtenu du Pape des bulles pour obliger les moines de Grandselve à la réforme. Légat avec les pleins pouvoirs, il œuvre fort à la réforme ecclésiastique : Il soutient Standonk au collège de Montaigu, il charge Jean Raulin et Philippe Bourgoing de la réforme de Saint-Martin-des-Champs (janvier 1501), il autorise sainte Jeanne de France à construire une église pour ressembler des jeunes filles qui deviendront les Annonciades (décembre 1501), il seconde le cardinal de Luxembourg pour la réforme de Saint-Vincent du Mans (1502), il fait diriger la réforme des moniales de Fontevrault, Chelles, Montmartre et Poissy, il force la résistance des Cordeliers de Dijon (1503), des Carmes (1505), des Dominicains de Figeac (1510).↩
- Léon X octroya des privilèges à la congrégation de Chezal-Benoît (1516). L’abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Près qui regroupait une vingtaine de maisons en Ile-de-France, en Bourgogne et en Poitou (1514), l’abbaye Saint-Pierre de Jumièges qui regroupait une vingtaine de maisons en Normandie et une autre en Angleterre (1528), Saint-Pierre de Lagny, l’abbaye Saint-Sicaire de Brantôme qui regroupait vingt-cinq maisons dans les diocèses de Périgueux, Limoges et Rodez (1541), Sainte-Colombe de Sens, l’abbaye Saint-Paul de Cormery regroupait une quarantaine de maisons dans l’ouest de la France et en Champagne, Saint-Méen, Landevenec, Notre-Dame de Lire, Notre-Dame de Valmont reçurent la réforme de Chezal-Benoît qui toucha aussi cinq maisons de moniales où l’abbatiat resta cependant à vie : Saint-Laurent de Bourges, Saint-Pierre de Lyon, Saint-Menoux et Yzeure.↩
- L’abbaye de Fontevraud était le chef d’ordre de communautés d’hommes et de femmes (cent quarante-neuf prieurés doubles). L’abbesse Marie de Bretagne (1457-1478) obtint de Sixte IV une bulle de réforme (31 décembre 1458) et bénéficia de l’appui de l’évêque de Paris, Guillaume Charrier, qui rédigea pour elle une règle (1462) ; retirée à la Madeleine d’Orléans (1471), elle perfectionna la règle que Sixte IV approuva et fit promulguer, après l’avoir fait vérifiée par les archevêques de Lyon et de Bourges et par les abbés de Saint-Paul de Cormery et de Saint-Lomer de Blois, le 20 juillet 1474 ; cette nouvelle règle, par la bulle du 13 mars 1475, devint celle de tout l’Ordre de Fontevrault. Les abbesses qui succédèrent à Marie de Bretagne, Anne d’Orléans (1478-1491) soutenue par Charles VIII, puis Renée de Bourbon (1491-1533) appuyée par le cardinal d’Amboise, s’attachèrent à répandre la règle nouvelle dans les maisons de l’Ordre et poursuivirent l’œuvre de réforme. Anne d’Orléans, fille du duc Charles d’Orléans (le poète) et de Marie de Clèves, sœur aînée de Louis XII, Anne d’Orléans fut élue abbesse de Fontrevrault, le 3 décembre 1477, et reçut en commende l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers (1485) ; elle réforma en particulier Notre-Dame de l’Encloistre (diocèse de Tours), Notre-Dame de Foissy (diocèse de Troyes) et Notre-Dame de Variville (diocèse de Beauvais). Elle mourut le 19 septembre 1491 Madeleine d’Orléans réformait Jouarre, Marie Cornu réformait Chelles et Faremoutiers.↩
- Sainte Colette de Corbie (Boylet ou Boëllet) naquit à Corbie, le 13 janvier 1381, de parents très âgés qui attribuèrent sa naissance à l’intercession de saint Nicolas. Sous l’influence de ses parents, elle fut très tôt initiée aux exercices de piété et résolut de se consacrer au Seigneur. Après la mort de ses parents (1399) qui l’avaient confiée à l’abbé de Corbie, elle refusa le mariage et fit plusieurs expériences malheureuses de vie religieuse jusqu’à ce qu’elle rencontrât le R.P. Jean Pinet qui lui proposa de vivre en recluse sous la règle du Tiers-Ordre franciscain, ce qu’elle fit, à partir du 17 septembre 1402, près de l’Église Notre-Dame de Corbie. Toutes sortes de visions l’invitaient à quitter son reclusoir pour réformer l’ordre franciscain, mais ne croyant pas qu’elles venaient du ciel, elle résista jusqu’à ce qu’elle fût frappée de cécité puis de mutisme. Elle obtint du Saint-Siège de fonder un monastère réformé au diocèse d’Amiens, de Noyon ou de Paris (29 avril 1406) après qu’elle a reçu la dispense de son vœu de réclusion (1er août 1406). Sous la conduite du R.P. de Baume, elle se rendit en Avignon, près du pape Benoît XIII qui reçut sa profession et la nomma abbesse, dame et mère de toutes celles qui la suivraient (16 octobre 1406). Rejetée de Corbie, puis de Noyon, elle se réfugia en Franche-Comté, au manoir de la Baume-de-Frontenay où elle fut rejointe par ses premières filles. En 1408, elle eut la permission de s’installer à Besançon, ce qu’elle ne fit que le 14 mars 1410 avec l’approbation du pape Alexandre V. Dès lors les fondations se succèdent rapidement dans un florilèges de miracles et sainte Colette précise ses constitutions. Sainte Colette mourut le 6 mars 1447, dans son couvent de Bethléem, à Gand où elle fut enterrée. Comme de nombreux miracles lui étaient attribués, l’évêque de Tournai fit faire une enquête en vue de sa canonisation qui fut retardée par les embarras des guerres d’Italie : elle fut béatifiée en 1625 et canonisée le 24 mai 1807.↩
- Né en Bretagne vers 1430, Olivier Maillard, franciscain observant et théologien, était, depuis 1460, un prédicateur apprécié ; provincial de France (1474), vicaire général (1487 et 1493).↩
- Jean Mombær, prieur de Saint-Séverin de Château-Landon, réunit le chapitre général des maison réformées de chanoines réguliers de Windesheim (1503) auxquelles se joignirent l’abbaye Saint-Victor de Paris (1515), Cysoing, Livry et Saint-Sauveur.↩
- 12 % des curés du diocèse de Cahors, 15 % des curés du diocèse de Dijon, 30 % des curés de l’archidiocèse de Bourges, ont fréquenté l’université.↩
- À titre d’exemples : le cardinal Robert de Guibé qui possède neuf bénéfices, est, à la fois, évêque de Nantes et de Vanne, et aussi archevêque d’Albi ; le cardinal René de Prie, évêque de Bayeux et de Limoges, est archidiacre de Bourges, abbé de Saint-Mesmin, de Lyre, de Notre-Dame d’Issoudun, prieur de Maupas et de Notre-Dame de Clermont.↩
- Boniface VIII a donné dispense de résidence aux curés qui fréquentent l’université.↩
- Le carme Laurent Bureau (1499-1504), confesseur de Charles VIII et de Louis XII, évêque de Sisteron en 1499, animait une vaste campagne pour la canonisation de Gerson.↩
- On conserve, pour le XVIe siècle, ceux d’Angoulême (1509 et 1582), d’Autun (1545), de Beauvais (1544), de Bourges (1588), Carcassonne (1517), Chartres (1544), Clermont (1505), Coutances (1494), Langres (1538), Le Mans (1511), Limoges (1518), Lisieux (1504), Maguelonne (1526), Meaux (1511), Nantes (1544), Nevers (1582), Noyon (1560), Orléans (1548 et 1581), Paris (1497, 1504, 1542 et 1552), Poitiers (1587), Reims (1505 et 1554), Rennes (1505 et 1530), Rodez (1514), Rouen (1500, 1512 et 1535), Senlis (1525), Sens (1500), Soissons (1576), Toulouse (1526, 1538 et 1553), Troyes (1573), Vannes (1532), Vienne (1587), Bourges (1541).↩
- Sermon Si non lavero te.↩
- Au XVIe siècle, dix-neuf Manuale français sur les quarante-et-un contiennent cette liturgie intitulée generalis confessio gallicana ou instructiones fiende in die pasche (elle sera encore dans le Manuale de Paris en 1615).↩
- Milon (évêque de Chartres), d’Illiers (évêque d’Auxerre), Jacques Bailet (évêque de Troyes), Jacques Raguier (évêque de Nevers), Pierre de Fontenay (évêque de Meaux), Jean Lhuillier (procureur de l’évêque d’Orléans), François de Brilhac.↩
- Jean Standonck, Jean de Cirey (abbé de Cîteaux), Guy Vigier (abbé de Marmoutier), Jacques d’Amboise (abbé de Cluny), Martin Fumée (abbé de Chezal-Benoît), J.-P. de Criquetot (abbé de Bomport), Hugues de Mallesset (maître du collège parisien de Marmoutier).↩
- On pourrait évoquer quelques figures marquantes de cet épiscopat réformateurs, comme Guillaume de Montjoie à Béziers (1424-1451), Pey Berland à Bordeaux (1430-1456), Alain de Coétivy en Avignon (1437-1474), Jean Michel à Angers (1439-1447), Raoul Roussel à Rouen (1443-1452), Jean Cœur à Bourges (1446-1483), Pierre Soybert à Saint-Papoul, Bernard du Rosier à Toulouse (1452-1475), Jean de Rély à Angers (1491-1499), Louis d’Amboise à Albi, Laurent Alleman à Grenoble (1484-1538), Guillaume Briçonnet à Lodève (1489-1519) ; à la génération suivante, on peut signaler les deux Jean Ferrier en Arles (1499-1521 et 1521-1550), Jean de Foix à Bordeaux (1500-1529), le bienheureux François d’Estaing à Rodez (1501-1529), Robert de Croixmare et Georges d’Amboise à Rouen (1510-1550), Simon à Paris, Jacques d’Amboise à Clermont, lesquels seront relayés par des pasteurs comme Augustin Grimaldi à Grasse, Guillaume Petit et Odard Hennequin à Troyes, Étienne Poncher à Paris puis à Sens, ou Artus Fillon à Senlis, eux-mêmes suivis par des évêques tels que le cardinal Claude de Givry à Langres (1529-1561), François de Rohan à Angers (1499-1532) et à Lyon (1500-1536), Pierre Palmiero à Vienne (1528-1554), Yves Mayeuc à Rennes (1507-1541), Antoine Filheul à Aix-en-Provence (1533-1550), Gabriel Bouvery (1540-1572), Antoine Carracciolo à Troyes (1551-1562), ou Antoine de Créqui à Nantes (1554-1561). Le XVIe siècle connut plus tard ceux qui établirent post-tridentines comme Antoine Prévost de Sansac à Bordeaux (1560-1591), Philippe du Bec à Nantes (1566-1598), Arnaud de Pontac à Bazas (1572-1605), Aymar Hennequin à Rennes (1573-1596), Pierre d’Épinac à Lyon (1574-1599), Alexandre Canigiani à Aix-en-Provence (1576-1591), Pierre de Villars à Vienne (1587-1598), le cardinal François de Joyeuse (1588-1605).↩
- Le sixième canon du quatrième concile du Latran (1215) ordonne aux évêques de réunir, au moins chaque année, un synode diocésain pour quoi la vingt-cinquième session du concile de Bâle (1433) donnera un règlement. On conserve pour Agen les statuts synodaux de 1493 et de 1547, pour Aix-en-Provence les statuts synodaux de 1540, pour Albi les statuts synodaux de 1499, 1528 et 1553, pour Amiens les statuts synodaux de 1546, pour Angers soixante-trois statuts synodaux de 1493 à 1564, pour Arras les statuts synodaux de 1490, pour Auch les statuts synodaux de 1542 et 1563, pour Autun onze statuts synodaux de 1534 à 1563, pour Auxerre les statuts synodaux de 1552, pour Avignon huit statuts synodaux de 1496 à 1561, pour Avranches cinq statuts synodaux de 1494 à 1550, pour Bayeux les statuts synodaux de 1518, pour Bayonne statuts synodaux de 1533, pour Bazas trois statuts synodaux de 1500 à 1517, pour Beauvais trois statuts synodaux de 1531 à 1554, pour Bordeaux quatre statuts synodaux de 1502 à 1524, pour Bourges les statuts synodaux de 1516 et de 1541, pour Cahors trois statuts synodaux de 1503 à 1560, pour Carpentras dix-huit statuts synodaux de 1493 à 1553, pour Cavaillon quatre statuts synodaux de 1506 à 1534, pour Chalon-sur-Saône les statuts synodaux de 1554, pour Châlon-sur-Marne cinq statuts synodaux de 1503 à 1557, pour Chartres treize statuts synodaux de 1489 à 1564, pour Clermont-Ferrand quatre statuts synodaux de 1489 à 1537, pour Coutances quatre statuts synodaux de 1487 à 1563, pour Dax les statuts synodaux de 1519, pour Dol les statuts synodaux de 1509, pour Gap les statuts synodaux de 1506 et de 1554, pour Grasse les statuts synodaux de 1568, pour Grenoble les statuts synodaux de 1495 et 1548, pour Langres cinq statuts synodaux de 1491 à 1556, pour Lescar les statuts synodaux de 1551, pour Limoges les statuts synodaux de 1519 et 1533, pour Lisieux les statuts synodaux de 1539 et de 1598, pour Lombez les statuts synodaux de 1534, pour Luçon les statuts synodaux de 1539 et 1565, pour Lyon les statuts synodaux de 1521 et de 1560, pour Mâcon les statuts synodaux de 1493, pour Le Mans quatre statuts synodaux de 1493 à 1539, pour Marseille les statuts synodaux de 1525 et de 1535, pour Meaux six statuts synodaux de 1493 à 1526, pour Mende les statuts synodaux de 1557, pour Montauban les statuts synodaux de 1521, pour Nantes huit statuts synodaux de 1488 à 1560, pour Nevers les statuts synodaux de 1509 et de 1521, pour Noyon les statuts synodaux de 1505, pour Oloron les statuts synodaux de 1529, pour Orléans quatre statuts synodaux de 1516 à 1542, pour Paris quatre statuts synodaux de 1495 à 1557, pour Poitiers les statuts synodaux de 1544, pour Le Puy les statuts synodaux de 1537 et de 1557, pour Quimper trois statuts synodaux de 1499 à 1542, pour Reims quatre statuts synodaux de 1507 à 1564, pour Rennes six statuts synodaux de 1483 à 1510, pour Rodez les statuts synodaux de 1552 et de 1556, pour Rouen trois statuts synodaux de 1484 à 1506, pour Saint-Brieuc dix-huit statuts synodaux de 1492 à 1507, pour Saint-Dié les statuts synodaux de 1568, pour Saint-Flour les statuts synodaux de 1538 et 1552, pour Saint-Malo dix statuts synodaux de 1486 à 1531, pour Saint-Papoul les statuts synodaux de 1533, pour Saint-Pol-de-Léon trois statuts synodaux de 1523 à 1538, pour Saintes les statuts synodaux de 1541 et de 1543, pour Sées quatre statuts synodaux de 1524 à 1547, pour Senlis statuts synodaux de 1522, pour Sens dix statuts synodaux de 1524 à 1554, pour Soissons les statuts synodaux de 1532 et de 1561, pour Toul dix statuts synodaux de 1493 à 1542, pour Toulouse les statuts synodaux de 1531, pour Tours trois statuts synodaux de 1512 à 1537, pour Tréguier quatre statuts synodaux de 1485 à 1495, pour Troyes cinq statuts synodaux de 1501 à 1546, pour Vaison trois statuts synodaux de 1515 à 1518, pour Valence les statuts synodaux de 1558, pour Vence cinq statuts synodaux de 1498 à 1548, pour Verdun onze statuts synodaux de 1507 à 1562, pour Vienne les statuts synodaux de 1561.↩
- Comme ceux de 1455 pour Amiens, ceux de 1464 pour Arles, ceux de 1431 pour Auch, ceux de 1468 pour Autun, ceux de 1456 pour Auxerre, ceux de 1456 pour Béziers, ceux de 1432 pour Digne, ceux de 1482 pour Dol, ceux de 1444 pour Embrun, ceux de 1460 pour Pamiers, ceux de 1457 pour Poitiers, ceux de 1451 pour Saint-Flour, ceux de 1481 pour Toulouse.↩
- À titre d’exemples : le cardinal Alain de Coétivy, déjà archevêque d’Avignon et légat en France de plusieurs papes, lorsqu’il reçut en commende l’évêché de Dol (1456) en fit donner l’administration à Ambroise de Cambrai, évêque d’Alet, puis sous l’évêque suffragant Gabriel, et en confia le gouvernement à cinq officiaux ; sous Charles de Bourbon (1446-1488), l’archevêché de Lyon est d’abord sous l’administration de l’évêque d’Orléans qui délègue l’abbé de Savigny, puis, à partir de 1449, sous l’administration de l’évêque du Puy qui délègue l’abbé de Belleville, tandis que le vicaire général, Barthélémy Bellièvre, préside le conseil archiépiscopal de 1459 à 1483 ; Yves Guen administre le diocèse de Saint-Malo sous deux évêques de 1450 à 1493. Entre 1544 et 1563, le dominicain Gilles de Gand, évêque suffragant et grand vicaire du cardinal de Lorraine administre le diocèse de Nantes de 1544 à 1563 sous quatre évêques successifs dont il sacre le dernier ; Arthus Filhon et Antoine Bohier dirigent l’archidiocèse de Rouen sous le cardinal d’Amboise. Le concile provincial de Narbonne, en 1551, présidé par le vicaire général du cardinal d’Esté ne rassemble que des vicaires généraux.↩
- L’édit de Nantes (13 avril 1598, publié en Parlement le 25 février 1599) comporte quatre-vingt douze articles généraux précédés d’une longue déclaration qui souligne que le Roi, zélé serviteur de Dieu, entend rassembler les chrétiens en tenant compte des doléances et des édits antérieurs ; Henri IV y ajoutera cinquante-sept articles particuliers (2 mai 1598) enregistrés eux aussi par le Parlement, et deux brevets (13 avril et 30 avril), non enregistrés, qui règlent le traitement des ministres et les places de sûreté.↩
- En avril 1569, le P. Samérius parle de plus de dix mille églises dévastées ; en 1572, l’évêque de Valence, Jean de Monluc parle de vingt mille églises et deux mille couvents ; c’est à peu de chose près les chiffres de De Thou.↩
- Alexandre de Médicis, cardinal de Florence, qui deviendra le pape Léon XI (1605).↩
- Nicolas Langelier, évêque de Saint-Brieuc, et Claude d’Angennes, évêque de Noyon.↩
- Gaspard Silingardi, évêque de Modène.↩
- Archevêque de Nazareth, qui deviendra le pape Urbain VIII (1623-1644).↩
- Évêque d’Avranches.↩
- 2 octobre 1614.↩
- 59 archevêques et évêques, 39 chanoines, 33 abbés ou prieurs, 4 curés de ville et 1 curé de campagne. La chambre du Clergé est menée par six cardinaux : le cardinal-archevêque de Rouen et primat de Normandie, François de Joyeuse, doyen du Sacré Collège, si estimé à Rome que le nonce Ubaldini voyait en lui l’homme indispensable pour protéger la France du schisme ; le cardinal-archevêque de Sens et primat des Gaules et de Germanie, Grand aumônier de France, Jacques Davy du Perron, aimé du Saint-Siège pour ses talents d’apologète autant que pour ses bons offices au sein du Conseil de régence ; le cardinal-évêque de Senlis, François de La Rochefoucauld, ouvrier passionné de la réformation catholique, intime ami du saint cardinal Robert Bellarmin, dont le Saint-Siège appréciait beaucoup le zèle qu’il déployait, comme vice protecteur des affaires de France à Rome, pour accorder les intérêts de la France avec ceux de l’Église universelle ; le cardinal-archevêque de Bordeaux et primat d’Aquitaine, François de Sourdis, ami de Baronius et disciple de saint Charles Borromée, combattait fort pour établir la discipline tridentine dans son diocèse ; le cardinal-évêque de Béziers, grand aumônier de la Reine, Jean de Bonzi, dont le nonce Barberini souligne la piété en même temps que le zèle et l’affection pour le Saint-Siège ; l’ancien évêque de Paris, le cardinal Pierre de Gondi, quoique fort bien en cour à Rome où il avait été longtemps ambassadeur et où il s’était réfugié pendant la Ligue, avec sans doute moins de titres que ses collègues, n’en n’était pas moins un tridentin convaincu. S’ajoutaient, pour la présidence, aux cinq cardinaux : l’évêque de Paris, Henri de Gondi, et l’archevêque de Lyon, primat des Gaules, Denis Simon de Marquemont. Parmi les prélats influents de cette assemblée, on remarquait encore de solides tridentins), l’archevêque d’Aix (Anne de Nabérat), l’archevêque de Toulouse (Louis de La Valette), l’évêque d’Angers (Charles Miron), l’évêque d’Avranches (François Péricard), l’évêque de Bayonne (Bertrand d’Eschaux), l’évêque de Beauvais (René Potier), l’évêque de Belley (Jean-Pierre Camus), l’évêque de Consérans (Octave de Bellegarde), l’évêque de Grenoble (Jean de la Croix), l’évêque de Langres (Sébastien Zamet), l’évêque de Luçon (Armand-Jean du Plessis), l’évêque de Mâcon (Gaspard Dinet), l’évêque de Montpellier (Pierre de Fenouillet), l’évêque d’Orléans (Gabriel de l’Aubespine).↩
- Présidés par les cardinaux de Sourdis et de La Rochefoucauld, cette première assemblée comprenait l’archevêque de Lyon et une soixantaine de députés qui firent prier le cardinal de Joyeuse (archevêque de Rouen et Doyen du Sacré-Collège) de se joindre à eux ; les jours suivants, ils invitèrent de la même manière le cardinal de Bonzi (évêque de Béziers), le cardinal de Gondi (ancien évêque de Paris), Louis de Lorraine (archevêque de Reims) et Henri de Gondi (évêque de Paris).↩
- Le cardinal de Joyeuse étant presque aussitôt tombé malade, les Clergé est présidé par le cardinal de Sourdis et le cardinal de La Rochefoucauld.↩
- Je promets et je jure devant Dieu sur les saints Évangiles de faire, conseiller et procurer à mon pouvoir durant les présents États généraux tout ce que je penserai en ma conscience être de l’honneur de Dieu, bien de son Église, service du Roi et repos de l’État. Comme aussi de ne révéler aucune chose qui puisse porter préjudice au général ou au particulier de l’assemblée desdits États.↩
- Condamnation du régicide, raser châteaux et forteresses qui ne sont plus utiles à la défense des frontières pour libérer les peuples de l’entretien des garnisons ; la suppression des péages de rivière sur le vin et la limitation des droits de douane aux frontières du Royaume ; l’unicité de poids et de mesures ; condamnation des faussaires ; protection du Roi contre les faibles opprimés par les grands… ↩
- Réserver à la noblesse les offices de la Maison du Roi, les bailliages et les sénéchaussées, réclamer contre la vente et la multiplication des titres, punir les noblesses usurpées, respecter les privilèges fiscaux de la noblesse, exempter de taille les fermiers des privilégiés, supprimer la Paulette… ↩
- Les cahiers du Clergé demandèrent : (article 1) la publication du concile de Trente ; (article 2) le rétablissement du libre exercice du catholicisme en Béarn et dans les nouveaux pays ; (article 3) la publication du décret du concile de Constance contre les régicides ; (article 4) que le Roi remercie la Régente pour la bonne éducation religieuse qu’il en avait reçu ; (article 5) le mariage du Roi avec une infante d’Espagne ; (article 6) l’union inséparable de la Navarre et du Béarn ; (article 7) que le Conseil comprenne, en plus des princes du sang et des officiers de la Couronne, quatre prélats, quatre gentilshommes et quatre officiers du Roi qui siégeraient par quartier, les six plus anciens conseillers siégeant sans interruption ; (article 8) l’interdiction aux Cours souveraines de la connaissance des affaires de foi, d’autorité du Saint-Siège, de doctrine et de sacrements, de règles monastiques et de toutes matières spirituelles ; (article 9) une commission pour le règlement des appellations comme d’abus et l’éclaircissement des libertés ; (articles 10, 11, 12 & 13) la suppression de la vénalité des offices, du droit annuel, de la vente des charges militaires et la révocation des survivances ; (articles 14, 15 et 16) le règlement des finances, l’abolition des pensions et l’érection d’une chambre de justice pour les recherches des finances ; (articles 17 et 18) la suppression des commissions extraordinaires et la remise des tailles, taillons et crues au taux de 1576, et la décharge du tiers du prix du sel ; (articles 19 et 20) la nomination, tous les deux ans, de commissaires pour recevoir les plaintes des provinces ; (articles 21 et 22) la réorganisation des universités et le rétablissement des Jésuites ; (article 23) le règlement des monnaies ; (article 24) l’indépendance des États généraux et l’interdiction au Parlement de s’immiscer dans les débats des chambres.↩
- Le Clergé confesse avec larmes que le dérèglement des ecclésiastiques, en ce qui touche aux mœurs, est la principale cause des maux dont la France est affligée. Sa Majesté seule peut apporter le remède, puisque le Clergé était résolu de reprendre son ancienne ferveur ; ce qui lui faisait très humblement supplier Sa Majesté de lui accorder le saint et sacré concile de Trente. Toutes sortes de considérations doivent déterminer le Roi à recevoir et à faire publier ce saint concile : la bonté, de la chose, l’autorité de la cause, la sainteté de sa fin, le fruit que produisent ses constitutions, le mal que le délai de sa réception a causé à la France, l’exemple des princes chrétiens et la parole du feu roi son père, la moindre de ces considération doit suffire pour porter Sa Majesté à accorder un Clergé une demande qui est d’autant plus raisonnable, que, s’il y avait quelque article en ce concile qui, bons en eux-mêmes, semblassent moins utiles en ce royaume pour être répugnants à ses anciennes années, le Clergé se soumettrait volontiers à en demander la modification.↩
- Le chanoine parisien Martin de Racine, abbé de la Vernusse.↩
- Les Ecclésiastiques de votre Royaume continuant leurs précédentes supplications et très humbles requêtes faites par plusieurs et diverses fois à vos prédécesseurs tant aux États Généraux qu’aux Assemblées du Clergé, et ne se pouvant ni devant jamais lasser d’en faire toute sorte d’instaces, vu qu’il y va tant de l’honneur de Dieu et de celui de cette Monarchie Très Chrétienne, qui depuis tant d’années avec si grand étonnement des autres nations catholiques porte cette marque de désunion sur le front, suppliant très humblement Votre Majesté qu’il lui plaise, embrassant cette gloire et cette couronne, que Dieu lui a réservées jusqu’à maintenant, ordonner : Que le concile universel et œcuménique de Trente sera reçu et publié en ce Royaume, et les constitutions d’icelui gardées et observées, sans préjudice toutefois des droits de Votre Majesté, Libertés de l’Église gallicane, Privilèges et Exemptions des Chapitres, Monastères et Communautés, pour lesquels Privilèges, Libertés et Exemptions, Sa Sainteté sera suppliée à ce qu’elles soient réservées et demeurent en leur entier, sans que ladite publication y puisse préjudicier.↩
- On peut citer l’évêque de Mende (Daniel de la Mothe) qui entendait tout céder au Pape dans le spirituel, mais rien dans le temporel : Quand je dis que le pape ne peut déposer les rois pour quelque crime que ce soit, je ne prétends pas par là que les rois ne peuvent être déposés ou déchus de leurs droits ; mon but est seulement d’en ôter la connaissance aux prélats, sans disputer si d’autres ont cette autorité.↩
- Sur 192 députés du Tiers, 131 sont titulaires d’offices, lieutenants généraux de baillage, présidents et conseillers présidiaux (Roland Mousnier : La Vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII). Le président du Tiers, le prévôt des marchands, Robert Miron trouvait la réception du concile très périlleuse et très condamnable ; le procureur général Nicolas de Bellièvre, député de Paris disait que c’était le fait des ennemis de la Couronne à rencontre de nous. Seuls les députés de Provence et du Dauphiné étaient favorables à la publication du concile de Trente.↩
- 23 mars 1615.↩
- L’Assemblée ne comprend pas, loin de là, tous les députés du Clergé aux États généraux ; à titre d’exemples, le cardinal de Sourdis, l’archevêque de Lyon et l’évêque de Luçon ont quitté Paris ; le cardinal de Joyeuse est remplacé par son neuveu et coadjuteur, François de Harlay.↩
- Charles de Bourgneuf de Cucé.↩
- L’archevêque d’Aix, les évêques d’Angers, d’Avranches, de Beauvais, de Grenoble, d’Orléans, de Paris et de Vabre.↩
- C’est une œuvre admirable de Dieu, ce qu’a fait le Clergé de France en recevant le concile de Trente (lettre d’Ubaldini datée du 15 juillet).↩
- « Ma charge m’oblige à déclarer que l’Église gallicane a mal fait en acceptant le concile de Trente sans l’autorisation du Roi », dit le Chancelier de Sillery, à quoi le cardinal de La Rochefoucauld répondit : « Monsieur, il est insupportable à l’Ordre ecclésiastique d’entendre un tel reproche d’une autre bouche que celle du Roi. Si le Clergé de France a reçu le concile, il ne l’a point fait à l’insu de leurs Majestés. Aussi bien, recevoir un concile, et le publier pour qu’il ait force de loi, sont deux choses tout à fait différentes : la première ne dépend en rien de la connaissance ni de l’autorité royale ; elle ne regarde que les évêques. Quant à la seconde, c’est-à-dire l’obligation, pour les juges, dans les procès qui pourront avoir lieu, de prononcer conformément au concile, nous savons qu’il est indispensable que Sa Majesté intervienne, et nous la prieront d’intervenir. » (lettre d’Ubaldini datée du 11 août)↩
- Le sixième canon du quatrième concile du Latran (1215) ordonne aux évêques de réunir, au moins chaque année, un synode diocésain pour quoi la vingt-cinquième session du concile de Bâle (1433) donnera un règlement ; la vingt-quatrième session du concile de Trente rappelle le principe des synodes diocésains et augmente leurs pouvoirs, cependant ils sont loin, tant s’en faut, d’être réunis chaque année. L’évêque convoque quand il veut le synode dont il est le maître absolu et, s’il le juge bon, en fait publier les statuts. Beaucoup de statuts synodaux ont été perdus, mais les listes qui nous restent soulignent bien le souci de réformation de nombreux évêques. On notera, de la fin du concile de Trente (1563) aux États généraux de 1614, dix-huit statuts synodaux pour l’évêché d’Angers, dix-sept statuts synodaux pour l’archevêché d’Avignon, quatorze statuts synodaux pour l’évêché de Verdun, treize statuts synodaux pour l’archevêché de Bordeaux, treize statuts synodaux pour l’évêché d’Arras, treize statuts synodaux pour l’évêché de Saint-Omer, huit statuts synodaux pour l’archevêché d’Aix-en-Provence, sept statuts synodaux pour l’évêché d’Autun, sept statuts synodaux pour l’évêché de Carpentras, six statuts synodaux pour l’évêché de Paris, cinq statuts synodaux pour l’évêché de Grasse.↩