Rappels sur la tradition héraldique royale française Les couleurs de la famille royale

Le 1er février 2019, la reine Marie-Marguerite a donné naissance à un petit Henri. Après ses frères jumeaux Louis (dauphin de France et duc de Bourgogne), Alphonse  (duc de Berry) et sa sœur aînée, la princesse Eugénie de Bourbon, Henri de Jésus est donc le quatrième enfant du couple royal. Selon la coutume, le Roi lui a très vite conféré armes et titres choisissant de le titrer duc de Touraine. La tradition héraldique royale française suit en effet certaines règles qu’il peut-être intéressant de rappeler. [VLR]

L’héraldique, image d’une société naturelle ordonnée

La traduction d’une société hiérarchique selon un modèle familial

Cet acte de conférer titres et armes au petit Prince n’est pas anodin, car il permet de rappeler que Louis de Bourbon est l’aîné des Capétiens, autrement-dit : l’aîné de tous les descendants de Hugues Capet par les hommes, issus par ligne légitime et à travers des unions consacrées par le sacrement du mariage.
À ce titre, par ordre de primogéniture, il est le chef de nom, titres et armes de l’auguste maison de France nommée officiellement maison de Bourbon par Louis XIV, depuis le traité de Montmartre, en date du 6 février 1662.
Cette maison de France — ou de Bourbon — est composée de deux branches :

  • La branche aînée est issue de Philippe de France, duc d’Anjou qui devint Philippe V roi d’Espagne, petit-fils de Louis XIV.
  • La branche cadette est issue du frère de Louis XIV, Philippe de France, duc d’Orléans.

Chaque branche se subdivise en différentes lignes telles que celles des Deux Siciles, de Parme, de Luxembourg, d’Orléans et Bragance etc. Ensemble elles forment la maison de Bourbon. Celle-ci est une, et elle a un chef en la personne du roi Louis XX qui porte les armes pleines de sa lignée, d’azur à 3 fleurs de lis d’or. Ainsi Louis de Bourbon est l’autorité légitime en matière de nom, titres et armes au sein de sa maison.

Un rôle social : la reconnaissance de chaque personne et de ses droits

Cette dernière occurrence permet de nous souvenir que les armoiries ont une base familiale mais sont individuelles. Elles sont une extension d’une personne, un nom muet composé de brillantes couleurs et de figures. Elles permettent d’identifier et de situer une personne dans sa famille, dans sa ligne, dans sa branche, dans sa maison, parmi les hommes.
Depuis Louis VII, tous les Capétiens dynastes portent les armes de France comme base de leurs armoiries. Dans le domaine de l’Ancien droit, les armoiries étaient et demeurent un élément de la personnalité juridique d’un individu, auxquelles sont attachées des droits. À titre d’exemple le légitime possesseur des pleines armes de France est le titulaire d’un droit dynastique ; il est ipso facto le roi de France de jure. Plus accessoire mais très significatif, l’usurpation d’armoiries était prohibée à l’image de notre usurpation d’identité en droit moderne.
Dans la continuité de l’héraldique féodale, l’héraldique royale française a accompagné l’évolution de la royauté française afin que la forme et le fond soient en harmonie et que chaque prince des fleurs de lis trouve sa juste place dans le grand arbre des Capétiens, avec ordre et clarté.
Ainsi en prévision de la naissance du fils dernier-né du roi en février, se pose la question de ses armoiries et de ses titres afin de le situer au sein de sa maison, parmi la communauté d’armes liliacées.
Dès lors il conviendra de circonscrire le champ des possibilités en étudiant les armes des aînés de la maison de France tout en examinant les armes des cadets.

Les pleines armes des aînés de la maison de France

Le petit prince à naître sera le troisième fils de notre roi. Ce sera donc un cadet. À ce titre nous étudierons utilement les armes des aînés, car a contrario toutes ces armes lui seraient théoriquement exorbitantes du fait de sa position actuelle dans la famille royale.
Par aînés, il faut comprendre au premier chef le roi, primogenitus de sa maison. Il faut y ajouter son fils aîné, le Dauphin de France, primogenitus des fils de France ; auxquels il convient d’agréger le premier-né du Dauphin de France puis son fils aîné après lui et ainsi de suite. Chaque primogenitus est l’hypothétique successeur immédiat du primogenitus qui le précède.
L’usage primitif des Capétiens directs était de sacrer le fils aîné du roi (rex designatus), durant le règne de son père (rex coronatus) afin qu’il lui succède nécessairement. Il y avait alors un roi régnant et un roi en devenir, en réserve. Ainsi lors des successions royales, la transition et la continuité de la couronne étaient assurées instantanément. À partir de Philippe II Auguste la règle coutumière de l’hérédité mâle par primogéniture est fermement établie rendant l’ancien usage obsolète. Le premier-né des fils du roi est quasi-roi. Le corps mystique du roi sommeille en lui, il est en dormance. C’est le cœur de la tradition royale française qui est exprimée par les adages « le roi ne meurt jamais en France » et « le roi est mort ; vive le roi ! » La théorie statutaire de la dévolution de la Couronne de France s’épanouit dans la ligne du primogenitus de France de chaque génération successive. Si l’héraldique royale française détermine précisément les armoiries royales et delphinales, elle est fluctuante au sujet des armoiries des autres primogenitus.

Une coutume constante : les armoiries royales et delphinales

Armoiries du Roi de France — Armoiries du Dauphin
Armes pleines du Roi de France.

Dans toute la famille, le roi, aîné et chef de sa maison porte les fameuses armes pleines de France, d’azur à trois fleurs de lis d’or. Dans ses grandes armoiries, l’écu est timbré de la couronne royale française fermée, entouré des colliers des ordres et tenu par deux anges similaires. L’ensemble est placé sous le pavillon d’azur fleurdelisé d’or, doublé d’hermine ; dont le comble est couronné d’une couronne royale fermée de France et surmonté de l’étendard de France ancien, d’azur semé de fleurs de lis d’or, qui flotte au dessus de la composition. La symbolique si riche, si profonde et si cohérente des armoiries royales de France mériterait qu’un article particulier lui soit consacrée1.
Le Dauphin de France est le premier-né des fils du roi. Il porte écartelé, aux 1 et 4 d’azur à trois fleurs de lis d’or, aux 2 et 3 d’or au dauphin d’azur, crêté, oreillé et barbeté de gueules ; l’écu est timbré de la couronne delphinale fermée par quatre dauphins (trois visibles), entouré des colliers des ordres et tenu par deux anges similaires. L’ensemble est également placé sous un pavillon couronné de la couronne delphinale.
Le Dauphin de France porte donc un écartelé de France et du Dauphiné du Viennois.
Il y a deux éléments pertinents ici :

  • Armes du Dauphin : écartelé de France et du dauphiné du Viennois (les armes de France sont pleines)

    Premièrement le Dauphin porte dans les quartiers 1 et 4 les pleines armes de France comme le roi, comme l’aîné et comme le chef de la maison. De plus écarteler n’est pas briser2 en héraldique. Cet élément montre bien la qualité de quasi-roi, de primogenitus du Dauphin de France.
  • Le second point est que le fils aîné du roi porte en 2 et 3 les armes du dauphiné du Viennois. C’est une lointaine conséquence du traité de Villeneuve-lès-Avignon conclut entre Philippe VI de Valois et Humbert II de la Tour du Pin, dauphin de Viennois le 23 février 1343. Cette convention permit le transport du Dauphiné dans les possessions françaises à la condition que les successeurs au Dauphiné s’appelleront dauphins de Viennois et porteront les armes dudit Dauphiné écartelées à celles de France. Le fils aîné de Jean II de Valois fut investi du Dauphiné. Le terme de Dauphin devint un terme équivalent à celui d’héritier ou de successeur du roi. Mais comme le roi restait Dauphin de Viennois en propre, son primogenitus devint à l’usage, le dauphin de France afin de les distinguer.
Armoiries du Roi & Armoiries du Dauphin : Les couronnes sont fermées.

Le roi de France dispose donc d’armoiries qui lui sont propres et marquent sa qualité d’aîné et de chef de maison. Les armoiries du Dauphin de France se distinguent nettement de celles du roi par l’écartelé du dauphiné de Viennois ainsi que les ornements extérieurs de l’écu ; tout en montrant sa qualité de quasi-roi et de primogenitus grâce aux quartiers aux armes de France pleines. La coutume héraldique royale est moins ferme au sujet des primogenitus suivants.

Un usage fluctuant : les armoiries des autres aînés

Armoiries du duc de Bourgogne : pleines armes mais couronne ouverte de prince du sang et manteau de pair.
Armes du Dauphin de France : premier dans l’ordre de la succession.

La question des armes du fils premier-né du Dauphin de France fut posée sous le règne de Louis XIV. Deux doctrines s’opposèrent au sujet de ce prince titré duc de Bourgogne.

  • Pour le père Menestrier, expert en héraldique, le duc de Bourgogne aurait dû arborer un écartelé de France et de Bourgogne ancien (bandé à bordure).
  • Alors que Charles d’Hozier, juge général des armes et des blasons de France, militait pour que le duc de Bourgogne porta l’écu de France simple.

Louis XIV trancha en faveur du second conseil afin de bien montrer la continuité de la qualité de successeur présomptif, mais en second, de son petit-fils. Non obligé par traité d’écarteler, le duc de Bourgogne porta donc le même écu que son grand-père le roi, mais timbré d’une couronne ouverte de prince du sang, entouré des colliers des ordres, tenu par deux anges similaires, le tout sur un manteau de pair du royaume. Ainsi seuls certains ornements extérieurs des armoiries du duc de Bourgogne le distinguaient du roi, son grand-père.
Ce choix souverain de Louis XIV appelle deux remarques ; tout d’abord les ornements extérieurs sont moins visibles que l’écu. D’ailleurs les lois héraldiques anciennes négligeaient un peu ces éléments extérieurs, considérés comme accessoires par rapport aux pièces constitutives du blason. Les ornements extérieurs participent pourtant de la précision des armoiries mais restent moins perceptibles. Le roi sacrifia donc la clarté et la visibilité des distinctions entre ses armes propres et celles de son petit-fils premier-né au profit de la publicité, de la prépondérance de la qualité de primogenitus, de sa continuité.
L’écu du duc de Bourgogne était donc identique à celui du roi, contrairement à l’écu du Dauphin de France, qui était écartelé. Par comparaison les armoiries du duc de Bourgogne étaient donc plus semblables à celles du roi que celles du Dauphin de France vis-à-vis de celles du roi. Cela avait pour conséquence une distorsion entre la position réelle dans l’ordre de succession et la proximité héraldique par rapport aux armes du roi. Ce choix était assumé et cohérent pour seulement trois générations de primogenitus vivants simultanément.
En effet la décision de Louis XIV semble limitée car quelle aurait été la solution en poursuivant dans cette voie si la question des armes du fils premier-né du duc de Bourgogne s’était posée ? Selon cette doctrine, il aurait reçu des armoiries en tous points identiques à celles de son père, armes, couronne et manteau, puisqu’il aurait eu aussi les mêmes qualités de prince du sang et de primogenitus. Nous aurions risqué une confusion puisque les armes du duc de Bourgogne et de son fils aîné auraient été en partage. C’eût été en contradiction avec les règles héraldiques selon lesquelles chaque membre d’une maison doit être clairement identifiable par des armoiries propres.

Armes du duc de Bourgogne : deuxième dans l’ordre de succession.

Pour son malheur, le grand roi n’eut pas le loisir d’opérer un revirement ferme et définitif car l’occasion ne se présenta pas. Néanmoins un faisceau d’indices laisse à penser que Louis le Grand avait perçu cette limite. En effet à la naissance du fils aîné du duc de Bourgogne, Louis XIV lui accorda le titre de duc de Bretagne, un écu écartelé de France et de Bretagne et non pas les pleines armes de France comme son père. Pourtant il possédait comme le duc de Bourgogne, la qualité de successeur présomptif. Nous pouvons donc penser qu’à l’usage le roi revenait plutôt à l’avis du père Menestrier et qu’il opérait un revirement doctrinal en cette matière. Mais la mort du « Grand Dauphin » ne permit pas d’affermir cet usage car elle libéra les armes delphinales qui échurent au duc de Bourgogne qui mourut dans l’année ainsi que son fils aîné, le petit duc de Bretagne. Le cadet du duc de Bourgogne, arrière-petit-fils de Louis XIV et futur Louis XV devint le Dauphin de France. L’élaboration d’une doctrine aboutie, permettant d’identifier clairement de nombreux aînés vivants simultanément, n’était plus d’actualité face à l’hécatombe qui frappa la famille royale.
Forte de qualités, la proposition du père Menestrier se résumerait ainsi.

  • Seul le roi porte les pleines armes de France.
  • Le Dauphin de France porte un écartelé de France qui marque sa qualité de primogenitus mais il est clairement identifiable par son écartelé aux Dauphiné de Viennois.
  • Le fils aîné du fils aîné du roi conserverait les quartiers de France vierges de brisure3, du Dauphin son père, afin de marquer sa qualité de primogenitus mais il devrait écarteler aux 2 et 3 des armes de son titre. Dans notre exemple le duc de Bourgogne porterait un écartelé de France et de Bourgogne ancien.
  • Armes du duc de Bretagne : troisième dans l’ordre de la succession.

    Le fils aîné du duc de Bourgogne, le duc de Bretagne se verrait attribuer un écartelé de France et de Bretagne etc.

Au fond, la volonté du grand roi — montrer la prééminence de ses primogenitus — serait clairement affichée par le privilège d’être les seuls à porter des quartiers de France pleins ; tout en conservant des armoiries propres à chaque génération d’aîné par les quartiers 2 et 3 qui seraient aux armes de leur fiefs respectifs. Cette économie assurerait l’ordre, la clarté et la visibilité dans l’arbre héraldique et généalogique des aînés des Capétiens.
Cette option semble être celle qui offre le plus d’avantages et que le vieux roi puis la coutume aurait probablement entérinée, si l’occasion en avait été donnée. Mais jusqu’à la fin de l’Ancien régime, l’occasion de revoir trois primogenitus successifs vivants simultanément ne se présenta qu’une fois. Or la coutume est fondée sur la répétition. Néanmoins en 1751 le prince Louis-Joseph Xavier duc de Bourgogne, fils aîné de Louis de France, Dauphin de France lui-même fils du roi Louis XV porta les pleines armes de France écartelées de Bourgogne ancien. Ce fut l’unique répétition de l’usage initié en 1707 à l’occasion de l’octroi des armes du duc de Bretagne et de son écartelé de France et de Bretagne.
Pour conclure, si les armes de France vierges de brisures sont réservées aux primogenitus ; a contrario ce système est logiquement à proscrire pour les cadets au risque de créer de grands dérèglements et de fortes incohérences.

Les armes brisées des cadets de la maison de France

Lorsque le chef de l’auguste maison de France élabore les armoiries qu’il va attribuer à l’un de ses fils cadets, il structure sa pensée selon la coutume héraldique royale française. La première étape que nous avons vu est de connaître puis d’exclure les armes réservées aux aînés.
Poursuivons cette démarche ordonnée par une analyse des règles héraldiques coutumières, puis par des analyses pratiques de propositions d’armes.

Une analyse des règles héraldiques coutumières

Armes du duc d’Orléans.

De coutume immémoriale, l’usage des armoiries est libre et chacun à la faculté de prendre des emblèmes héraldiques par soi-même dans la seule limite impérative de ne pas usurper des armes préexistantes.
Néanmoins à l’image du patronyme, au sein d’une maison, les blasons sont soumis à une transmission et plus particulièrement à une concession de la part du chef de nom, d’armes et de titres de sa maison ; c’est une condition formelle.
Sur le fond, il faudra premièrement respecter les règles générales de l’héraldique. Ensuite afin d’identifier l’individu à son clan, le blason devra utiliser comme base les armes de sa famille. En l’occurrence la communauté d’armes liliacées a recours aux armes pleines de France comme base originaire qui vont être brisées pour personnaliser les armoiries.
Enfin il convient d’énoncer une nouvelle condition induite. Puisque l’usurpation d’armes est interdite, la brisure envisagée doit être libre.
Par exemple Philippe de France, Monsieur, frère cadet de Louis XIV brisa les armes pleines de son père d’un lambel d’argent. L’usage de cette brisure appartient depuis aux princes d’Orléans. Seule, elle est indisponible pour les autres princes des fleurs de lis4.

Armes des Bourbons d’Anjou.

Condition formelle de délivrance des armes, respect des règles générales de l’héraldique, transmission collective des armes familiales et usage particulier d’une brisure libre sont des règles coutumières impératives qui obligent le chef de maison lorsqu’il va conférer de nouvelles armoiries.
Adossés à ces obligations, se conjuguent des usages d’opportunité, incitatifs tel que la culture héraldique d’un royaume, les usages familiaux. Parmi lesquels le principe de simplicité du blason est un gage d’efficacité qui permet une meilleure lisibilité et qui offre aussi la possibilité de conserver une marge de brisure et de surbrisure5, de complexification plus importante des armes de la lignée dans la perspective et l’espérance naturelle d’accroissement familial au fil du temps. Le mouvement du modèle est d’aller de la simplicité vers la complexité. Par exemple sous Louis XIV, les Bourbon d’Anjou puis Bourbon d’Espagne formaient la branche puînée de la maison de France. Ils brisèrent les armes pleines de France d’une bordure de gueule.
Les princes de Bourbon de Parme sont une ligne cadette des Bourbon d’Espagne, ils reçurent donc leur brisure familiale, qu’ils surbrisèrent comme cadet. Leur blason devint d’azur aux trois fleurs de lis d’or à la bordure de gueules chargée de huit coquilles d’argent. À la lecture de leurs armes on peut lire que les princes parmesans appartiennent à une branche cadette de la maison de France et à une ligne cadette de cette branche.

Armes des Bourbon de Parme.

Tous ces facteurs décisionnels entrent en jeu dans un contexte donné. On ne peut en dresser une liste objective et exhaustive. Par exemple il est très avantageux que la brisure que l’on attache à un nom corresponde au titre que l’on va conférer. Cela simplifie et facilite l’identification, à l’image des armes parlantes6, tout en évitant de surcharger inutilement les armoiries. Dans le cas contraire il faudrait écarteler les armes de France nouvellement brisées aux 1 et 4 avec les armes liées au titre aux quartiers 2 et 3. C’est la raison pour laquelle ce mécanisme régulier mais complexe est à éviter par principe.
On peut rappeler aussi qu’il est d’usage de donner des titres d’aînés aux primogenitus parmi lesquels le duché de Bourgogne ou le duché de Bretagne. A contrario, l’attribution constante d’un titre à des cadets devrait le rester par principe. Perpétuer cette coutume faciliterait l’identification de la position du prince à la seule évocation de son titre. Le duché de Touraine, le duché de Bourbon sont de brillantes illustrations de titres de cadets. Par la suite après avoir tenté de circonscrire les critères coutumiers de la création d’armes nouvelles, analysons plusieurs options pratiques à la lumière de ce système.

Des analyses pratiques de propositions d’armes

Afin de proposer des armes et titres recevables pour le petit prince à naître, rappelons les critères qui devront être impérativement communs à toutes les hypothèses.
Primo les armes devront être conférées formellement par notre roi Louis XX, chef de la maison de Bourbon. Secundo la base du travail devra être les armes pleines de France, d’azur à trois fleurs de lis d’or qu’il conviendra de briser afin de montrer et de conjuguer les qualités de fils de France et de cadet.
Enfin le choix de la brisure devra porter sur celles qui sont libres, disponibles. Parmi celles-ci :

Armes du duché d’Alençon.
Armes du comté de Provence.
Armes du duché de Touraine.
  • D’azur aux trois fleurs de lis d’or à la bordure de gueules chargée de huit besants d’argent. Ces armes associées au duché d’Alençon, qui sont traditionnellement des armes de cadet, sont disponibles. Néanmoins les besants d’argent constituent une surbrisure.Dans l’hypothèse qui nous intéresse, c’est un obstacle en matière de cohérence car si une brisure unique indique un Fils de France ; la présence d’une surbrisure désigne un Petit-fils de France. Ces armoiries ne sont pas adaptées à notre recherche.
  • La plus antique brisure utilisé par les Capétiens est libre. Elle fut arborée originellement par Philippe Hurepel, fils du roi Philippe II Auguste. Il s’agit du lambel à cinq pendants de gueules. Le lambel à trois pendants de gueules est libre également. Il pourrait être avantageusement associé au titre de comte de Provence. C’est un titre de cadet dont les armes furent liées au lambel de gueules telles que de France ancien (d’azur au semé de fleurs de lis d’or) brisé d’un lambel de gueule soit plus tard d’azur à la fleur de lis d’or brisé au lambel de gueule. Il y aurait donc quasi concordance, puisque dans le nouveau blason seul le nombre de fleurs de lis d’or aurait varié. Le résultat serait de France moderne (d’azur à trois fleurs de lis d’or) brisée d’un lambel de gueules. Il offrirait une continuité parfaite de l’usage de ce lambel associé au comté de Provence.
  • La bordure componée d’argent et de gueule est vacante.Elle offre l’avantage d’être associée au duché de Touraine qui est aussi un titre de cadet.Le titre évoquerait cette brisure et réciproquement. Les armes du duc de Touraine seraient d’azur à trois fleurs de lis d’or brisées d’une bordure componée d’argent et de gueules.

    De plus ce titre est particulier pour notre roi qui fut un temps duc de Touraine. Ce serait un bel exemple de transmission filiale.

  • Armes du duché de Bourbon.

    La bande de gueule est aussi inutilisée. Cette brisure est très prestigieuse et hautement symbolique car c’est la brisure historique qu’adopta Robert de France, comte de Clermont, fils de saint Louis, fondateur de la branche des Bourbon. Le duché de Bourbon offre l’avantage d’être aussi traditionnellement conféré à des princes cadets. Enfin notre roi Louis fut aussi duc de Bourbon. Ce serait donc aussi une transmission du père vers le fils.

Les trois exemples recevables que nous venons d’évoquer offrent aussi l’avantage d’une grande simplicité et d’une belle lisibilité. À terme chacun pourrait être aisément surbrisé de diverses façons afin de doter les princes capétiens qui fleuriraient et se multiplieraient dans cette nouvelle ligne.
L’étude des brisures et des titres possibles pourrait être plus étendue tant les combinaisons sont vastes mais celles que nous avons choisi nous paraissaient les plus pertinentes.

Conclusion

Les cadets des princes des fleurs de lis n’ont pas la qualité de primogenitus. Leurs armoiries doivent afficher ce caractère, tout en permettant de les distinguer et de les situer au sein de la communauté d’armes liliacées. Toutefois au cours de l’histoire, l’ordre de succession fut bouleversé aléatoirement. Les princes Capétiens vivent, aiment, engendrent et meurent. Si la qualité de primogenitus ou de cadet est sujette à des évolutions selon un principe de mutabilité, tous ces princes sont dynastes selon le principe de continuité du corpus mysticum du roi. Ainsi les armoiries d’un prince aux fleurs de lis doivent représenter sa position ad tempus dans l’ordre de succession selon les règles de dévolution de la Couronne de France. In casu rappelons les critères de notre grille d’analyse permettant de peser la pertinence d’un couple formé d’armoiries et d’un titre.

    • La première condition est formelle. Elle suppose simplement que seul le chef de nom, de maison et d’armes soit l’autorité légitime qui confère les armoiries et le titre.
    • Le deuxième critère est l’interdiction pour des cadets capétiens d’utiliser les armes de primogenitus c’est-à-dire les armes de France, vierges de brisure.
    • Ensuite la brisure doit être libre.

Ces trois conditions cumulatives et impératives obligent le roi afin que les armoiries soient régulières.Les autres critères sont facultatifs, subjectifs et d’opportunité. Le plus opérant nous semble être que la brisure associée au nom corresponde au titre. Cette concordance est gage d’unité et de simplicité. De plus la continuité de la dichotomie entre les titres généralement attribués aux aînés de ceux donnés aux cadets paraît être une tradition à maintenir car elle favorise l’ordre et la clarté dans l’économie de l’héraldique capétienne. En ce domaine des critères facultatifs, le roi est souverain.
Pour finir la question des armes du prince à naître est d’importance car c’est un signe de bon ordre ou de confusion7. Mais elle reste accessoire à côté de l’attente de l’éclosion de ce petit prince aux fleurs de lis qui sera une grande source de joie domestique, riche d’espoir et des promesses de l’avenir. Sur l’instant et jusqu’à la fin du terme, faisons notre devoir en priant pour la grossesse de notre reine :

Deus, qui providentia singulari Francorum moderaris imperium, Reginam nostram Mariam-Margaritam prægnantem abundantiori refove subsidio ; ut regia proles, quam, te donante, concepit, felici partu edita ; & in Christo partu feliciore regenerata, sit cum incolumi matre longa Regni Felicitas & tutum Ecclesiæ præsidium : Per Dominum8.

 

Olivier Cerverette

Cercle Saint Louis de Nîmes

  1. Voir H. Pinoteau, La symbolique royale française Ve-XVIIIe siècles, PSR.
  2. « Brisée se dit des armoiries des puînés et cadets d’une famille, où il y a quelque changement par addition, diminution ou altération de quelque pièce pour distinction des branches. » d’après le Dictionnaire héraldique Charles de Grandmaison, Paris, 1861.
  3. « on entend par brisure, l’addition, la diminution ou l’altération de quelque pièce dans les armoiries d’une famille. La brisure sert à distinguer les différentes branches d’une maison, la branche aînée porte seule les armes pleines et primitives. On brise en ajoutant un lambel, une bordure, un bâton, un franc-canton, en écartelant d’un quartier d’alliance ; quelquefois on substitue un meuble à un autre et enfin souvent on change les émaux. » d’après l’Alphabet et figures de tous les termes du blason, L.-A. Duhoux d’Argicourt, Paris, 1899).
  4. Les ducs d’Enghien, aînés des princes de Condé portaient D’azur à trois fleurs de lys d’or, au bâton de gueules péri en bande et au lambel d’argent.
  5. « Se dit d’une seconde brisure ajoutée sur les armes d’une famille par les collatéraux, en plus de celle déjà apposée par les cadets. » d’après l’Alphabet et figures de tous les termes du blason,L.-A. Duhoux d’Argicourt, Paris, 1899.
  6. Un lion pour le Léon, Espagne.
  7. En effet lorsque la royauté vacilla sur ses bases et oublia une partie de sa raison d’être, l’héraldique royale fut désordonnée (ex : héraldique de Louis XVI et de ses frères cadets). La concordance est frappante. La réciproque est également vrai. L’héraldique royale émet donc un signal fort, négatif ou positif.
  8. Confrérie royale, Eucologue, Oraisons pour la grossesse de la Reine.
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