L’économie européenne à la chute de l’Empire Romain (III^e-VI^e siècle) Un laboratoire de solutions fiscales et monétaires pour endiguer les crises économiques

L’Empire romain a prospéré pendant cinq siècles grâce à son modèle économique fondé sur l’expansion territoriale qui lui apporte en abondance richesses et esclaves. Cependant, si le grand commerce profite aux plus riches, il finit par faire disparaître la classe moyenne et ce modèle révèle ses limites quand les conquêtes s’essoufflent au début du II^e siècle. La légitimité des Empereurs, trop liée à une institution sénatoriale déliquescente, est remise en cause et dégénère en anarchie militaire. Ces troubles causent un effondrement de la production tandis qu’une politique monétaire laxiste génère toujours plus d’inflation. L’Empire sombre alors dans une crise économique durable. L’impact social est immense : les impôts trop lourds provoquent l’exode urbain, le nomadisme et les pillages, ce qui se traduit par un effondrement démographique et va finalement favoriser une invasion massive de peuples étrangers appâtés par le gain ou chassés de leurs terres. Cette période n’est donc pas sans rappeler, sous certains aspects, l’époque actuelle au moment où les institutions issues de 1789 périclitent, où la démagogie prime sur toute vision de long terme, et où l’expansion économique fondée sur le libéralisme se heurte aux limites mêmes de la planète et de ses ressources. N’entrevoyons-nous pas déjà un avenir qui pourrait évoquer les affres que subit l’économie européenne pendant les trois siècles qu’a duré la chute de l’Empire Romain ? Pourtant, l’Histoire nous apprend aussi avec l’avènement des rois germaniques et l’essor du mouvement monastique, que c’est pendant ces périodes de chaos que vont émerger ceux qui voient plus loin et reconstruisent des civilisations sur des bases solides et pérennes. [La Rédaction]

Introduction

Quatre siècles de mutations économiques

Dans la représentation générale, l’économie romaine apparaît comme un pic sans précédent de développement pour le bassin méditerranéen, et tout particulièrement pour la partie occidentale de l’Empire. La Rome des grands Princeps tels Auguste, Trajan ou Marc-Aurèle, offre un tableau de prospérité sans pareille : de grandes métropoles bâties grâce à des prouesses d’ingénierie, un marché intérieur foisonnant et un productivisme agraire motorisé par une vaste main-d’œuvre servile.

Sur le plan économique, la fin de ce monde romain ne se limite pas à une date charnière ni même à une période transitoire. Si l’on part des premières crises économiques endurées par l’Empire et que l’on s’arrête à la dissipation des derniers legs directs de la civilisation romaine, ce sont bien trois voire presque quatre siècles qui forment cette époque de changements successifs.

Dans la vision classique, cette époque serait pour l’Occident un âge sombre : Rome croule sur elle-même et seule règne désormais la « barbarie ». Il est vrai que la prospérité de l’Âge d’Or n’est plus de mise : l’Europe — telle qu’on ne la perçoit pas encore — perd un quart de sa population. Les villes se dépeuplent drastiquement et pas une seule des grandes métropoles d’Europe de l’Ouest ne maintient son rang tandis que les grands domaines fonciers sont abandonnés les uns après les autres.

Les ferments d’une nouvelle civilisation

Mais l’histoire ne s’arrête pas pour autant. « L’âge sombre » est un enchaînement de renversements de rapports de force et de basculements civilisationnels où le vide n’existe nulle part. À la première période d’anarchie militaire succède celle des Dominus, les empereurs-soldats qui donnerons à l’État romain un siècle supplémentaire de suprématie.

Dans le même temps, la force conquérante du christianisme des premiers temps transforme les sociétés de l’Empire de l’intérieur et s’impose comme un noyau de stabilité avec lequel doivent composer les envahisseurs germaniques. Les Germains eux-mêmes, lancés au V^e siècle dans une chevauchée triomphale mais éphémère, façonnent leurs provinces d’installation en tant que colonisateurs et chefs d’États.

La fin de cette époque voit encore poindre de nouvelles lueurs civilisationnelles. À l’est, Byzance où s’érige un nouvel ordre chrétien et aristocratique qui s’étendra sur la majeure partie de l’Europe. À l’ouest, l’improbable créativité de l’Irlande monastique qui donnera corps pour la première fois de l’Histoire à une véritable civilisation occidentale. Ces deux nouvelles dynamiques tourneront définitivement la page de l’histoire de Rome pour construire ce que nous connaissons véritablement comme le Haut-Moyen-Âge.

Crise économique et anarchie militaire du III^e siècle

Disparition d’une classe moyenne qui rejoint la plèbe quand les patriciens s’enrichissent

Depuis longtemps déjà, les petits propriétaires terriens qui faisaient la force de Rome se sont trouvés ruinés par la concurrence de l’agriculture sicilienne, africaine et égyptienne. Ils sont alors venus grossir les rangs de la plèbe urbaine, vivant de jeux et de distributions de blé gratuites. Cette évolution a profité aux grands propriétaires terriens enrichis par les conquêtes qui leur apportaient de grandes quantités de captifs et de métaux précieux. Ces patriciens se sont peu à peu amollis dans une vie oisive et luxueuse, alimentée par les revenus d’immenses exploitations agricoles, où travaillaient des armées d’esclaves de tous horizons (35 % de la population italienne au I^er siècle de notre ère vivait sous le statut d’esclave).
Mais peu à peu les conquêtes stagnent et les apports de nouvelles richesses se tarissent.

Crise de légitimité politique et anarchie militaire amorcent le déclin économique

Pendant ce temps, les empereurs dont la légitimité est fragilisée cherchent à acheter le soutien de la plèbe de Rome : Commode, accusé d’être le fils adultérin d’un gladiateur, dilapide à la fin du II^e siècle des sommes gigantesques en donations et en distribution de grains, perturbant fortement les circuits économiques. Cela ne le sauvera pas.

Il s’ensuit de l’assassinat de Commode en 192 et jusqu’à Dioclétien en 286, une période d’anarchie militaire qui voit se succéder des coups, des assassinats d’empereurs à rythme de plus en plus rapproché et des guerres civiles permanentes.

Les difficultés de l’Empire permettent à des peuples voisins plus dynamiques, comme les Perses sassanide, les Alamans (« ligue de tous les hommes ») et les Francs (ligue des Tongres, Chamaves, Chattuaires, Bructères et Saliens), mais aussi les Daces et les Sarmates, de tester la résistance des frontières et de commencer à piller et coloniser les provinces. L’armée romaine, qui a cessé ses grandes conquêtes, est donc désormais mobilisée pour la défense des frontières de l’Empire et préserver la Pax Romana pourvoyeuse de prospérité économique.

L’économie de guerre pour protéger les frontières

Mais qui dit guerres, dit économie de guerre et un gigantesque besoin de financement puisqu’il faut payer la solde des légionnaires impériaux (revalorisée par Septime Sévère), les approvisionner pendant les campagnes et enfin entretenir les nombreux castrums, les vastes camps retranchés de la frontière.

L’armée absorbe ainsi une part toujours plus grande des ressources de l’État. Un impôt spécial payé en pièces d’or, l’annone militaire, est prélevé pour son entretien. Or, cet or est en grande partie dépensé là où se trouvent les garnisons, à savoir notamment sur les bords du Rhin et du Danube. Il en résulte une prospérité importante, non plus dans le cœur de l’Empire, mais plutôt dans les provinces frontalières, ce qui va renforcer l’appétence des peuples voisins pour les pillages et les invasions.

L’explosion de la pression fiscale crée nomadisme, pillages et faillites

Le fisc romain dans ce contexte devient insoutenable en particulier pour le monde rural qui ne profite ni des garnisons, ni des largesses des empereurs à la plèbe de Rome. Des révoltes fiscales explosent (révolte des grands propriétaires de la province d’Afrique, bagaudes gauloises de 286 qui a entraîné la révolte de 49 cités). Écrasés d’impôts dans un contexte d’insécurité montante, de nombreux paysans sans terre, rejoins par des esclaves en fuite et des déserteurs vont grossir les rangs des pillards qui sillonnent les campagnes pendant plusieurs années, s’attaquant aux fermes isolées et aux petits bourgs ruraux.

Ces fuites en masse d’esclaves et de paysans vident les grands domaines de leur main-d’œuvre, ce qui conduit à un effondrement de la production agricole. Or, faute de conquêtes, il devient de plus en plus difficile, et plus cher, d’acheter de nouveaux esclaves pour remplacer les fuyards. Les revenus agricoles des grands domaines fonciers (villæ) sont doublement affectés par les impôts faramineux et par le manque de main-d’œuvre, mais aussi par les pillages récurrents. Cela finit par entraîner une réduction importante de la masse foncière imposable, beaucoup de grands domaines poussés à la faillite se retrouvant à l’abandon.

Abandonnées, leurs terres sont retournées en friches tandis que les infrastructures qui faisaient la force de Rome — routes, ponts, aqueducs… — se sont fortement dégradées faute d’entretien.

Effondrement des échanges commerciaux, de la production agricole et flambée des prix

Les échanges commerciaux s’effondrent, faute de marchandises et de moyens logistiques. Ne pouvant plus exporter leurs récoltes sur de longues distances, les grands propriétaires terriens commencent à produire des denrées de subsistance et à se livrer au troc. Dans l’impossibilité d’importer des produits manufacturés des grandes zones urbaines de l’Empire, ils ont également entrepris de les fabriquer eux-mêmes, sur leurs domaines.

De nombreuses petites exploitations (très présentes dans le Sud de l’Europe) et une partie du dense réseau villageois de l’époque impériale font également l’objet d’abandon massifs liés à la pression fiscale et aux pillages. Les populations s’installent de préférence sur les hauteurs, réoccupant d’anciens châteaux (oppida) de l’époque préromaine, voire certaines grottes. D’autres encore, et notamment les paysans et esclaves en fuite, s’installent dans les forêts.

La désorganisation des échanges, l’effondrement de la production agricole, et l’apport réduit d’esclaves et de richesse sont les causes premières de la flambée des prix qui devient particulièrement incontrôlable dans la seconde moitié du III^e siècle. Une mesure de blé qui valait 1 denier sous Auguste et 4 en 250 après J.-C., en vaut 50 en 276, 75 en 294 et 330 en 301 !

L’inflation explose : augmentation des prix et dévaluation de la monnaie

La monnaie sous l’Empire Romain était un système basé sur le trimétallisme (or-argent-cuivre), dominé par les aureus (pièces d’or). Ces monnaies, émises et contrôlées par l’État, frappées à l’image de l’Empereur, circulaient d’un bout à l’autre de l’Empire avec une valeur théoriquement égale même si des variations pouvaient s’observer en pratique.

Les émissions de monnaie suivant souvent le pillage de cités conquises, elles étaient corrélées au niveau de richesse de l’Empire en période d’expansion, mais au III^e siècle une décorrélation apparaît entre la production d’or encore importante et la richesse réelle de l’Empire.

C’est pourquoi les émissions monétaires à répétition auxquelles se livrent les empereurs successifs pour faire face à l’augmentation des dépenses militaires vont se traduire par une inflation très élevée. Entre 238 et 274, la masse monétaire est multipliée par sept, ce qui entraîne logiquement une dévaluation de la valeur des monnaies.

Les efforts de redressement de l’empereur Aurélien (270-275)

L’empereur Aurélien cherchera à remédier à la crise monétaire, car l’inflation met la plèbe sous tension. En 271, il déclenche une dure répression contre l’atelier monétaire de Rome, coupable de fraude sur l’émission des monnaies. Grâce aux métaux précieux rapportés de Palmyre après sa victoire contre la reine Zénobie, à la reprise de contrôle des mines d’Hispanie et de Bretagne et à de meilleures rentrées fiscales, il fait battre une monnaie de bronze argenté de meilleure allure nommée l’Aurelianus.

S’efforçant de restaurer l’unité de l’Empire, il place ce dernier sous la protection de Sol Invictus (le Soleil invaincu), divinité dont il pense tirer son pouvoir, et il se fait appeler sur ses monnaies « deus et dominus » (dieu et seigneur).

Des cités de l’Empire aux sorts très différents

À Rome, Aurélien améliore le ravitaillement alimentaire en remplaçant les distributions de blé par des distributions de pain. Il organise les corporations de bateliers du Tibre, de boulangers et de bouchers en liant définitivement leurs membres à leur métier. Malheureusement, ces réformes interviennent dans un contexte peu équilibré, où sévissent l’inflation et le marché noir, et sont comprises comme de nouvelles contraintes imposées par l’État.

De même, sous les Sévères (193-235), la ville de Lugdunum (Lyon), Capitale des Gaules dont la population est comprise entre 50 000 et 80 000 habitants, seule cité gauloise à disposer alors d’un évêque, va commencer à décliner. Clodius Albinus, un prétendant au trône, s’installe à Lugdunum à la fin du II^e siècle pour attendre et affronter Septime Sévère. Il est défait lors de la bataille de Lugdunum et Sévère pille la cité.

Pendant ce temps, certaines cités de garnison situées sur les limes¹ de l’Empire tirent parti des troubles : ainsi Cologne, d’abord centre militaire, devient la capitale de l’éphémère Empire des Gaules et la résidence de l’empereur gaulois Posthumus de 260 à 268, puis le lieu de l’usurpation de Silvanus en 355.

Grande métropole marchande à partir du II^e siècle, Trêves est devenue l’une des capitales de la Tétrarchie à la fin du III^e siècle et siège d’un atelier monétaire impérial à partir de 294. Trèves est alors qualifiée de « seconde Rome » ou Roma Secunda.

À la fin du III^e siècle, la plupart des cités qui ne disposaient pas encore de murailles construisent des remparts (tel le mur d’Aurélien à Rome), quitte à démolir pour cela certains monuments romains.

Burdigala (Bordeaux) était particulièrement prospère sous la dynastie des Sévères (193-235). La ville s’était alors dotée de monuments comme le forum avec les Piliers de Tutelle et le Palais Gallien (amphithéâtre pouvant contenir 20 000 personnes sur ses gradins en bois).
Cette prospérité amenant de nombreux pillages (germains et bagaudes), les légions romaines érigent des remparts de neuf mètres de hauteur entre 278 et 290, utilisant les pierres d’anciens monuments, ils réduisent ce faisant l’espace de la ville d’une trentaine d’hectares. Après les invasions, Burdigala accueille encore 15 000 habitants.

À son apogée au III^e siècle, la population de Londinium (Londres) atteint de son côté entre 45 000 et 60 000 personnes.

Expansion des forêts et développement d’une économie sylvo-agricole ou pastorale

Les III^e et IV^e siècle sont marqués en Europe par des températures moyennes plus froides, une météo plus humide et une extension des glaciers en zones de montagne. Ce climat favorise l’expansion des forêts dans les zones de déprise agricole².

Or ces forêts sont loin d’être impénétrables et restent un lieu de chasse avec l’application maintenue du droit romain qui l’autorise pour tout un chacun. Mais elles sont désormais également habitées. Une économie sylvo-agricole ou pastorale se développe dans les clairières assez nombreuses qui parsèment les bois. Certaines forêts font même l’objet d’une exploitation intensive, comme dans le Sud Est de l’Île de Bretagne où œuvrent de nombreux métallurgistes et des éleveurs de porcs, ou encore en Galice et dans les Asturies où sont exploitées de nombreuses mines d’argent.

Les forêts sont également exploitées par des charbonniers, des résiniers, des distillateurs de poix et tout simplement utilisées pour le bois de construction, avec la plantation de châtaigneraies dans le nord de l’Italie. Les forgerons qui y résident par facilité d’accès du combustible sont des personnages importants pouvant disposer d’une petite fortune grâce à un commerce régional de leurs productions.

Le retour à l’ordre impérial au IV^e siècle

Un effort administratif et militaire considérable

L’arrivée au pouvoir de Dioclétien en 284 qui instaure la Tétrarchie, puis de Constantin (272-337), vont ramener provisoirement l’ordre dans l’Empire, mettre fin aux bagaudes, soumettre les Francs, mais au prix d’un puissant renforcement du système administratif³ et des effectifs de l’armée.

Durant le IV^e siècle, les invasions germaniques sont toutes repoussées par l’armée romaine. Cependant, les citoyens romains rechignent désormais à s’engager dans l’armée ou simplement à faire leur service militaire, le militarisme civique d’antan n’ayant plus cours. Pour compenser la baisse des effectifs, les empereurs engagent des soldats germains. Nombreux sont les Francs qui parviennent ainsi aux plus hautes fonctions militaires et politiques (exemple : Mérobaud, général franc de 363 à 383, fidèle de l’empereur Julien, puis de Valentinien I^er, consul en 377 et en 383.) L’armée romaine atteint sous Constantin son effectif maximum de 500 000 hommes.

Dioclétien tente une réforme monétaire pour juguler l’inflation

Toutefois quand Dioclétien arrive au pouvoir, il doit aussi affronter une situation économique catastrophique. Il tente une réforme monétaire, abandonnant le denarius d’argent et créant une nouvelle pièce, l’argenteus, ainsi que trois nouvelles pièces de bronze.

Mais ces réformes ne ralentissent en rien l’inflation. Bien au contraire : les prix doublent en moins de dix ans ! Et pour cause, puisque les anciennes pièces continuent de circuler. Plutôt que d’échanger à un taux fixe l’ancienne monnaie contre la nouvelle afin de la retirer progressivement de la circulation, Dioclétien n’a fait, lui aussi, que gonfler la masse monétaire, accentuant encore l’envolée des prix.

Dioclétien tente le plafonnement des prix

Pour juguler l’inflation galopante, Dioclétien tente d’instaurer un plafonnement des prix.

Entre le 20 novembre et le 9 décembre 301, depuis l’Orient où il se trouve alors, l’empereur romain Dioclétien impose un prix maximum pour plus d’un millier de produits. Sont concernés les céréales, la viande, le vin, la bière, les lentilles ou les saucisses, mais aussi les chaussures, les manteaux, les frais de transport, les voyages maritimes, les salaires et les honoraires des professions indépendantes. L’édit impérial précise que ceux qui dépasseront ces plafonds ou qui stockeront des marchandises en vue d’en faire monter les prix seront passibles de la peine de mort.

Le plafonnement des prix n’a cependant aucun effet : les marchands préfèrent conserver leurs produits plutôt que de les vendre à perte, ce qui perturbe un peu plus les échanges, aggrave les pénuries et accentue la dépréciation de la valeur de la monnaie. Dans les campagnes comme dans les villes, le recours au troc se généralise. Inutile et inapplicable, l’édit du maximum finit par tomber en désuétude.

Constantin réorganise l’administration, crée une nouvelle monnaie — le solidus — et la protège

Le règne de Constantin se traduit également aussi par une forte augmentation du nombre des fonctionnaires travaillant dans les bureaux centraux. Une foule de notaires, d’agents secrets (agentes in rebus), près de 1000 fonctionnaires au V^e siècle, et d’employés divers font de l’Empire romain une véritable bureaucratie.

Pour couvrir les dépenses considérables qu’entraîne cette réorganisation, il faut de l’argent mais surtout de l’or, aussi les dépenses militaires, les soldes régulières et les gratifications exceptionnelles (donativa) se règlent en solidi⁴ (d’où les mots « solde » et « soldat »), la nouvelle monnaie introduite par Constantin.

Partant de l’évaluation des effectifs de l’armée dans la seconde moitié du IV^e siècle, la production annuelle de solidi est estimée entre 1 et 2 millions de pièces, et vraisemblablement davantage à l’occasion des grandes mobilisations militaires lors des conflits.

Son émission, privilège impérial par excellence, a été alimentée initialement par la confiscation des immenses stocks d’or thésaurisés depuis plusieurs siècles dans les temples païens (331) et la capture du trésor de guerre de Licinius (324).

La garantie du poids du solidus est économiquement nécessaire, mais elle est menacée par l’usure naturelle des pièces causée par leur circulation, et aussi par les fraudes au limage ou au rognage, consistant à prélever un peu d’or sur chaque pièce. L’empereur Julien instaure en 363 des fonctionnaires contrôleurs dans chaque grande ville de l’Empire chargés de vérifier le poids des solidi et d’arbitrer les conflits entre vendeurs et acheteurs de solidi.
Toute atteinte à la monnaie d’or constitue un crime de lèse-majesté.

La stabilité du solidus favorise la confiance mais n’endigue pas l’inflation

L’introduction de cette nouvelle monnaie d’excellent aloi, dont la pureté et le poids sont étroitement surveillés par les ateliers émetteurs, permet de créer dans l’Empire un climat de confiance, propice au commerce. Les grandes métropoles retrouvent un certain dynamisme.

Le solidus d’or joue également un rôle de valeur refuge face aux dévaluations des autres monnaies circulantes en argent, en bronze (follis, centenionalis…) ou celles en cuivre utilisées au quotidien par les couches populaires, et avec lesquelles aucune parité fixe n’est établie.

Mais son apparition dévalorise les petites monnaies émises par les précédents empereurs pour payer à bon compte la solde de leurs troupes, ce qui contribue à maintenir l’inflation à des niveaux élevés. La hausse des prix frappe essentiellement les détenteurs de pièces en bronze et en cuivre, dont la valeur ne cesse de diminuer.

Par le biais de l’impôt, les solidi revenaient dans les caisses de l’État, pour être refondus en lingots, ce qui permettait un comptage au poids, puis refrappées.

L’or devient la référence d’un système fiscal dont la pression provoque abandon des terres et exode citadin

Les taxes s’expriment en solidi, et parfois en fraction de solidus. Les amendes, connues par le Code théodosien, ne s’expriment plus qu’en or à partir de 360 environ.
Pour assurer la défense de ses frontières toujours menacées, l’État ne cesse d’alourdir son emprise fiscale, multipliant les taxes et les impôts⁵, que les contribuables ont désormais l’obligation de payer en or. Ceux qui n’en ont pas, c’est-à-dire la majorité de la population paysanne, en sont souvent réduits à abandonner leurs terres et l’hémorragie rurale du III^e siècle va donc se poursuivre malgré le retour de la prospérité.

Les élites urbaines, de leur côté, se voient chargées de la collecte des impôts au nom du gouvernement central. Lorsque les collectes sont insuffisantes, ce qui est de plus en plus le cas, c’est le patrimoine personnel du collecteur qui est mis à contribution ! Pour éviter cela, de nombreux magistrats urbains s’enfuient des villes et tentent de se cacher, retournant parfois sur leurs domaines ruraux à l’abandon.

Dans ce contexte, les cités tombent parfois aux mains de potentats locaux peu scrupuleux ou incompétents.

Lugdunum (Lyon) par exemple perd en 297, lors des réorganisations de la Tétrarchie, son rang de capitale des Gaules au profit de Trèves, plus proche de la frontière du Rhin. Lugdunum n’est plus alors que le siège administratif de la petite province de Première Lyonnaise (Lyonnais, Bourgogne et Franche-Comté).
Dans les premières années du IV^e siècle, la cité perd également son approvisionnement en eau en raison du pillage des canalisations en plomb des aqueducs, qui ne parviennent pas à être remplacés par des autorités locales défaillantes. Cela entraîne un déplacement de la population, qui quitte le plateau de Fourvière pour se réfugier près du fleuve.

Au tournant du V^e siècle, certaines cités gallo-romaines disparaissent complètement, comme Vieux en Normandie, Jublains dans le Maine, Alba dans le Vivarais.

Des élites sociales qui changent de modèle

La détérioration des conditions sanitaires dans les villes, propice aux épidémies, conduit les élites sociales (aristocratie) au tournant du IV^e siècle et jusqu’au V^e siècle à faire retour vers leurs domaines ruraux et à restaurer les anciennes villas et, de façon croissante, à fonder des monastères, ce qui permet au passage de bénéficier d’exonérations fiscales.

Un tri s’opère également entre de vastes domaines complètement abandonnés, notamment dans le Nord (Flandres, Île de Bretagne), et quelques villas somptueuses qui résistent et continuent à prospérer eu IV^e siècle, notamment en Italie ou en Aquitaine (détenues généralement par de grands bureaucrates de l’Empire).

Mais on voit aussi des patriciens comme le bordelais Paulin de Nole (353-431), ancien consul et l’un des plus riches propriétaires fonciers de l’Empire, se débarrasser tout à coup de ses domaines immenses pour devenir, lui et sa jeune femme, concierges du tombeau d’un saint en Campanie.

L’expansion de l’idéal monastique

L’idéal monastique venu d’Égypte est en effet en pleine expansion. Les ermitages et les communautés se multiplient partout dans l’Empire et bénéficient d’importantes donations. On ne compte plus les jeunes patriciens qui abandonnent le domaine de leurs parents, emmenant parfois leurs esclaves avec eux, pour aller vivre dans la plus grande simplicité dans une « solitude » menée sous l’égide d’un saint homme (dont saint Martin est le plus célèbre en Gaule⁶).

Il est difficile de mesurer l’impact économique et démographique de ce mouvement (même si on peut supposer que cela a pu renforcer le déclin démographique), mais on assiste ainsi à l’amorce d’une restructuration des structures foncières et des institutions urbaines sous un nouveau modèle.

Or, contrairement aux structures politiques de l’Empire Romain, l’Église chrétienne en pleine ébullition va remarquablement encaisser le choc des invasions germaniques et en convertira les chefs de guerre avec une facilité déconcertante.

Pour l’Église, la chute de l’Empire Romain n’est pas vraiment un problème et au large de Cannes, le monastère de Lérins débat avec passion des théories augustiennes de la Cité de Dieu pour savoir quelle attitude adopter face aux rois « barbares ».

Au V^e siècle, le retour des grandes invasions, des révoltes et des guerres entre Germains

Harcelés par les Huns qui ont passé la Volga en 375, les Vandales, les Goths et les Burgondes sont poussés vers l’ouest.
C’est sous le règne d’Honorius, à l’hiver 406-407, que des tribus entières (Suèves, Alains et Vandales) franchissent le Rhin gelé, pénètrent dans l’Empire et le mettent à sac.

Les Wisigoths prennent Toulouse pour capitale

En 410, les Wisigoths d’Alaric pillent Rome ce qui est un véritable choc dans l’Empire. Honorius négocie alors avec les Wisigoths un fœdus : ils obtiennent le statut de fédérés, c’est-à-dire d’alliés de Rome, et des terres en échange d’un service militaire. En 413, les Wisigoths choisissent Toulouse comme capitale. 418 correspond à la date de création du premier royaume « barbare », celui du royaume wisigothique en Aquitaine.

Les Burgondes prennent Lyon pour une de leurs capitales

Les tribus burgondes s’installent en Sapaudie (pays des Allobroges) comme peuple fédéré par le général romain Ætius, après la destruction de leur royaume près du Rhin. Ils y créent un nouveau royaume, indépendant de l’Empire romain déliquescent ; et y intègrent Lyon, dont ils font une de leurs capitales.

Les Francs Saliens prennent Tournai pour capitale

Après avoir protégé les provinces belges et germaines contre les Francs Rhénans, les Francs Saliens se regroupent en un seul royaume et sont gouvernés par Théodomir (tué vers 420 par les Romains), puis par Clodion le Chevelu.
Profitant en 445 du retrait des troupes d’Ætius occupé sur d’autres fronts, ce dernier conduit son peuple vers le sud et s’empare de Tournai. Ils sont cependant arrêtés et battus par Ætius, qui se résout néanmoins à leur accorder un fœdus autour de Tournai. Plusieurs rois s’y succèdent, accédant au titre de proconsul des Gaules, jusqu’à Clovis qui devient roi en 481.

Les Vandales s’établissent en Afrique du Nord

Genséric, roi des Vandales, mène quant à lui une longue migration avec son peuple à travers la Péninsule Ibérique et jusqu’en Afrique du Nord dont il rend maître et où il obtient le statut de fédéré en 435.

Le retour des bagaudes et l’avènement des Huns

Les bagaudes reprennent également au V^e siècle, avec notamment la révolte des esclaves menée par Tibatto en 435.

Entre 447 et 448, un médecin nommé Eudoxe avait rejoint et pris la tête des bagaudes. Après avoir été vaincu, il réussit à s’enfuir vers les Balkans où il est devenu conseiller particulier d’Attila qu’il pousse à faire mouvement vers l’Ouest. Sa vengeance porte ses fruits, mais en 451, à la bataille des champs catalauniques⁷, le général Ætius parvient à repousser les Huns d’Attila de Gaule. Il les laisse cependant piller l’Italie, où les Huns seront décimés par une épidémie et où Attila mourra assassiné lors de sa nuit de noce avec une gothe.

Le barbare Odoacre prend Rome et met fin aux institutions romaines

La chute des institutions politiques de Rome viendra toutefois, à nouveau de l’intérieur, à savoir de sa propre armée. En effet, en 476, l’Empereur Oreste refusa d’accorder aux mercenaires germains conduit par Odoacre (qui est au passage le fils d’un proche collaborateur d’Attila) le statut de fédérés, poussant Odoacre à prendre Rome et à envoyer les insignes impériaux à Constantinople, s’établissant comme roi d’Italie avec Ravenne comme capitale. Romulus Augustule, le fils d’Oreste, fut épargné par Odoacre qui, bien qu’ayant assassiné son père, eut pitié de lui et lui donna une pension et une villa en Campanie, villa qui devint, signe des temps, un monastère.

Conformément à ses promesses, Odoacre a procédé à la confiscation des terres du tiers de l’Italie au profit de ses soldats. Toutefois, militaires depuis leur jeune âge, ceux-ci ne connaissent rien à l’agriculture et en quelques années ce « tiers barbare » revient dans des mains romaines par la simple action du marché.

Bien que lui-même de confession arienne, Odoacre a d’excellentes relations avec l’Église trinitaire, manifestant beaucoup d’admiration pour l’évêque Épiphane. À la demande de celui-ci, il accorde d’ailleurs une immunité de taxes aux habitants de la Ligurie, et par la suite intervient pour libérer ceux-ci des abus du Préfet du Prétoire.

Il maintient également la ville de Rome en très bon état, assurant le service de milice urbaine et d’entretien des bâtiments publics.

S’étant emparé de la Dalmatie, Odoacre doit lutter à partir de 488, contre les Ostrogoths de Théodoric que lui oppose Zénon, l’empereur d’Orient. Vaincu à trois reprises du fait de l’intervention des Wisigoths d’Alaric II, Odoacre se réfugie à Ravenne où, après trois ans de siège, il meurt assassiné des mains mêmes de Théodoric, le 16 mars 493 au cours d’un banquet supposé sceller la paix retrouvée.

Des Îles Britanniques abandonnées à leur sort

Plus à l’Ouest, dans l’Île de Bretagne, lorsqu’en 407 les légions romaines protégeant la ville sont rappelées sur le continent pour soutenir l’usurpateur Constantin III, Londres commence à péricliter et sa population diminue. Après le départ l’expulsion de l’administration romaine de Bretagne en 410, il est largement établi qu’au V^e siècle, Londres est en ruine et pratiquement abandonnée.

Dans les Îles Britanniques, la monnaie jusque-là abondante cesse alors d’arriver. Les pièces en circulation vont y être rognées au maximum, puis le territoire va pendant deux siècles vivre dans une économie sans monnaie, malheureusement assez peu connue, sauf à travers la légende arthurienne. Cette légende relate d’ailleurs la résistance désespérée des Bretons contre les invasions saxonnes, qui vont aboutir, au milieu du V^e siècle, à la fuite massive des populations bretonnes en Armorique, voire jusqu’en Galice, où certains historiens⁸ se plaisent à voir la mythique Avallon.

Néanmoins, au même moment, un Ard rí Érenn, le roi suprême d’Irlande, étend son pouvoir sur toute l’île et siège à Tara capitale du Royaume de Mide. Les autres rois lui doivent le boroma, tribut payable en bétail. Son non-paiement entraîne des guerres dont la mythologie se fait l’écho, tout autant que les razzias.

Les villes épiscopales fortifiées deviennent les capitales de nouveaux royaumes

Pour revenir au sort des cités européennes à cette époque troublée, les difficultés à maintenir les réseaux urbains dans un état de salubrité suffisant ne s’améliorent pas beaucoup et contribuent à la diffusion d’épidémies, dont le choléra est la plus redoutée. La population de Rome chute alors de moitié, tombant à 500 000 habitants à la fin du V^e siècle, bien que la Ville conserve encore sous les ostrogoths de Théodoric une grande partie de sa superbe.

Ce sont les cités fortifiées accueillant un siège épiscopal qui résistent le mieux aux tribulations de cette époque. Les mieux dotées comme Cologne, Trèves, Metz, Paris, Toulouse ou Ravenne⁹ deviennent les capitales des nouveaux royaumes.

Ainsi, en 508, après avoir conquis la majeure partie de la Gaule, Clovis fait de Paris sa capitale. Il y établit sa résidence principale (Palais des Thermes), et y fait construire plusieurs édifices religieux, dont la basilique des Saints-Apôtres, où il est enterré.

La générosité étant la première vertu du roi germanique, elle va se traduire par des dons importants aux églises de ressources royales. Terres et trésors sont même dilapidés pour montrer la générosité royale aux fidèles. L’expansion territoriale permet à cet égard de perpétuer les donations. Ainsi à Auch, l’évêque métropolitain Perpet va à la rencontre de Clovis lorsque celui-ci est en approche de la ville pour lui donner le pain et le vin. En récompense, le roi lui offre la cité, avec ses faubourgs et églises, ainsi que sa tunique et son manteau de guerre à l’église Sainte-Marie. Il se voit en outre offrir un trésor en or et l’église royale de Saint-Pierre-de-Vic.

Sainte Geneviève, archétype du héros de l’époque

Les nouveaux grands personnages de l’époque sont désormais plus réputés pour leur piété que pour leurs pouvoirs et leurs richesses (même si l’une n’exclut pas les deux autres à l’instar de sainte Geneviève).

Geneviève, issue d’une riche famille de l’aristocratie gallo-romaine, est la fille unique de Severus probablement un Franc romanisé qui après une carrière d’officier, a exercé la fonction de régisseur de terres d’Empire, et de Geroncia fille d’un général.
À la mort de ses parents vers 440, elle quitte Nanterre et vient s’établir chez son influente marraine Procula en plein Paris, dans l’île de la Cité. Elle aurait hérité en tant que fille unique de la charge de membre du conseil municipal (curia) détenue par son père, charge qu’elle aurait exercée tout d’abord à Nanterre, puis à Paris, faisant partie des dix principales constituant l’aristocratie municipale.

En 465, elle s’oppose à Childéric I^er, qui entreprend le siège de Paris, en parvenant à ravitailler plusieurs fois la ville avec du blé de la Brie et de Champagne, forçant alors le blocus.
Sa renommée de sainteté se répandit bien au-delà de la Gaule, à tel point que des marchands de Paris, qui avaient voyagé jusqu’en Syrie et avaient rendu visite à saint Siméon le Stylite, racontaient que le saint, qui ne la connaissait pas, mais qui avait eu une révélation divine particulière à son sujet, leur avait demandé de transmettre ses salutations à Geneviève, en lui demandant de le recommander dans ses prières.
Elle fait bâtir une chapelle sur l’emplacement du tombeau de Saint Denys, premier évêque de Lutèce. Elle convainc également Clovis, dont elle a toujours été une partisane, de faire ériger une église dédiée aux saints Pierre et Paul sur le mont Lucotitius (qui porte aujourd’hui le nom de montagne Sainte-Geneviève), dans l’actuel 5^e arrondissement de Paris, au cœur du Quartier latin.

Les infrastructures urbaines romaines sont globalement entretenues

Les nouveaux rois dit « barbares » et les évêques continuent au V^e siècle d’entretenir les routes, les aqueducs, les thermes et les amphithéâtres romains, mais les nouvelles constructions sont pour l’essentiel des cathédrales intra-muros et des nécropoles en périphérie, avec une animation spirituelle importante autour des tombeaux des saints martyrs.

Les anciennes routes romaines, à vocation essentiellement militaires et peu pratiques pour le commerce, ne sont plus utilisées que pour les voyages sur des longues distances (l’aristocrate gallo-romain Sidoine Apollinaire (430-489), évêque d’Auvergne et préfet de Rome, les emprunte notamment avec satisfaction pour voyager de Lyon à Rome en plein hiver). Elles restent entretenues jusqu’au V^e siècle, avec leurs relais de poste pour dormir ou changer de montures. Les anciens chemins gaulois (ou préromains en général) restent très actifs pour la circulation des hommes et des marchandises. Les anciens ponts romains en pierre, souvent détruit pendant les guerres et les invasions, sont reconstruits en bois.

Une production agricole globalement toujours en baisse

L’arrivée des colons germaniques

La déprise agricole qui se poursuit du III^e et du V^e siècle s’est traduite par l’abandon de nombreux domaines fonciers qui vont connaître un début de repeuplement dès la fin du III^e siècle, mais surtout au V^e siècle, avec l’arrivée de nombreux colons germaniques (environ un million de personnes), qui de pilleurs ou mercenaires se reconvertissent parfois en laboureurs et viennent vendre leur bétail sur les marchés des cités.

Les chefs de guerre germains, obtenant dans un premier temps des territoires par des concessions accordées par l’Empire, s’installent comme rois ou aristocrates et instaurent eux-mêmes des impôts sur la paysannerie locale. Il semble d’ailleurs que cette nouvelle domination ait été jugée par la population locale comme bien plus supportable que l’ancien fisc romain.

Beaucoup de latifundiums romains deviennent ainsi la propriété des nouveaux rois ostogoths, wisigoths, burgondes ou francs. Ils sont ensuite concédés, voire donnés, par les nouveaux monarques à leur « clientèle » (donc à leurs guerriers) ou, de plus en plus, à des monastères.

Ces colons et leurs troupes s’installent volontiers dans les anciennes villas abandonnées autour desquelles ils forment des villages de longues maisons en bois et en torchis. Ils reproduisent souvent l’habitat groupé usuel en Frise ou en Germanie, mieux adapté d’ailleurs aux nouvelles conditions climatiques que les constructions gallo-romaines. Ces petits exploitants agricoles se définissent comme des « hommes libres » mais ont généralement recours à quelques esclaves pour valoriser leurs terres. Libres, toutefois, ils ne le restent pas forcément.

Pérennité de l’esclavage

Installés sur des terroirs qu’ils connaissent mal (comme les soldats d’Odoacre en Italie), certains colons échouent à les valoriser et se retrouvent surendettés, incapables de payer leurs impôts ou sont eux-mêmes victimes de pillages. Lorsqu’ils ne revendent pas tout simplement leurs terres aux anciens aristocrates, ils vont s’y assujettir. Via des contrats de precaria (prière), ils se placent sous la dépendance de grands propriétaires, notamment de domaines ecclésiastiques, à qui ils versent des redevances en monnaie. Les « colonges » vont ainsi peu à peu se rattacher aux grands domaines fonciers.

Globalement, le nombre d’esclaves employés sur les domaines fonciers est en très net recul par rapport à l’apogée impériale, ce qui est corrélé avec la baisse de la production. Même sur des grands domaines de milliers d’hectares ne travaillent plus qu’une dizaine de colons et trois ou quatre familles d’esclaves. L’esclavage, qui est utilisé de façon systématique par les monarques et colons germaniques, est très encadré juridiquement. Le statut de l’esclave ne s’est pas formellement amélioré par rapport à l’Empire Romain mais on est loin de l’esclavage de masse qui s’y pratiquait.

Les esclaves sont alors principalement des prisonniers de guerre (Île de Bretagne, Germanie et conquêtes sur les peuples slaves), des repris de justice, mais peuvent également provenir de familles surendettées ou tombées dans la misère qui vendent leurs enfants ou se vendent elles-mêmes.

La loi franque du temps de Clovis (Pactus legis salicæ) fixait le prix d’un esclave masculin à 35 sous (prix d’un cheval ou d’une vache) et celui d’une femme esclave à 30 sous.

À cette époque, l’Église ne s’oppose pas à l’esclavage et plusieurs conciles de 506 à 633 interdisent même l’affranchissement d’esclaves travaillant sur les terres des abbayes¹⁰.
Malgré quelques exceptions comme le pape Grégoire le Grand, il faudra attendre l’arrivée des missionnaires irlandais pour enclencher un véritable mouvement d’affranchissements de masse vers le VII^e siècle. Sur cette période tardive, les familles d’esclaves possèdent souvent un petit lopin de terre et quelques animaux. Lorsqu’ils sont affranchis, ils restent souvent sur les terres du grand domaine où ils continuent à travailler et paient désormais une redevance au propriétaire.

Petit inventaire de la production agricole

Le modèle agricole est celui d’une polyculture sophistiquée et adaptée au terrain comme aux conditions climatiques.

Chaque maison rurale est entourée d’un « courtil » où sont produites des légumineuses (vesces, fèves, pois, lentilles) et des navets et où sont élevées des volailles et des porcs (que l’on conduit régulièrement en forêt, à la « glandée »). Les fruits restent cueillis à l’état sauvage.

Dans les grandes exploitations sont élevés également des bovins et des chevaux, qui sont emmenés l’été dans les pâturages (pascua). Les ovins et les caprins sont surtout présents en Europe méridionale et animent les chemins de transhumance en été.

Dans les plaines, les paysans cultivent des céréales (froment, orge, seigle, épeautre, avoine et millet) en rotation biennale (jachère d’un an). Elles constituent la base de l’alimentation, mais les colons germaniques les utilisent aussi pour fabriquer de la bière. Les sols sont simplement grattés avec des araires en bois, très bien adaptées aux sols méridionaux. La récolte s’effectue à la faux et la faucille (en fer et objet de grand soin). Les rendements sont mal connus, mais les agronomes romains les estimaient en moyenne à 4 grains récoltés pour 1 semé. Le grain est moulu à la meule à bras mais les premiers moulins à eau suscitent déjà l’émerveillement¹¹.

La vigne fait toujours l’objet d’investissements importants de la Méditerranée jusqu’aux bords du Rhin, notamment à l’initiative d’évêchés ou d’ermites vignerons, et alimente le commerce.

Le sel, indispensable à la conservation des produits carnés, continue d’être produit avec les méthodes en vigueur sous l’Empire Romain. Subsistaient également dans le nord (Irlande, Flandre) des méthodes préromaines consistant dans la combustion de sables gorgés de sel. Enfin, l’exploitation de mines de sel et d’autres minerais comme le fer et le plomb se poursuit et fait l’objet d’un commerce significatif.

Les échanges commerciaux se poursuivent malgré la chute de l’Empire

Différents moyens de transport selon les marchandises

Les marchandises ne sont transportées dans des chariots que sur des courtes distances. Pour les plus longues distances, elles sont directement portées par les animaux de bât, comme les ânes, les mulets et… les dromadaires (présents en Espagne, en Italie et en Gaule).

Une part importante des marchandises est transportée par voie d’eau, sur les mers et sur les fleuves. La navigation est notamment utilisée pour les matériaux lourds, comme le marbre ou le vin. Les villes fluviales ont souvent conservé leurs anciens aménagements portuaires, avec des quais de pierre.

Le commerce méditerranéen reste actif, avec des bateaux transportant de l’huile et du vin en provenance de Grèce et d’Asie Mineure, transportées jusqu’à Carthage, Rome et même jusqu’au monastère de Tintagel en Cornouailles et dans les palais royaux irlandais.

Différentes taxes sur le transport de marchandises

Le commerce international reste toutefois aussi lourdement taxé par les rois wisigoths et ostrogoths qu’il l’était par les empereurs romains. De leur côté, les établissements ecclésiastiques bénéficient souvent d’exonérations fiscales.

L’un des produits majeurs du trafic est le papyrus qui reste jusqu’au VII^e siècle le support principal de l’écriture. Mais Marseille et Fos voient également débarquer des huiles de Tunisie, des vins de Gaza, du poivre et de l’encens, des soieries chinoises et des tissus d’Égypte, des peaux d’Andalousie et des esclaves Maures.

Une fois débarquées, les marchandises étaient acheminées par voie terrestre ou fluviales, mais les marchands devaient acquitter de nouvelles taxes (dites tonlieu, du germain « toll ») à chaque étape du voyage, et notamment, en remontant la vallée du Rhône, à Arles, à Avignon, à Valence, à Vienne, à Lyon et à Chalon-sur-Saône.

Différentes monnaies sont utilisées pour les échanges commerciaux et les taxes

Les paiements commerciaux comme l’acquittement des taxes s’effectue le plus souvent en monnaie d’or, c’est-à-dire en monnaie frappée par les empereurs romains d’orient, … du moins en théorie.

Le V^e siècle marque en effet sur le continent la fin d’un système monétaire unifié. L’argent et le cuivre cessent notamment à cette époque d’être frappés en Gaule où le troc s’est généralisé pour les échanges courants.

En Occident, le sous d’or Byzantin est surnommé le « besant » (d’où l’expression « valoir son besant d’or »). Malgré l’exclusivité de la frappe de l’or que s’octroient les empereurs romains d’Orient (qui ont néanmoins des ateliers monétaires dans plusieurs villes de l’Empire), le solidus d’or fait l’objet d’imitations gauloises (solidi gallici) frappées à Arles, Sisteron ou Viviers, voire dans des ateliers officieux comme à Genève ou Valence, mais leur valeur est inférieure à celle du besant. Les Frisons vont à leur tour émettre des monnaies d’or imitant les pièces gauloises.

En Afrique (Tunisie actuelle), les Vandales sont les premiers à émettre des monnaies de cuivre et d’argent aux noms de leurs rois. Les Ostrogoths leur emboîtent le pas en Italie. Théodoric le Grand (490-526) se contente au départ de placer discrètement, en fin de légende, un monogramme à son nom. Il est rapidement imité par les rois francs Thierry (511-524) et Clotaire (511-561), puis par les Burgondes.

On note toutefois que les rois germaniques sont aussi attentifs au contrôle de leurs émissions monétaires que l’étaient les empereurs romains. La loi « Gombette » des Burgondes réglemente en 502 le monnayage et la circulation monétaire en imposant soit une décote soit le décri sur les monnaies de mauvaise qualité. Les Ostrogoths interdisent de leur côté la circulation des monnaies d’or gauloises en Italie.

L’Europe sous l’influence byzantine au VI^e siècle

Justinien, empereur romain d’Orient (règne 527– 565)

Le commerce méditerranéen reprend une vigueur importante au VI^e siècle avec les conquêtes de l’empereur romain d’Orient Justinien (sur l’Italie ostrogothique, l’Afrique vandale et l’Espagne wisigothe) qui semblent réunifier éphémèrement l’Empire Romain mais annoncent surtout le renouveau byzantin des siècles à venir.

Justinien reprend l’Italie aux Ostrogoths

La reconquête de l’Italie sur les Ostrogoths par Justinien a toutefois coûté très cher à la ville de Rome, qui est cette fois vraiment dévastée et dont la population est désormais réduite à seulement 30 000 habitants, quand Constantinople en compte 500 000. De nombreux aristocrates et sénateurs romains ont fui la région, notamment vers Constantinople.
Le vieux général arménien Narsès va en outre laisser la Ville Éternelle péricliter et tomber en ruine.

Seul Grégoire le Grand, pape issu d’une des plus nobles familles sénatoriales et lui-même préfet de Rome, se démènera pour assurer un minimum de salubrité publique, de justice et le soutien aux plus pauvres. Le pape utilise aussi la pierre des monuments en ruine pour faire redresser des remparts¹² et construire de nouvelles églises, tandis que des maisons en bois s’installent dans les espaces laissés à l’abandon. Peu à peu, la ville impériale se transforme en cité médiévale.

L’économie sicilienne est de son côté au contraire florissante, bénéficiant de l’unité commerciale retrouvée de la Méditerranée.

L’Empire d’Orient connaît la prospérité économique

Sous Justinien, l’économie byzantine atteint son apogée dans les premières décennies du VI^e siècle et l’Empire est alors la première puissance économique du monde méditerranéen. La prise de l’Afrique et de l’Italie conforte sa domination maritime et facilite les échanges commerciaux entre les provinces de l’Empire. Des relations marchandes prospèrent avec les voisins de l’Empire, à l’image du commerce avec les Francs et jusqu’en Cornouailles, où l’Empire échange son blé pour de l’étain.

En matière de politique économique, le principal défi de Justinien est d’assurer de bonnes relations avec l’Orient. Or, la rivalité persistante avec les Sassanides complique le commerce avec cet empire, et à travers lui, avec les mondes chinois et indiens, à l’origine de l’importation de biens de haute valeur comme la soie. Il tente de renforcer ses relations avec l’Abyssinie pour trouver une route alternative à la route de la soie traditionnelle qui passe par la Perse. Cette dépendance complète envers les marchands perses débouche sur une fluctuation de l’activité des manufactures de soie dès lors que les tensions s’aggravent entre les deux empires, tandis que les prix restent élevés, y compris après la « paix éternelle » de 532.
Pour tenter de mieux contrôler le commerce de la soie, l’État instaure un monopole sur sa production dans les années 540, ce qui entraîne le déclin des ateliers privés. Si les ressources fiscales s’en trouvent accrues, les prix ne baissent pas pour autant. Finalement, la solution vient de deux moines envoyés en Asie centrale, et qui parviennent à ramener dans l’Empire des œufs de ver à soie, permettant d’y implanter une production locale autour de Beyrouth, même si elle n’est pas suffisante pour que l’Empire se détache de toute influence des marchands perses.

Les royaumes francs s’affranchissent de plus en plus de la tutelle impériale

En Gaule, les artisans urbains sont encore majoritairement regroupés en collèges suivant les anciennes normes impériales romaines, mais se regroupaient aussi dans des quartiers spécifiques. Certains évêques importants comme Nicétius (saint Nizier, 513-566) à Trèves, en manque d’artisans qualifiés, pouvaient les faire venir d’Italie.

Les marchands de produits de luxe venaient également parfois de plus loin encore, comme Eusèbe, surnommé « le Syrien », devenu grâce à ses nombreuses donations évêque de Paris en 591, ou encore des Juifs ou des Grecs, portés par le nouveau dynamisme économique de Byzance à partir du VI^e siècle.

En reprenant l’Afrique, l’Italie et l’Espagne, l’empereur Justinien tente à nouveau d’imposer l’exclusivité monétaire impériale, mais cette remise en ordre sera de courte durée.
Procope décrit l’indignation et la colère des Byzantins lorsqu’ils virent des solidi d’or frappés au nom du roi franc Théodebert vers 538. Les Francs vont jusqu’à créer leurs propres ateliers monétaires à Reims, Lyon, Metz ou encore Mayence.

En 580, la différenciation des monnaies entre les différents royaumes mérovingiens est consommée. On voit même apparaître en Gaule des monnaies ne faisant plus référence qu’au responsable de l’émission, qui peut être un évêque par exemple. Seule la Provence, plus proche de Byzance, semble être restée fidèle à la monnaie impériale.

Épilogue

Au moment où se déclenche la « peste de Justinien » (une pandémie de grande ampleur arrivée par l’Égypte en 541), l’Aigle romain est mort et l’expansion germanique est elle-aussi terminée. Quant au nouvel Empire Byzantin en plein essor, il va se retrouver très fragilisé par le cataclysme bactériologique (la peste bubonique et la variole) ainsi que par une grave crise frumentaire liée à des années froides survenues à la même période. La plupart des ports de la Méditerranée sont complètement dévastés et même des villes de l’arrière-pays se vident de leurs habitants.

Pour ne rien arranger, l’Empire byzantin est frappé par d’importants séismes et la ville d’Antioche en Syrie est plusieurs fois détruite, puis reconstruite. La coupole de la basilique de Sainte-Sophie s’effondre partiellement. S’ajoute encore à cela des inondations et des sécheresses à répétition. Il en résulte un manque de main-d’œuvre qui vient fortement freiner l’activité économique.

En contraste, le Nord de la Gaule, la Germanie et la Scandinavie, mais également les Îles Britanniques, demeurent relativement épargnées par la peste. Ainsi, le nord-ouest de l’Europe commence à réduire l’écart de développement qui le distinguait jusque-là du Bassin méditerranéen et s’avance lentement vers son grand essor du milieu du Moyen-Âge.

 

 

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Bibliographie :
L’économie médiévale, Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq et Jean-Luc Sarrazin, Armand Colin, 1997.
L’Histoire vivante des moines, Michel Mourre, Centurion, 1965.
Le royaume wisigoth d’Occitanie, Joël Schmidt, Perrin, coll. « Tempus », 2008, 195 p.
« Bagaudes, les insurgés de la Gaule romaine », Guerre & Histoire, n°18, avril 2014, p. 74.
Les Derniers Jours, la fin de l’Empire romain d’Occident, Michel De Jæghere, Les Belles Lettres, 2014.
« 301 après J.-C. Contre l’inflation, Rome plafonne les prix », Tristan Gaston-Breton (historien d’entreprises), Les Échos, 25 juil. 2022.

 

Remerciements :
Merci à Etogal pour l’introduction et la relecture.

1. Frontières.↩
2. La chute de la dynastie Han en 220 a engendré un fort reboisement du territoire chinois qui a pu contribuer au refroidissement général du climat.↩
3. Sur le plan administratif, Dioclétien multiplie les provinces (on passe ainsi d’une quarantaine de provinces en 284 à une centaine en 305) pour rapprocher le gouverneur des cités, renforcer le contrôle sur ces dernières et affaiblir politiquement les gouverneurs. Il compense cela par une nouvelle circonscription administrative, le « diocèse », qui est un regroupement de provinces, à la tête desquels il place un vicaire.↩
4. Le trimétallisme reste en vigueur mais l’aureus est remplacé, à partir du IV^e siècle, par le solidus d’or de Constantin (qui ajoute un symbole chrétien au verso de la pièce). Un solidus est un « sou » composé de 4,53 grammes d’or fin. Il s’accompagne de monnaies divisionnaires qui sont le « demi-sous » (semissis) et surtout le « tiers de sou » (tremissis) très utilisé. La pièce d’argent pèse 2,2 g et la pièce de cuivre représentant une victoire pesait 1,2 g.↩
5. Pour réalimenter son stock d’or de façon régulière et assurer ses, Constantin (272-337) dut créer de nouveaux impôts, payables pour la plupart en or :
   – le chrysargyre (en grec, or et argent), levé tous les quatre ans sur les commerçants et les artisans.
   – l’or coronaire (aurum coronarium), dû par les décurions des cités.
   – l’or oblatice (aurum oblaticium, or offert), contribution imposée aux sénateurs.↩
6. Les récits hagiographiques sont témoins de liaisons maritimes abondantes et sûres à cette époque entre les différents ports de la Méditerranée. À l’époque de saint Jérôme et de saint Augustin, des débats théologiques intenses peuvent ainsi animer les relations entre Rome, Hippone et Alexandrie.↩
7. La bataille des champs catalauniques a vu principalement s’affronter dans les deux camps des mercenaires germains, sachant que l’armée romaine employait également des mercenaires Huns dans ses campagnes et que la garde personnelle d’Ætius était composée de soldats huns.↩
8. Charles Turquin.↩
9. La cité était le centre de l’Empire d’Occident jusqu’à la déposition de Romulus Augustule, dernier empereur, en 476. Elle devint alors la capitale du royaume d’Italie d’Odoacre, puis à partir de 493 celle du royaume des Ostrogoths, sous Théodoric le Grand, qui englobait l’Italie, la Rhétie, la Dalmatie et la Sicile.↩
10. Sur les rapports de l’Église avec l’esclavage en ce temps, voir la « Critique du Testament court de saint Rémi, par Michel Rouche », (Clovis, Fayard, Paris, 1996, p. 498-511.)↩
11. La plus ancienne machine à eau connue utilisant un système de bielles et manivelles est représentée sur un bas-relief du III^e siècle apr. J.-C. à Hiérapolis en Asie Mineure. Au V^e siècle, ils se développent aussi bien en Chine qu’en Occident.↩
12. Contre les invasions lombardes.↩