Louis de Bourbon, successeur des rois de France désigné par les Lois fondamentales du Royaume, se marie avec Marguerite de Vargas le 5 novembre 2004. La famille royale s’agrandit d’abord avec une fille aînée : la princesse Eugénie. Puis, le 28 mai 2010, naissent les premiers fils : les jumeaux Louis duc de Bourgogne et Alphonse duc de Berry. Enfin, le 1er février 2019, Henri de Jésus — titré duc de Touraine — vient compléter la famille. Dans cet article, le baron Hervé Pinoteau — de l’Académie Internationale d’Héraldique — revient sur les armoiries des fils de France Louis et Alphonse. [La Rédaction]
Table des matières
Introduction de Vive le Roy
Le texte qui suit est un article du baron Hervé Pinoteau paru sous le titre « Les armoiries des fils de Mgr le duc d’Anjou et l’œuvre de Marco Foppoli », tiré de la revue des éditions Hidalguía, AÑO LVIII 2011, N° 346-347, p.519-525.
AVERTISSEMENT : Les titres ont été ajoutés par VLR pour faciliter la lecture en ligne.
Plusieurs représentants de la famille des rois de France
Rappelons tout d’abord qu’il existe encore des représentants de la famille des rois de France dont deux membres sont sur un trône, S.M. le roi d’Espagne et S.A.R. le grand-duc de Luxembourg, tous deux Bourbons.
D’autres membres représentent les royautés de France et des Deux-Siciles avec Jérusalem, les duchés de Parme et Plaisance, et chez la branche cadette, celle des Orléans, on y trouve un prétendant au trône de France et un autre prince, Orléans Bragance, prétendant au trône impérial du Brésil.
Louis Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou et aîné de la Maison de France…
Mais l’aîné de tous ces dynastes, dans l’ordre de la primogéniture des mâles catholiques issus par unions catholiques d’Hugues Capet, de saint Louis IX et pratiquement de Louis XIII, est le chef de la Maison de France qu’on nomme aussi Maison de Bourbon depuis Henri IV1.
Ce prince, espagnol et français à la fois, est donc S.A.R. Louis Alphonse de Bourbon, né en 1974, qui porte en France comme ses père et grand-père le titre de duc d’Anjou, déjà porté avant eux par des Bourbons de la branche aînée dite carliste (1883-1936)2.
… Titres confirmés par les tribunaux
Les Orléans attaquent en justice Alphonse II, père de Louis XX, pour contester ses titres
Son père Alphonse, duc d’Anjou et de Cadix, fut attaqué en justice par un Orléans (se titrant actuellement comte de Paris), un Bourbon des Deux-Siciles, qui se titre à tort chef de cette famille, et un Bourbon-Parme, pour qu’il lui soit interdit de prendre le titre de duc d’Anjou et les pleines armes de France.
Le rendu du Tribunal de grande instance de Paris
L’affaire fut jugée par la première chambre du Tribunal de grande instance de Paris qui déclara qu’il n’avait pas à s’occuper du titre de prétention de duc d’Anjou, le dernier titulaire officiel, ayant le duché en question étant Louis-Stanislas-Xavier de France, comte de Provence (futur Louis XVIII), mais que les pleines armes de France, celles de nos anciens Rois, étaient de droit à l’aîné selon les lois de l’héraldique.
C’était l’essentiel, les armes étant le nom muet.
Le T.G.I. ajoutait que les cadets Orléans devaient briser d’un lambel (21 décembre 1988).
Jugement confirmé par la Cour d’appel de Paris
Le prince Alphonse mourut d’un accident de ski le 30 janvier 1989, et l’Orléans attaqua l’orphelin en appel.
La première chambre de la Cour d’appel de Paris (ce qu’il y a de plus important en France) ratifia par un arrêt identique le 22 novembre 1989, et condamna les princes cadets3.
Louis XX et les fils de France
Louis XX, un prince français
Le prince Louis, chef de Maison (le Louis XX des légitimistes), a sur ses papiers d’identité français
– la qualité d’Altesse Royale et
– le titre de duc d’Anjou.
Marié en 2004 avec une Vénézuélienne, Marie Marguerite Vargas, le Prince eut d’abord une fille, S.A.R. la princesse Eugénie, puis deux jumeaux en 2010.
Lors de la naissance à New-York de ces jumeaux, il fut immédiatement question de leurs titres qui furent décidés sur le champ, et par voie téléphonique.
Les titres et armes du fils aîné de France
Duc de Bourgogne pour l’aîné était normal étant donné qu’il était difficile de titrer Dauphin de France ce jeune prince, son père n’étant pas Roi sur le trône. Louis XIV titra d’ailleurs duc de Bourgogne le fils du Grand Dauphin, marquant ainsi que notre province était bien française alors que le duché figura longtemps dans les grands titres du roi d’Espagne4 et du chef de la Maison d’Autriche5.
Si le père portait les pleines armes de France, son aîné devait porter les armes delphinales qui sont un écartelé
– aux 1 et 4 de France (sans brisure, car le Dauphin est en quelque sorte la prolongation du roi)6, et
– aux 2 et 3 du Dauphiné de Viennois au nom de traités signés en 1343 et 1344 entre les rois Philippe VI de Valois et Jean II le Bon d’une part, et Humbert II, dernier Dauphin de la maison de la Tour du Pin, d’autre part.
Les titres et armes du puîné de France
Plus difficile était à trouver un bon titre pour le cadet.
– Duc de Normandie rappelait par trop le futur Louis XVII.
– Duc de Bourbon était le titre d’une branche cadette (le dernier duc sous la monarchie fut aussi prince de Condé, et il périt assassiné en 1830).
– Duc de Bretagne fut titre du fils aîné du duc de Bourgogne, le titre comme le duché devant toujours rester dans la lignée aînée.
– Duc d’Angoulême aurait donné à son épouse un titre rappelant la malheureuse fille de Louis XVI, etc.
– Duc de Berry fut donc décidé, non pas en mémoire de Jean de France mort en 1416, fastueux prince Valois, qui portait la bordure de gueules engrelée (qui fut donnée plus tard à Charles de France, duc de Berry, petit-fils du Roi-Soleil), mais bien en mémoire de Charles-Ferdinand, d’Artois, père d’Henri V, assassiné en 1820.
La brisure était toute trouvée, car c’était la bordure crénelée du comte d’Artois, futur Charles X, et de ses fils Angoulême et Berry. On donnait ainsi la main à une branche malheureuse qui s’éteignit avec Henri V, comte de Chambord en 1883.
Chose curieuse, les comtes de Provence et d’Artois, frères de Louis XVI, portaient une bordure elle-même brisée, respectant ainsi la bordure de gueules simple de Philippe V et de ses descendants ! C’est dire combien restait en mémoire, sur le plan symbolique, le souvenir de cadets partis à l’étranger pour la gloire du sang de France et de la Maison royale.
La réalisation des armoiries est confiée à Marco Foppoli
Par un heureuse coïncidence un excellent peintre résidant à Brescia (Italie) fut contacté par un ami étranger, et cet artiste, Marco Foppoli, mon confrère de l’Académie internationale d’héraldique, est très connu par ses œuvres, plusieurs d’entre elles imprimées dans des calendriers historiques.
– Il imagina les écus timbrés des couronnes correspondantes (celle du Dauphin étant fermée depuis Louis XIV7) et tenus par des anges ornés de tabards aux armes, tout en brandissant des bannières ornées de même.
– Il ajouta les colliers des Ordres du Roi, Saint-Michel le plus près de l’écu comme le plus ancien, et le Saint-Esprit.
Depuis Henri IV (1607) les fils de France sont décorés du cordon bleu du Saint-Esprit dès leur ondoiement (cordon apporté au bébé par le grand trésorier de l’ordre et déposé dans le berceau8). Ce cordon était le signe quotidien de leur dignité princière9 ; en héraldique ces princes avaient le droit de mettre les colliers autour de l’écu, mais ils n’étaient reçus dans les Ordres qu’après leur première communion, avec l’adoubement par l’épée pour Saint-Michel, suivi pour le Saint-Esprit du serment, puis de la prise d’habit et du collier des mains du Roi.
Marco Foppoli m’envoya ses projets, on discuta des détails, le tout par internet et il produisit de belles planches en couleurs qui furent envoyées au Prince. Bien entendu, tout un chacun a le droit de dessiner les armes des jeunes ducs et on verra plus tard comment seront éventuellement gravés des cachets, des chevalières, des ex-libris, des fers de reliures, et même peints des fanions.
Il nous reste à complimenter l’artiste et à se réjouir d’une tradition qui continue.
- La famille du roi de France fut nommé Maison de France sur la fin du XIIIe siècle par Rome et Paris, en imitant les termes bibliques de Maison de David, de Salomon, etc. semblant normaux pour une nation considérée par le pape comme la tribu de Juda du nouvel Israël qu’est l’Église catholique (bulles Dei Filius cujus de Grégoire IX en 1239, et Rex glorie virtutum de Clément VIII en 1311). À la fin du XVIe siècle, dans le contexte des guerres de religions, on opposa Maison de Valois (celle des fils d’Henri II) et Maison de Bourbon (du roi de Navarre, futur Henri IV, et des Condé). En 1662 lors du traité de Montmartre entre Louis XIII et le duc de Lorraine Charles IV abandonnant son duché au Roi pour avoir avec les siens un établissement en France, il fut décidé qu’en cas d’extinction de la Maison de Bourbon les Lorrains succéderaient à la Couronne de France ! Texte contraire aux lois fondamentales et enregistré par le parlement de Paris, mais qui tomba dans l’oubli. Maison de Bourbon avait été employé pour évacuer les Courtenay issus de Louis VI le Gros et non de saint Louis IX (ce qui paraissait indispensable), et qui s’éteignirent en 1733. Louis XIV ajouta ses fils illégitimes (Maine et Toulouse) dans les successibles en cas d’extinction de la Maison de Bourbon, ce qui fut aussi enregistré. Mais en 1717 l’édit de Louis XV sur la succession à la Couronne balaya les actes de son arrière-grand-père, précisant qu’en cas d’extinction de la Maison de Bourbon ou de la Maison de France (deux termes employés) le dernier Roi ne pourrait pas désigner de successeur, la nation reprenant ses droits. Jusqu’à Henri V compris les Rois utilisèrent les deux termes selon les circonstances. L’Almanach royal de 1814 à 1830 regroupait les dynastes de France, d’Espagne et des Deux-Siciles sous le terme de « Maison de Bourbon ». Cf. H. Pinoteau, Vingt-cinq ans d’études dynastiques, Paris, 1982, ch. XII ; État présent de la Maison de Bourbon, 4e éd., Paris, 1991.↩
- Parti pour l’exil en 1830, Charles X mourut en 1836, laissant un fils (ex-duc d’Angoulême, ex-Dauphin) qui fut Louis XIX, comte de Marnes, mort en 1844. Ce dernier fut succédé par son neveu Henri d’Artois, duc de Bordeaux devenu Henri V comte de Chambord (il était fils du duc de Berry assassiné en 1820). Mort sans enfant, Henri V fut succédé par la branche aînée des Bourbons d’Espagne chassés de leur pays et du trône de Madrid par changement de la loi de succession faite par Ferdinand VII. Possesseurs du château d’Henri V à Frohsdorf (Autriche), ces princes très espagnols firent connaître leur position française contre les prétentions des Orléans et s’éteignirent en 1936, l’aînesse passant alors à Alphonse XIII exilé d’Espagne depuis 1931. L’actuel duc d’Anjou est l’arrière-petit-fils de ce Roi. Tous les cours d’histoire des institutions françaises et d’histoire du droit enseignent en France la non-validité des renonciations à la Couronne, nul n’ayant le droit de changer l’ordre de succession.↩
- Ces décisions de justice au plus haut niveau furent plusieurs fois publiées et même à l’étranger.↩
- Ferdinand VII fut le dernier à porter le grand titre, mais dans ses lettres patentes qui étaient en français pour donner la Toison d’or, Alphonse XIII roi constitutionnel d’Espagne, déclarait qu’il le faisait « comme duc de Bourgogne », même en décorant un président de la République française. L’actuel souverain émet un simple décret en espagnol avec le seul titre habituel de roi d’Espagne et sans grâce de Dieu.↩
- Jusqu’en 1918 l’empereur émettait des lettres patentes en français sans le titre bourguignon, mais avec un sceau pendant aux armes de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, fondateur de la Toison d’or. Le titre et les armes de Bourgogne (ancien) furent abandonnés lors de la prise du titre d’empereur héréditaire d’Autriche en 1804.↩
- Ceci au nom de la théorie exprimée par Jean de Terrevermeille (parfois dit de Terre rouge) en son Traité de 1419 qui est fondamental pour comprendre la loi successorale française (Jean Barbey, La Fonction royale. Essence et légitimité d’après les Tractatus de Jean de Terrevermeille, Paris, 1983, préface de Marguerite Boulet-Sautel, professeur de droit). C’est ainsi que le fils aîné du Dauphin (duc de Bourgogne sous Louis XIV et Louis XV) portait les seules armes de France sans brisure, et sans aucun souvenir du duché de Bourgogne. Il arborait alors la couronne ouverte des princes de la Maison.↩
- Le Roi-Soleil s’estimait l’égal de l’empereur élu des Romains, roi de Germanie, dont le fils était assez régulièrement élu roi des Romains, avec couronne fermée. Le Dauphin se devait donc d’avoir lui aussi une telle couronne qui le fut avec des dauphins, chose copiée par le duc de Lorraine et de Bar qui ferma la sienne avec des bars.↩
- Napoléon Ier et Napoléon III déposèrent ainsi le cordon de la Légion d’honneur dans les berceaux du roi de Rome et du Prince impérial, le premier y ajoutant le cordon de la Couronne de fer d’Italie.↩
- Le jeune Louis XIV n’étant pas sage fut menacé de se voir ôter son cordon bleu, et il dit: « Mais alors je ne serais plus roi ? ». Saint-Simon ironisa sur certains princes qui n’avaient guère d’allure mais qui avaient heureusement un cordon bleu pour souligner leur importance. Le Saint-Esprit fut certes ordre de qualité princière, mais aussi ordre de mérite. Il fut très rarement conféré par les chefs de la Maison de Bourbon après 1830, soulignant la fidélité de quelques parents, amis ou serviteurs.↩