L'opinion du Comte de Chambord sur sa succession

L’opinion du Comte de Chambord sur sa succession Un argument subjectif de l'orléanisme qui tombe à l'eau

Selon le droit royal français, la Couronne n’est pas un bien personnel du roi, mais un bien public régi par la Loi d’indisponibilité. Cette règle interdit au souverain de choisir qui doit lui succéder, et c’est la Loi de primogéniture mâle qui désigne l’aîné de la branche aînée comme successeur. Très éloignée de la branche aînée d’Anjou dans l’ordre dynastique, la branche cadette d’Orléans a tenté de justifier ses prétentions avec l’argument subjectif de l’opinion du Comte de Chambord sur sa succession. Or, outre le fait que  l’opinion  d’un monarque sur ce sujet ne présente aucune valeur juridique, le Comte n’a jamais désigné les Orléans pour lui succéder. Bien au contraire, tout en pardonnant leurs nombreuses trahisons, il a fermement exigé qu’ils reprennent leur rang de branche cadette, conformément aux principes monarchiques. Cette hiérarchie fut d’ailleurs clairement visible lors des funérailles du Comte, où l’ordre protocolaire des princes reflétait fidèlement la réalité dynastique.  [La Rédaction]

Introduction de Vive le Roy

Les textes de cet article ont été rédigés par trois érudits :
– Guy Augé (maître de conférences en histoire du droit à l’Université de Paris II), Succession de France et règle de nationalité – Le droit royal français contre l’orléanisme, Éditions La Légitimité DUC, Paris, 1979, p. 77-81.
– Baron Hervé Pinoteau, Monarchie et avenir, Nouvelles éditions latines, Paris, 1960, p. 120-128.
Paul Watrin (docteur en droit), La tradition monarchique d’après l’ancien droit public français, Arthur Savaète éditeur, Paris, 1916, p. 203-212.

 AVERTISSEMENT : Tous les titres et sous-titres ont été ajoutés par la Rédaction pour faciliter la lecture en ligne.


Guy Augé et l’opinion du Comte de Chambord sur sa succession

Ces partisans de la « fusion » entre orléanistes et légitimistes qui oublient les Lois fondamentales de succession au profit de la branche cadette des Orléans

Les fusionnistes font évidemment grand usage de l’opinion supposée du Comte de Chambord. Et, au besoin, ils la sollicitent 1.

En soi, cette opinion peut constituer une indication intéressante, un argument affectif et sentimental ; rien de plus cependant, car ni le roi en exil, ni même Louis XIV au faîte de sa gloire, ne pouvaient créer ni altérer un droit dont il leur appartenait seulement de reconnaître qu’ils tiraient leurs prérogatives. D’ailleurs le Comte de Chambord aimait à dire « qu’il ne prétendait pas à l’infaillibilité du Pape ». Et de surcroît il professa toujours, sur le sujet de sa succession, une attitude de principe très nette : il estimait qu’il existait une loi de dévolution, et qu’on devrait se borner à l’appliquer après sa mort.

Le marquis de Dreux-Brézé exprime parfaitement le sentiment de son Prince quand il écrit que…

… représentant du droit monarchique, plaçant toute sa force en lui, appuyant sur lui son action, M. le Comte de Chambord n’avait pas à régler son héritage royal. Il a entendu le laisser après lui intact. De là son silence sur ce sujet spécial2.

Comment le marquis de Dreux-Brézé, lequel fut du nombre des vieux légitimistes qui se rallièrent aux Orléans, a-t-il pu interpréter ce silence comme favorable au Comte de Paris ? On ne sait trop et le point est assez secondaire. Le silence scrupuleusement observé par Henri V ne paraît pas, pour un esprit non prévenu, devoir spécialement bénéficier au chef de la branche d’Orléans, qu’il eût été, au contraire, bien facile et pratique de « reconnaître3 » au moment où la majorité orléaniste de l’Assemblée nationale hésitait tellement à franchir le pas décisif de la restauration ! Ce silence était plutôt de nature à encourager dans leurs arguments ceux qui rappelaient la règle de primogéniture et l’éloignement de la branche d’Orléans dans l’arbre généalogique des Bourbons.

L’orléaniste Marie de Roux trafique une citation du Comte de Chambord tirée du journal La Liberté

Le seul texte authentique, le seul texte véritable du Comte de Chambord sur lequel s’appuient les fusionnistes en la matière est le passage d’une déclaration au journal La Liberté du 1er mars 1872, reproduit par l’historien Marie de Roux. Si l’on se réfère à l’ouvrage de celui-ci, on voit le Prince répondre, à la question de savoir s’il avait l’intention d’adopter son neveu Robert de Parme, en ces termes :

Oui donc peut inventer de pareilles fables ? Mon héritier, vous le connaissez, je n’ai pas le choix, c’est celui que la Providence m’impose puisqu’elle a décrété que la branche aînée des Bourbons devait s’éteindre en moi… Les princes d’Orléans sont mes fils4.

Lorsque parut le livre de Marie de Roux, Maurras commenta ce passage dans L’Action française :

Parole décisive, estima-t-il, qui anéantit jusqu’à la possibilité d’une controverse.

Et, depuis, les partisans des Orléans l’ont souvent utilisé.

En vérité, Marie de Roux avait faussé, en la tronquant, la citation qu’il faisait, dont la portée, quand on lui restitue son contexte, n’est plus du tout aussi lapidaire. Voici donc le passage tel qu’il se trouve dans La Liberté :

La Liberté, 4 mars 1872, « Lettres de Braga » (Entretien avec le Comte de Chambord du 1er mars 1872, p. 1-2.)

— Monseigneur, demandais-je alors [c’est le journaliste qui parle], est-il vrai que vous ayez songé à adopter le Duc Robert de Parme et à le reconnaître pour votre héritier ? 5.
À ces paroles, Henri de Bourbon se mit à sourire et me répondit :
— Qui donc peut inventer de pareilles fables ? Est-ce que ma vie tout entière n’est pas là pour le démentir ? Moi qui suis fanatique des principes, comment songerais-je à violer la vieille loi salique ? Mais il n’y aurait alors aucune raison pour que je n’adoptasse pas le premier gentilhomme venu ! Mon héritier, vous le connaissez, je n’ai pas le choix. C’est celui que la Providence m’impose puisqu’elle a décidé que la branche aînée des Bourbons devait s’éteindre avec moi.

Je parlai de la fusion.
— La fusion, reprit le Prince, est-ce qu’elle n’existe pas ? Les Princes d’Orléans sont mes fils. Je ne me suis jamais souvenu ni de Philippe Égalité, ni de Louis-Philippe Ier, ni de la citadelle de Blaye. Et le malheur commun ne nous a-t-il pas tous rapprochés ? 1848 n’a-t-il pas effacé 1830 ?
— Vous pouvez répéter et écrire tout ce que je vous dis là, ajouta le Comte de Chambord, en me tendant la main, à la condition, toutefois, que vous ne ferez pas comme ce rédacteur du Times que j’ai vu à Anvers, et qui m’a fait dire un tas de choses que je n’ai jamais dites6.

Il est à peine besoin de souligner les différences entre le texte rapporté par le journaliste (plus ou moins exactement) et l’interprétation forgée par Marie de Roux grâce à son art des points de suspension. On glissera bien vite, d’ailleurs, dans les brochures de propagande, à une version expurgée des points de suspension ! Maurras lui-même les oubliait dans sa citation telle qu’elle est reproduite au Dictionnaire politique et critique7.

Dans la partie que Marie de Roux omet de reproduire, le Comte de Chambord se présente comme « fanatique des principes », affirme qu’il ne violera jamais la vieille loi salique et que son héritier est celui que la Providence lui impose. Rien de plus. Puis, cela dit, le Comte de Chambord, changeant de sujet mentalement et grammaticalement, passe au problème de la fusion et de ses sentiments à l’endroit des princes d’Orléans : il explique, avec peut-être un rien d’opportunisme car il lui faut se concilier la majorité de l’Assemblée nationale déjà largement orléaniste, qu’il n’a pas d’hostilité contre la fusion, qu’il a tout pardonné aux princes d’Orléans et qu’il les tient pour des fils, non seulement Nemours et Joinville, les plus conciliants de la famille, mais aussi Aumale qui le déteste, mais aussi Paris qui représente l’héritage de la monarchie de Juillet. Le Comte de Chambord n’indique aucunement qu’il désigne, ce faisant, le Comte de Paris pour son héritier.

 

La façon dont les proches du Comte de Chambord comprirent la citation du journal La Liberté

En fin de compte, la « trouvaille » de Marie de Roux, pour reprendre un autre mot de Maurras à son sujet, n’en était véritablement une que dans une forgerie trop habile. Car il ne s’agissait même pas d’une redécouverte : la déclaration du Comte de Chambord à La Liberté était connue, et interprétée par d’autres en un sens favorable aux Bourbons-Anjou.

Nous avons à cet égard un témoignage de poids en l’espèce de celui de Mgr Amédée Curé, qui fut aumônier du Prince à Frohsdorf, et camérier d’honneur des papes Léon XIII et Pie X. Quelques jours après la déclaration d’Henri V à La Liberté, le comte Léonor de Cibeins adressa une lettre à l’abbé Curé dans laquelle il analysait ce texte :

Le Roi ne se prononçait pas sur la pensée de l’héritier, écrivait-il le 19 mars 1872, et j’avais compris, pour mon compte, que sans un Dauphin envoyé de Dieu, cet héritier était le prince qui serait déclaré Duc d’Anjou, c’est-à-dire Don Carlos ou Don Alphonse, selon l’option de l’aîné entre les deux Couronnes.

L’abbé Curé fit lire ce commentaire au Comte de Chambord qui l’apprécia sans réserves :

Elle est parfaite, cette lettre, je la signerais d’un bout à l’autre8.

On pourrait mentionner d’autres témoignages convergeant avec celui de Mgr Curé, sur cette question de l’opinion du Comte de Chambord quant à sa succession : entre autres, ceux du P. Bole, également aumônier de Froshdorf9,
de Huet du Pavillon, l’exécuteur testamentaire d’Henri V, etc. 10.

Il convient d’ailleurs, pour faire le tour du sujet, d’aller au-delà des mots parfois contradictoires prêtés à Henri V. Il existe des faits significatifs qui ne laissent guère de doute sur les convictions intimes de Prince : les conditions qu’il mit à l’entrevue du 5 août 1873 ; son testament (Henri V léguait à Don Jaime, petit-fils de son successeur légitime, les archives royales et les croix des Ordres.) réglant le déroulement de ses obsèques : obsèques privées, sans portée politique, nous dira-t-on ? Mais alors. Pourquoi le Comte de Paris les redouta-t-il si fort, au point de ne pas vouloir y assister à Goritz ? L’ordre observé fut-il purement familial ? Pas tout à fait : car un ordre purement familial aurait donné le pas aux Parme, plus proches parents par les femmes, sur les Bourbons d’Espagne : or ce furent eux, les « aînés saliques », qui présidèrent.

Le Baron Hervé Pinoteau et l’opinion du Comte de Chambord sur sa succession

L’opinion d’un roi dans l’incapacité juridique de désigner son successeur

Quant à l’opinion d’Henri V on la connaît d’irréfutable façon. Il est utile de la connaître, car il s’agit là d’une source autorisée, mais nulle sur le plan du droit. Le roi le disait souvent : sa succession était déterminée par la loi. Il ne pouvait la modifier.

Cette opinion ne se trouve expressément affirmée dans aucun document officiel, message aux Français, testament, etc… Elle ne se trouve pas non plus dans la « fusion » que les orléanistes tâchent inlassablement de faire passer pour une reconnaissance des droits de successeur du comte de Paris11.

Tous les documents du roi soulignent son grand désir de voir la fusion effective. La visite du comte de Paris à Frohsdorf, le 5.8.1873, soulignait qu’il n’y avait plus en théorie, de différend entre les Orléans et le roi. Visite qui, ainsi qu’il était bien précisé par le comte de Chambord dans diverses notes bien connues, faisait que les Orléans reprenaient leur rang (le dernier dans l’ordre de primogéniture) dans la maison de France.

Comme Henri V était incapable de choisir ses successeurs, cela voulait surtout dire que les princes d’Orléans reprenaient moralement leur place dans une maison divisée par leurs intrigues… ce qui est peu dire.

On notera que le terme de fusion, assez équivoque, a aussi entraîné dans certains esprits, malgré les précisions données par le roi, la pensée que le roi légitime pourrait composer avec les principes de 1789. Les orléanistes, libéraux conscients ou inconscients, en arrivent même à prétendre que le comte de Chambord affirmait la possibilité pour le roi et son héritier d’avoir chacun leurs opinions, leurs idées politiques, etc… Or, ici encore, il ne s’agit pas d’opinion, mais bien de doctrine. On verra plus loin Blanc de Saint-Bonnet s’élever contre une telle conception de la fusion.

Diverses sources où Henri V exprime sa pensée sur la succession

La pensée d’Henri V relativement à ce délicat problème de la succession est connue par diverses sources :

1. Des actes publics dont l’esprit indique que le roi était acquis à l’antique mode de succession en France : ordre des obsèques (cf. supra lorsque nous avons parlé du roi Jean III), transmission de Frohsdorf… bien qu’il ne soit fait nulle part affirmation de principes successoraux.

2. De certaines conversations particulières avec de très rares personnes, qui, chose curieuse, ne faisaient généralement point partie des gens de la haute aristocratie séjournant à Frohsdorf. Il s’agissait là, surtout, des personnes mangeant d’habitude à la seconde table : le confesseur, l’aumônier, les secrétaires… Personnes souvent écrasées, après la mort d’Henri V, par le mépris des aristocrates de la première table, mangeant toujours avec le roi : service d’honneur et amis personnels qui n’influençaient en rien la politique royale.

3. De conversations tout aussi privées, venant cette fois de membres du service d’honneur, par exemple, mais déjà acquis à la règle successorale appelant les Bourbons d’Espagne à la couronne de France.

4. De ces sources ainsi que de leurs propres écrits, on peut se faire une idée de ce que pensaient quelques théoriciens du droit royal et autres personnalités importantes qui vivaient en France. Ces personnes très distinguées (Blanc de SaintBonnet, Mgr Pie, Coquille, Maumigny, etc…), étaient les conseillers du prince et on s’aperçoit qu’ils étaient pour l’application de la loi salique selon son mode ancien.

Mais tout d’abord il nous faut invoquer le témoignage de la reine qui, veuve, tint à faire respecter les décisions de son époux. Marie-Thérèse, archiduchesse d’Autriche-Este, princesse de Modène et comtesse de Chambord était une très sainte femme, aimant passionnément son mari et la France12 quoi qu’en aient dit les orléanistes qui la roulèrent dans la boue et la stigmatisèrent du nom d’Étrangère comme Marie-Antoinette. On sait qu’à l’égal de son époux, elle n’aimait pas les Orléans (il y a des témoignages très précis à ce sujet sur le couple royal) et qu’elle ne voulut pas que le cercueil du roi servit de pont à ceux-ci. C’est elle qui paya les frais d’impression du livre de Th. Deryssel13 qui reparaîtra plus tard sous le vrai nom de l’auteur, Gustave Théry, bâtonnier à Lille et légitimiste bien connu dans le monde de la justice et de la monarchie.

On connaît aussi de source irréfutable les boutades d’un Henri V exaspéré contre ses cousins :

Plutôt la République que les d’Orléans ! … Je ne veux pas que mon corps serve de marchepied aux d’Orléans !

Des témoignages qui éclairent l’attitude du Comte de Chambord

On citera les témoignages suivants qui montreront bien pourquoi Henri V agit de la manière que nous connaissons.

Le témoignage de R.P. Bole S.J., Aumônier du Roi
Le R.P. Bole S.J., aumônier du roi et par la suite bête noire des orléanistes, déclara :

Je suis aujourd’hui pleinement convaincu des droits des Bourbons d’Espagne, et je dois cette croyance au roi, qui a heureusement combattu mes erreurs et éclairé ma foi14.

Il avait commencé par enseigner au comte de Bardi, frère cadet du duc de Parme, que les renonciations étaient valables et le roi l’ayant repris, l’avait envoyé étudier la chose et il en était revenu après quelque temps avec une toute autre opinion15.

Le témoignage de Mgr Amédée Curé, Aumônier du Roi
Mgr Amédée Curé, aumônier du roi et son confesseur, disait la même chose des Orléans :

Non, il ne les reconnaissait pas, il ne les avait jamais reconnus et même avait toujours défendu à ses partisans de les affirmer publiquement16.

Henri V était pour les Anjou (c’est-à-dire pour les Bourbons d’Espagne) :

Il n’en faisait pas mystère aux personnes qui partageaient cette manière de voir15.

Cette dernière phrase indique que le roi avait une attitude bien spéciale en la matière. En exil, il ne voulait choquer personne pour faciliter son retour sur le trône. Il lui arrivait même de taire ses opinions aux gens qu’il ne voyait pas à Frohsdorf.

Le témoignage de Charles du Verne, président du comité légitimiste de la Nièvre
Charles du Verne, président du comité légitimiste de la Nièvre, porte le même témoignage :

Le comte de Maumigny est dans le vrai ; ne le lui dites pas, les difficultés qui nous entourent sont déjà assez grandes pour ne pas les augmenter à cette heure…

… disait-il en parlant de ce gentilhomme de Nevers qui bataillait par la plume pour les lois fondamentales et les Bourbons d’Espagne, passionnant ainsi toute sa région17.

Le témoignage de Joseph du Bourg, secrétaire des commandements du comte et de la comtesse de Chambord
Joseph du Bourg, secrétaire des commandements du comte et de la comtesse de Chambord, donna lui aussi divers témoignages, dès les premiers temps après la mort du roi. Ils furent tous réunis dans son livre sur Les entrevues des princes à Frohsdorf 1873 et 1883 ; vérité et légende18.
Un jour que du Bourg avait mis en privé la conversation sur la succession, Henri V avait dit qu’après lui venaient les Orléans. Du Bourg protesta contre le découragement du roi et lui dit qu’après lui venaient les Bourbons d’Espagne. En effet, Henri V ne se faisait pas d’illusions et voyait qu’après lui les Orléans avaient plus de chances de monter sur le trône comme représentants de principes tordus par le libéralisme et qu’ils seraient plus acceptables pour le « consensus » révolutionnaire du pays que des princes étrangers qui, s’ils avaient le droit, représentaient des principes peu en honneur dans la République naissante en France. Aussi, voyant que du Bourg maintenait ferme ses idées, il ajouta en soulignant les difficultés :

Eh bien, si vous voulez qu’elles (ces idées) puissent aboutir, n’en dites pas un mot maintenant. Je ne puis toucher à cette question que si je suis sur le trône. Alors ce sera différent19.

Le témoignage du marquis de la Tour-du-Pin
Le marquis de la Tour-du-Pin Chambly, dans un article paru peu après le livre de du Bourg20, considérait que la loyauté et la fidélité de du Bourg étaient au-dessus de tout soupçon. Il parle de lui en disant : « Mon très honoré ami M. du Bourg », dans ce texte fait pour corriger deux ou trois erreurs de détails commises par du Bourg et surtout pour se justifier devant l’histoire d’avoir agi en faveur des Orléans à Goritz en 1883, lors des obsèques d’Henri V21. Ce marquis nous apprend qu’il connaît de source sûre une autre variante au colloque d’Henri V et de du Bourg. Le roi aurait dit :

Ah ! Vous êtes dans ces idées-là ! Eh bien, gardez-les pour vous. Il y a déjà assez de difficultés à ramener la monarchie sans les compliquer de celle-ci22.

De cela le marquis en tire que son estimé ami avait la hantise d’une idée fixe qui lui fit déformer les paroles du roi (d’autant plus que tout commençait par : « Oui, mais après moi des d’Orléans ») et que le comte de Chambord était totalement incapable de vouloir remettre les Anjou sur le trône de France :

C’est regrettable de voir imputer ainsi au comte de Chambord une idée aussi bizarre que celle qui mettrait le trône de France à la merci de vicissitudes de famille qui lui fourniraient des princes interchangeables comme les pièces d’un mécanisme23.

Or jusqu’ici, la monarchie héréditaire est justement le régime qui soumet le trône aux vicissitudes de famille. En réalité ce que M. de la Tour-du-Pin rapporte ne contredit en rien ce que du Bourg affirme : le roi ne voulait absolument pas que l’on parlât de question de succession.

Le témoignage du comte Léonor de Cibens
Le comte Léonor de Cibens développait dans une lettre les principes légitimistes tels que nous les exposons ; le roi dit :

C’est parfait ; je la signerai des deux mains d’un bout à l’autre24.

Le témoignage du comte de la Viefville
Le comte de la Viefville écrivait le 20 novembre 1883 au comte de Touchimbert que le roi ne lui avait jamais ouvertement parlé de la succession, mais que trente-deux ans de service près de lui avaient montré que par ses silences, ses réticences Henri V était pour les Bourbons d’Espagne et qu’il défiait quiconque de citer un mot en faveur des Orléans :

Bien plus, quelques jours avant sa fin, prévoyant tout, il a dit : « Je ne veux pas que mon cercueil serve de pont aux Orléans » 25.

D’autres témoignages sur la pensée du Comte de Chambord
On pourrait citer Sébastien Laurentie, le général de brigade Henri de Cathelineau26, Emmanuel de Curzon, président du comité royaliste de la Vienne, etc… qui défendirent la vraie tradition monarchique française qui coïncidait avec la pensée du roi.
On a d’autres indices sur la pensée d’Henri V. Il écrivait (4.8.1845) au comte Théodore de Quatrebarbes, éditeur des Œuvres complètes du roi René :

… je le lirai avec d’autant plus d’intérêt que j’y verrai l’histoire d’un prince de la maison de France.

Or René était, hors ses titres féodaux français (Anjou, Bar) et du saint empire (Provence, Forcalquier, Lorraine), roi de Sicile, Jérusalem, Aragon et Valence. La duchesse de Berri, mère d’Henri V, écrivait à M. de Carrière (Goritz, 4.3.1841) :

J’ai reçu, monsieur, votre traité des droits directs et éventuels des Bourbons d’Espagne, de Naples et de Parme. En écrivant cet ouvrage, dont j’apprécie toute l’importance, vous avez été inspiré évidemment autant par vos sentiments de justice que par la fidélité héréditaire de votre famille à la cause légitime. L’autorité de vos recherches doit appeler l’attention publique sur des droits incontestables qui, tout réels qu’ils sont, étaient jusque-là mal connus ou repoussés avec légèreté par préjugés et ignorance. Selon vos désirs, j’ai envoyé un exemplaire à mon fils. Il le lira certainement avec intérêt et, comme moi, sera sensible à cette œuvre d’un bon Français.

On trouvera dans La tradition monarchique de Watrin de nombreux témoignages. Au XIXe siècle, sous la Restauration en particulier, la successibilité des princes d’Espagne fut souvent affirmée, même dans les journaux et dans les chambres sous Louis-Philippe (p. 192-202). Louis XVIII, dans une discussion avec le duc de la Châtre qui soutenait que les princes d’Espagne n’étaient pas successibles, s’anima et ne se rendit pas aux arguments du duc qui voulait que les descendants de Philippe V fussent Espagnols ; il « soutint que la descendance de Philippe V était française » (Amédée Boudin, Histoire de Louis-Philippe, roi des Français, Paris, 1847, t. 1, p. 338).
On conçoit alors ce que voulait dire Henri V en écrivant au duc de Lévis (25.6.1853) :

Mon devoir est de conserver loyalement à mon pays, et de transmettre intact à mes successeurs, le principe de l’hérédité royale et traditionnelle.

Et comment Henri V aurait-il pu faire autrement ? Il avait appris tous ces principes dès sa naissance. Il avait consulté juristes et contre-révolutionnaires. En tête de ces derniers, le grand Antoine Blanc de Saint-Bonnet, son conseiller et sans doute le plus grand théoricien laïque de la contre-Révolution au XIXe siècle. On sait aussi que cet écrivain correspondait avec le vénérable Mgr Curé et qu’il dédicaçait même ses œuvres à celui qu’il espérait voir monter sur le trône. Eh bien, tous ceux qui furent consultés par Henri V, Blanc de Saint-Bonnet, Mgr Pie, Coquille, etc… furent pour le maintien intégral de la loi de succession traditionnelle, admettant la successibilité des princes d’Anjou27.

Un roi désireux d’éviter toute polémique préjudiciable à une restauration

Bien entendu, il apparut dans divers journaux des témoignages différents de ceux invoqués et du vivant même du roi. Mais ce dernier ne voulait pour rien au monde engager, par des rectifications, une polémique à ce sujet, car il se serait aliéné une bonne partie des monarchistes français sans doctrine. Cela aurait été contre sa politique d’union.

Par contre, le roi fit savoir au baron Tristan Lambert et au marquis de Baudry d’Asson, ses représentants officiels, qu’il ne pouvait accepter que l’on présentât le comte de Paris comme son successeur ainsi qu’ils l’avaient fait 28.

Il fit de même lorsque l’on présenta le duc de Parme comme étant le dauphin. Il faut noter que le roi ne désirait que trouver des amis dans ces princes d’Orléans. Il s’est même laissé aller à dire qu’il en trouvait certains sympathiques, Nemours qui était le plus légitimiste de tous et surtout le jeune Alençon. Le vieil homme sans enfant aurait aimé voir chez lui tous ces jeunes princes, ce qui explique parfaitement une parole comme celle-ci : « Les princes d’Orléans sont mes fils29 », ce qui ne veut pas dire « mes successeurs » 30.
Et comment empêcher le roi Henri V d’être joyeux quand il vit le comte de Paris venir à Frohsdorf la première fois, en 1873, pour la grande réconciliation ?

Vous avez fait une bonne action. Le Bon Dieu vous en tiendra compte. Vous avez bien fait de venir ainsi tout seul et tout droit.

De la prudence d’Henri V qui renonce à énoncer une doctrine dynastique oubliée par presque tout le monde, y compris des proches

À la lumière de tout ce qui vient d’être dit, on voit qu’Henri V savait que les lois fondamentales rendaient les Bourbons d’Espagne successeurs et non les princes d’Orléans.

Cependant, vu l’état d’esprit général des gens et même de ses proches, les Orléans avaient toutes les chances pour réussir leur arrivée au trône. Princes, aristocrates et peuple oubliaient que là aussi il y avait une doctrine, une vérité. Henri V ne voulait donc pas désigner publiquement son successeur obligé, parce que les Français, même les monarchistes, n’auraient pas compris, don Juan étant inconnu, très espagnolisé par ses affaires carlistes au demeurant peu brillantes !
– D’où des silences qui furent incompris des Orléanistes.
– D’où aucun document officiel parlant de la chose.
– D’où les désaveux envoyés aux représentants officiels.
– D’où l’interdiction donnée aux légitimistes de ne pas en parler pour ne pas aggraver la situation.
– D’où l’ahurissement de certains, comme le marquis de Dreux-Brézé, lorsqu’on leur expliquait les vraies idées du roi après sa mort, alors que tout monarchisme était plus ou moins par terre31 et qu’il importait à la mémoire du roi qu’elle ne soit pas entachée d’erreur sur le plan dynastique. Ahurissement qui donna de prévisibles protestations.

Comme on comprend que le roi n’ait pas confié ses pensées intimes à ses plus chers amis, puisqu’ils étaient si incompréhensifs au plus haut degré. « Mes amis ne me comprennent pas ! »

Pensait-il à ce comte René de Monti de Rezé qui vécut seize ans à Frohsdorf32, remplit plusieurs missions, la mort dans l’âme, désapprouvant dans la plus grande tristesse les grands actes et grands textes de ce prince, osant les juger impolitiques et inopportuns ?
Il ne s’agissait pourtant ici que de manifestes mineurs et de la question du drapeau blanc.
Qu’eût-ce été avec la question de la succession ?
On verra d’ailleurs cet auteur, ami d’une certaine habileté politique (qui n’est en fin de compte que la composition avec l’ennemi) aller tout naturellement vers le comte de Paris et, le cas échéant, traîner plus bas que terre les pauvres gens de la seconde table qui se permettaient, par la suite, de penser qu’ils n’étaient pas de son avis.

La stratégie du Comte de Chambord : fédérer tous les royalistes

Henri V pensait, à tort ou à raison, que la succession se serait bien arrangée lorsqu’il aurait été sur le trône environné des princes de sa famille et même des Espagnols puisque ceux-ci étaient exilés d’Espagne. Ces princes se seraient ainsi signalés, revalorisés aux yeux des Français. Leur présence près du roi à Paris, modifiait tout le problème. Henri V aurait alors fait entériner, selon certains, la succession par les grands corps de l’État.

En attendant ce jour, où la succession, selon le vieux droit français, pourrait devenir claire aux yeux de tous, il convenait de prendre conscience de la réalité du moment et elle s’incarnait en partie dans les princes d’Orléans qui avaient de nombreux partisans, dont certains étaient même députés, siégeant à partir de 1871 en masse importante à l’Assemblée nationale à côté des légitimistes.

C’est pour cela que la question était réservée et qu’on ne devait pas en parler avant la montée au trône, de même que pour le drapeau blanc. Il a fallu sur cette dernière question que le roi soit complètement coincé par les manœuvres des Orléans en 1873 (il y a à ce sujet des paroles terribles de chefs orléanistes) pour qu’il fasse un message, expliquant en toute loyauté au peuple français ce qu’il voulait. Drapeau blanc qu’il opposait à celui des principes de 1789, qui s’incarnaient aussi dans les textes constitutionnels en préparation.

Pour le politique devant pratiquer l’art du possible, il s’agissait de faire une œuvre viable. Il fallait fédérer tous les princes et tous les monarchistes ; les unir pour édifier un autre régime, fondé sur les principes qui firent l’authentique gloire de la France. Ainsi, par la suite, de principe en principe, on en serait arrivé avant sa mort de roi effectif, à rétablir l’antique ordre successoral dans l’esprit des Français.

La tactique du Comte de Chambord : taire tout ce qui pourrait diviser

La stratégie de la prise du pouvoir s’accompagnait d’une tactique qui était de faire tout ce qui pouvait unir et de laisser tout ce qui pouvait diviser. Pour cela :

a) Ne jamais parler de la succession, comme nous l’avons dit ;
– désavouer quiconque des siens en parlerait publiquement en faveur des Orléans (car c’était une erreur) ;
– ne pas désavouer ceux qui parleraient en faveur des Bourbons, mais ne pas les encourager.

b) Pardonner aux princes d’Orléans l’attitude qu’ils eurent depuis 1830 (Louis XVIII s’étant chargé de pardonner pour la période révolutionnaire) :
– l’usurpation,
– les incroyables avanies subies par la duchesse de Berri, mère d’Henri V,
– les manœuvres qui firent échouer la restauration de 1849.
Pardon qui les replaçait moralement dans la famille royale, qu’ils avaient délibérément voulu abandonner avec Louis-Philippe Ier : « Une nouvelle dynastie »… Alfred Huet du Pavillon, exécuteur testamentaire du roi Henri V et de la reine MarieThérèse, disait que le roi avait reçu les Orléans à son lit de mort (parce qu’ils s’étaient présentés, sans qu’ils y soient conviés, le 7 août 1883) avec…

… pour unique intention de montrer comment un Bourbon doit pratiquer la loi évangélique du pardon avant de paraître au tribunal de Dieu33.

Le comte Maurice d’Andigné, qui vécut aussi à Frohsdorf, témoigne dans le même sens ; le roi sur son lit de mort disait en souriant :

Je tiens à ce que l’on sache que je n’ai de rancune contre personne, et que je pardonne à tous ceux qui ont pu me faire du tort… même aux d’Orléans, et c’est tout dire34.

c) Enfin, pratiquer cette politique de fusion, qui obligeait les Orléans à reconnaître le principe de légitimité et à regagner leur rang, le dernier, dans la famille réunie (note d’Henri V, décembre 1872).

Un roi très seul à maintenir les principes

Rigide sur les principes, et la restauration ne se fit pas à cause d’eux, le roi savait être souple dans leur application. C’était un grand politique, un grand chrétien, encore méconnu de nos jours.

Le malheur est qu’il n’avait personne en France sur qui s’appuyer, à part une douzaine de doctrinaires qui ne siégeaient même pas à l’Assemblée nationale. La lutte était inégale entre ce roi seul avec ses principes et la grande élite libérale qui dirigeait effectivement le pays. Vrai gang de gens distingués, fils de quatre-vingt neuf, responsables du malheur du pays pour des dizaines d’années et qui firent tout pour que le roi légitime ne revienne pas.

La situation en était à un point tel que Mgr Pie déclara que s’il était monté sur le trône il n’en aurait pas eu pour six mois à y rester35. Doutant non du succès de l’acte même de la prise du pouvoir, mais bien de sa stabilisation, Henri V ne tenta pas, in extremis, en 1873, à Versailles, la marche sur l’Assemblée nationale qui s’apprêtait à voter le septennat36.

La trahison des légitimistes sans principes

Sur qui pouvait compter ce prince dont les fidèles se tournèrent pour la plupart avec tant de facilité vers les Orléans après son décès ? Au point que les princes descendants de Louis-Philippe n’en croyaient pas leurs yeux de voir venir à eux, avec plus ou moins de bon cœur, tous ces gens qu’ils pensaient hostiles.

Gens croyant fermement qu’en répudiant les princes et les principes, en se ralliant avec habileté au comte de Paris, la monarchie serait faite immédiatement. Et combien voyaient luire enfin l’espoir d’une prochaine récompense, après tant d’années de fidélité au roi en exil ?

En 1849, Mgr Pie disait déjà :

Le Prince est seul assez chrétien pour faire concevoir de l’espérance. Mais tout ce sur quoi il s’appuiera ne l’est pas assez pour qu’il puisse relever les vrais principes. Pas plus de 1830 à 1849 que de 1792 à 1815, les hommes que l’on appelle bien pensants n’ont pu parvenir à bien penser… Ils ne sont pas dignes de mettre la main à l’Arche37.

Faillite de l’élite qui sera telle que des années après, le même évêque pourra tenir les mêmes propos.

Ces monarchistes, imbus des idées de leur temps, ne l’étaient guère que de nom et de sentiment, ils ne l’étaient pas de principe et d’action38.

Le chanoine Étienne Catta dans son livre remarquable sur le cardinal Pie, dont viennent presque toutes nos citations du fameux prélat, ajoute :

Il n’y a pas d’hommes, nous dit le prophète, parce que la vérité est à terre39.

Méfaits du libéralisme…

Paul Watrin et l’opinion du Comte de Chambord sur sa succession

Une polémique orléaniste sans intérêt juridique et fondée sur un travestissement des faits

L’opinion du comte de Chambord, Henri de France-Artois, duc de Bordeaux et pour les royalistes Henri V, roi de France, sur la question des renonciations, est un des points d’histoire contemporaine les plus certains et cependant, tant la politique fausse la vérité, les plus obscurcis qui soient.

Nous savons dans quelles idées traditionnelles fut élevé le comte de Chambord, nous venons de voir que cette tradition constante de ses ancêtres affirma en toutes circonstances les droits de succession des d’Anjou, et cependant l’erreur se répand si facilement qu’on entend répéter couramment que ce prince reconnut pour son successeur le chef de la branche d’Orléans.

Certes, s’il en eût été ainsi, cela n’aurait aucune influence sur notre thèse, au point de vue du droit, le roi n’étant pas maître de désigner son successeur et un pareil acte de la part d’Henri V, dans l’exil, n’aurait tout de même pas plus de puissance que celui de Louis XIV sur le trône, en faveur de ses bâtards ; mais puisque la revue que nous faisons des événements, nous amène naturellement à des faits si inexactement rapportés, rectifions-les, pour l’honneur de la vérité historique.

Le Comte de Chambord fidèle au vieux droit traditionnel

La théorie du comte de Chambord fut toujours de conserver intact le vieux droit traditionnel. Le marquis de la Tour du Pin, a rapporté ses paroles au sujet de Charles X :

Ce n’est pas au roi à désigner son successeur : ainsi l’on a eu tort de faire abdiquer mon grand-père en ma faveur ; il devait simplement abdiquer.

Et en fait, le comte de Chambord ne se considéra comme roi, qu’à partir du 3 juin 1844, jour de la mort de son oncle le duc d’Angoulême, qui fut inhumé à Goritz avec cette simple inscription : « Louis XIX » ; la veuve de ce dernier fut toujours, à Frosdorf, traitée de « Majesté ».

Comment peut-on donc admettre comme vraies, les affirmations orléanistes ? quand on a dû contraire, les témoignages suivants :
M. Hilaire de Curzon, rapporte, qu’en 1849, une restauration monarchique paraissant possible à la condition de fusionner les deux partis monarchiques, les orléanistes imaginèrent que la meilleure solution serait que le roi abdiquât en faveur du comte de Paris ou, du moins, l’adoptât. Quand le comte de Chambord eût connaissance de ce projet, il s’écria :

Mais ils ne savent donc pas que je n’ai pas le droit de me choisir un successeur ? il existe en France une loi d’hérédité ; on devra l’appliquer après ma mort.

On connaît aussi la lettre que le 25 juin 1853, le comte de Chambord écrivit au duc de Lévis :

Mon devoir est de conserver loyalement à mon pays et de transmettre intact à mes successeurs le principe de l’hérédité royale et traditionnelle.

Le Comte de Chambord cautionne tacitement les revendications des Anjou, mais blâme les prétentions orléanistes

Le 3 octobre 1868, le comte de Chambord laisse passer sans aucune protestation un manifeste dans lequel Charles de France-Anjou (dit don Carlos) se proclame très nettement son successeur après son père Jean (dit don Juan). C’est à propos de l’abdication faite par ce dernier de ses prétentions au trône d’Espagne que son fils écrit :

J’entends également maintenir par cet acte tous mes droits au trône d’Espagne et mes droits éventuels à celui de France si la branche aînée représentée aujourd’hui par mon auguste oncle Henri V, que Dieu garde, venait à s’éteindre.

Quand il s’agit, au contraire, de prétentions orléanistes, il n’en est plus de même. Le 27 avril 1883, le comte de Chambord rédige de sa main une note pour blâmer ce toast qu’avait, porté M. Tristan Lambert à la fin d’un banquet :

Au roi Henri V et au dauphin, le comte de Paris !

Le Comte de Chambord sans illusions sur la fidélité aux principes de ceux qui l’entourent

Parlant à ceux qui l’entouraient, le comte de Chambord fut très net. Écoutons les témoins, MM. d’Andigné, de Chevigné et de Scorailles étaient à table avec le comte de Chambord quand celui-ci leur dit :

Ah si ce n’était pas mal, je voudrais bien revenir trois jours après ma mort pour voir quels sont ceux, même de mon entourage, qui seront restés fidèles à mes principes.

Le général Cathelineau affirme que le comte de Chambord disait souvent à ses amis :

Quelle douleur j’éprouverais si je pouvais penser, un instant, que vous dûssiez servir les d’Orléans, si vous aviez à les subir.

M. de la Viefville, prétend que quelques jours avant sa mort, le comte de Chambord a prononcé ces paroles :

Je ne veux pas que mon cercueil serve de pont aux d’Orléans.

Les témoignages des aumôniers du Comte de Chambord sur ses idées

Un témoignage précieux est celui du révérend père Bole, aumônier du comte de Chambord et qui l’a assisté jusqu’à son dernier soupir :

Le roi Henri V m’avait chargé, dit le père Bole, de donner des leçons d’histoire au comte de Bardi ; lorsqu’il fut question du traité d’Utrecht, je disais un jour en présence du roi, que les princes d’Anjou, à cause des renonciations, ne pouvaient régner en France. Le roi intervint et me dit :
« Je regrette, père Bole, de vous interrompre, mais je ne puis admettre une si fausse interprétation ; vous induisez ce jeune prince en erreur. »
On fit sortir Monseigneur le comte de Bardi : il y eût une grande discussion entre le roi et moi. Je dus m’absenter de Froshdorl et, tenant à mes idées, j’allai étudier la question en dehors de toute influence. Je pris aussi conseil de plusieurs jurisconsultes appartenant à tous les partis.
Quand on se croit dans son droit, on aime généralement à voir ses idées prévaloir ; il n’en fut rien. Je me rendis à l’évidence et m’inclinai devant la vérité. Je revins près de Monseigneur le Comte de Chambord qui voulut bien rectifier lui-même mes notes relatives à ce traité. Je suis aujourd’hui pleinement convaincu des droits de Charles XI (don Carlos), et je dois cette croyance au roi, qui a heureusement combattu mes erreurs et éclairé ma foi.

Un autre aumônier du comte de Chambord, Monseigneur Amédée Curé, a fait une déclaration identique que nous retrouvons dans l’Ami du Clergé, du 18 avril 1902. En réponse à la question :

Est-ce que le comte de Chambord ne reconnaissait pas les droits du comte de Paris ?

Il affirme :

Non, il ne les reconnaissait pas, il ne les avait jamais reconnus et même avait toujours défendu à ses partisans de les affirmer… À ses yeux, le véritable héritier des droits à la couronne devait être cherché dans la branche d’Anjou…
Telles étaient les idées personnelles du comte de Chambord et de tout son entourage intime…
Il n’en faisait pas mystère aux personnes qu’il savait partager cette manière de voir. Ainsi un jour, le comte Léonor de Cibeins, ayant développé cette thèse dans une lettre qui lui fut soumise, le comte de Chambord rendit cette lettre en disant à celui qui la lui transmettait : « C’est parfait ; je la signerais des deux mains d’un bout à l’autre. »

Le même Monseigneur Curé, dans une lettre du 15 juillet 1902, a écrit :

Il est constant que jamais M. le comte de Chambord n’a voulu faire une reconnaissance des droits de M. le comte de Paris. Jamais, pendant la fusion, il n’y a eu un mot qui ait été interprété dans ce sens, quoique les orléanistes l’aient toujours mis en avant… Au moment où M. le comte de Chambord, avant de mourir, a ouvert les bras à M. le comte de Paris, il a été stipulé que les principes resteraient toujours intacts.

Comment donc alors peut-il se faire qu’un point aussi nettement établi soit aussi généralement controuvé ? Ce n’est pas ici le lieu de le rechercher. Mais l’histoire et le droit, deux sciences, planent au-dessus de ces contingences.

Les relations du Comte de Chambord avec les Orléans

Le duc d’Orléans veut qu’il soit répandu que son père a été reconnu comme successeur par le comte de Chambord à son lit de mort et que si cela n’a pas été fait plus tôt, c’est que celui-ci voulait, contre le drapeau tricolore, maintenir le drapeau blanc. Rien n’est plus faux. Il suffit de lire l’ouvrage d’un témoin oculaire, M. Joseph du Bourg, intitulé : « Les entrevues des princes à Froshsdorf » et aussi tout ce qu’ont trouvé à y répondre MM. de Villèle et du Puget, dans Témoignages et souvenirs, pour avoir une idée très nette de la vérité.

Les notes adressées par le chef de la maison de France à ses cousins d’Orléans, lors des tentatives de rapprochement de ceux-ci témoignent toutes du désir qu’il avait de réserver leur rang aux princes d’Anjou.

En décembre 1872, la note suivante est envoyée :

Monsieur le comte de Chambord sera charmé de recevoir les princes d’Orléans quand ils viendront à lui, mais, avant qu’aucune relation de famille ne soit renouée, il faut :
1° Qu’ils reconnaissent le principe de la légitimité.
2° Qu’ils reconnaissent son représentant comme roi.
3° Qu’ils reprennent leur rang dans la famille royale, sans aucune condition, car Monsieur le comte de Chambord n’en peut accepter aucune. Ce n’est pour lui, ni une question personnelle, ni un acte de rancune particulière, car il n’en a pas au cœur. C’est l’accomplissement d’un devoir. Le principe qu’il représente ne lui appartient pas. Il n’en est que le gardien.

Au commencement de 1873, une nouvelle note est envoyée :

Il faudrait que le comte de Paris dise qu’il vient reconnaître le principe et se placer à son rang dans la famille. S’il fait de sa démarche une visite purement de famille, Monseigneur ne le laissera pas sur ce terrain, mais il l’en fera sortir en lui disant : je considère votre visite comme la reconnaissance du principe que je représente, la preuve du désir que vous avez de rétablir l’union dans la famille en vous plaçant à votre rang et sans condition.

Or, le comte de Paris venant reconnaître comme roi le comte de Chambord, il est impossible d’imaginer ce qui aurait bien pu amener la rupture si le rang du comte de Paris eût été immédiatement derrière celui qu’il reconnaissait comme,chef de la maison de France. La vérité est que son rang en était séparé par toute la distance que remplissaient les princes d’Anjou.

Comme il fallait un prétexte derrière lequel s’abriter, les d’Orléans trouvèrent celui du drapeau. Aucun historien sérieux ne peut l’admettre. Depuis l’origine de notre monarchie, les drapeaux varièrent constamment de règne en règne et de régiment à régiment. Leur unité est une idée moderne qui n’a rien de traditionnel ; les rois en eurent de toutes couleurs et le comte de Chambord ne l’ignorait pas. Si l’on voulait adopter un drapeau aux couleurs qui, constamment, furent celles de la France, il ne faudrait pas prendre le drapeau blanc, mais bien celui d’azur semé de fleurs de lys d’or. Le blanc n’était pas la couleur de la France, mais celle du commandement ; c’est à ce titre que le colonel du régiment eut l’enseigne blanche ; le roi l’eût aussi tout naturellement, comme étant le colonel général de toutes les troupes. On aurait donc pu, par conséquent, admettre fort bien, sans blesser aucune tradition, le roi ayant la bannière blanche comme un colonel a aujourd’hui le plumet blanc, tandis que la nation aurait eu son drapeau national.

On voit combien piètre est l’explication orléaniste et combien peu de rapport elle a avec cette injonction l’aile aux d’Orléans par le chef de la maison de France : « reprendre leur rang dans la famille. »
Certes, le comte de Chambord reçut ses cousins d’Orléans à son lit de mort, mais à quel titre ?
Écoutons son exécuteur testamentaire, M. Huet du Pavillon :

Dans la fameuse entrevue du 7 juillet 1883, avec les princes d’Orléans, Henri V a eu pour unique intention de montrer comment un Bourbon doit pratiquer la loi évangélique du pardon, avant de paraître au tribunal de Dieu.

Les dernières volonté du Comte de Chambord

Le testament même du comte de Chambord porte la reconnaissance de son successeur salique ; nous y retrouvons l’idée de la substitution pupillaire :
– il laisse au prince Jacques de France-Anjou (don Jaime), petit-fils de l’héritier salique, à celui qui doit être un jour « le roi » toutes les archives royales, les croix des ordres du Saint Esprit, de Saint Michel, de Saint Louis, la vaisselle d’argent de Charles X, en un mot, tous les souvenirs qu’il considère comme étant « au roi » ;
– au contraire, ce qui est « à l’homme », il le laisse à ses héritiers naturels, aux fils de sa sœur, aux princes d’Anjou-Parme.
C’est bien là la vieille distinction que nous avons exposée de l’héritier et du successeur.
– Il règle également ses obsèques et dit :

Je désigne pour prendre la tête du convoi, mes neveux les princes d’Espagne, mes neveux de Parme, élevés par moi à Frohsdorf.

Le comte de Chambord divise donc ses neveux en deux groupes ; la préséance est donné au premier. Si les obsèques avaient été purement familiales, les princes de Parme, ses plus proches parents par le sang, auraient dû avoir le premier rang.

Contrairement à ce qui se dit tous les jours, on peut donc affirmer que le comte de Chambord, fidèle à la tradition, reconnut toujours pour son successeur le prince Jean de France-Anjou.

  1. Voir notamment sur ce sujet : E. de Roquefeuil, « La succession du Comte de Chambord », Cahiers des cercles d’étude Chateaubriand-Bonald, n° 1 ; L. Bader, Les Bourbons de France en exil à Gorizia, Paris, 1977, pp. 277-327 ; Les brochures de Ph. Rocher (Les obsèques de M. le Comte de Chambord et la succession de France, Paris, 1924), H. de Curzon (La vérité sur la réconciliation, 5 août 1873, Poitiers, 1911). Robinet de Cléry (Les prétentions dynastiques de la branche d’Orléans, Paris, 1910).
  2. Marquis de Dreux-Brézé, Notes et souvenirs pour servir l’histoire du parti royaliste, 1872-1883, éd. de Paris, 1902, p. 228. On trouvera une réfutation de la 1re édition de ce gros livre assez médiocre dans la brochure Henri V et le Comte de Paris. Réponse au livre du marquis de Dreux-Brézé, Paris, 1895.
  3. Le Comte de Paris, dans ses Mémoires d’exil et de combat qui viennent de paraître à l’Atelier Marcel Jullian. va jusqu’à écrire qu’à la mort du Comte de Chambord son grand-père (et homonyme : le premier Comte de Paris) « s’était… vu désigné comme héritier » (p. 77). Désigné, pas moins ! Singulière méconnaissance des règles du droit royal historique de la part d’un prince qui prétend si jalousement l’incarner…
  4. Marie de Roux, Origines et fondation de la Troisième République, Paris, 1933. p. 196.
  5. C’était une idée familière à beaucoup de légitimistes d’alors que celle de l’adoption d’un prince de Parme : Lourdoueix, Ferdinand de Bertier, Louis Veuillot, y songèrent tour à tour, sans parler de l’attachement que de nombreuses personnalités, des Laurentie à Lyautey, témoignèrent aux Bourbons-Parme. Le Duc Robert, issu d’une sœur d’Henri V, élevé dans les principes traditionalistes, eût fait un excellent héritier moral pour le Comte de Chambord. Mais une telle hypothèse violait trop évidemment les lois de primogéniture et d’indisponibilité de la Couronne pour avoir la moindre chance d’être agréée par le Comte de Chambord. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il refuse catégoriquement d’y songer dans sa réponse à La Liberté, tout comme il devait refuser, vers la même époque, d’adopter le Prince impérial, autre chimère caressée par quelques esprits distingués (Cf. Journal de Fidus, III, pp. 165-66, 183-90,193-94). — On peut ajouter que la tentation « parmesane » a toujours travaillé certains cercles légitimistes. Mentionnons, à titre d’exemple parmi d’autres, l’article du chevalier Pidoux (Pierre-André Pidoux de la Maduère), « La loi salique et la succession au trône de France » dans la Rivista araldica de 1906, pp. 65-72.
  6. La Liberté, 4 mars 1872, « Lettres de Breda (1er mars 1872, 8h., soir.) », p. 1-2.
  7. Dictionnaire politique et critique, tome IV, p. 448. col. 2.
  8. Mgr Curé. M. le Comte de Chambord et Sa Sainteté Léon XIII, pièces citées en appendice. Cf. aussi, dans le même ouvrage, aux pp. 30 sq. Adde le n° 5 du 10 mai 1911 de La Monarchie française, p. 308.
  9. Cf. ses lettres dans Robinet de Cléry, Les prétentions dynastiques de la branche d’Orléans, Paris, 1910. On orthographie parfois le nom de ce père jésuite sous la forme Boll. Les orléanistes lui firent naturellement une épouvantable réputation d’intriguant.
  10. Cf. Paul Watrin, La tradition monarchique, pp. 203 sq.
  11. Opération politique destinée à réconcilier les deux branches antagonistes, du fait de la cadette, et unir tous les députés, légitimistes et orléanistes, dans les sains principes idéologiques et la même action politique.
  12. Philippe Rocher, Les obsèques de M. le comte de Chambord et la succession de France en 1883, Paris, 1924, p. 58.
  13. Mémoire sur les droits de la maison d’Anjou à la couronne de France, Fribourg en Suisse, 1884, réimprimé : Mémoire sur les droits de la branche d’Anjou au trône de France, Paris, 1911. Cf. La Monarchie française et le témoignage de Mgr Curé dans une lettre à Samuel Denis, Frohsdorf, 30.6.1902. L’œuvre est dédiée ainsi : « Dédié à S.A.R. Mgr Alphonse-Charles de Bourbon » (le futur Alphonse-Charles, † 1936) qui l’accepta. L’auteur invoque le Syllabus et la contre-révolution dans sa conclusion.
  14. Lettre au comte Léonor de Cibeins, 3.8.1886.
  15. Ibidem.
  16. L’Ami du clergé, 18.4.1902.
  17. Intermédiaire des chercheurs et curieux, 1909, t. 1 = t. 59, de la collection, colonne 404.
  18. Paris, 1909.
  19. P. 48, etc…
  20. Souvenirs de Goritz, dans la Revue critique des idées et des livres, Paris, 1909.
  21. C’est toute l’histoire du télégramme de reconnaissance envoyé au comte de Paris par le duc de Bisaccia, premier gentilhomme français adulte présent, en dehors des princes.
  22. P. 72.
  23. Ibidem, p. 72.
  24. Lettre du 19.3.1872, expédiée d’Ampuis ; témoignage de Mgr Amédée Curé dans son admirable ouvrage qui reprend les articles parus dans l’Ami du clergé : Monsieur le comte de Chambord et Sa Sainteté Léon XIII ; observations sur les « Mémoires » de Mme de la Ferronaye, Paris, 1904, p. 32. Mgr Curé, alors l’abbé Curé, était un homme de grande érudition et il rendit de signalés services au roi. Les orléanistes lui tirèrent dessus à boulets rouges à cause de ses témoignages. Il est vrai qu’il avait terriblement remis à sa place Mme de la Ferronaye, grande dame désinvolte qui n’avait rien appris à vivre dans l’entourage du roi et qui se permettait des remarques bien légères sur le pape. Et quel mépris chez elle pour certaines personnes de l’entourage royal ! On lira le livre de Mgr Curé avec fruit. Il donne aussi une haute leçon de morale aux prétendants, aux rois sans trône.
  25. Hilaire de Curzon, De la légitimité, Poitiers, 1910, p. 48.
  26. Contrairement à Charette qui passa aux Orléans, malgré ses promesses (cf. J. du Bourg, ouv. cit.), le général de Cathelineau resta pour la loi salique. C’est à lui que le duc de Parme confiera le drapeau blanc aux obsèques de la reine Marie-Thérèse d’Autriche-Este, en 1886.
  27. Les princes d’Anjou, c’est-à-dire les descendants de Philippe V. On verra sur cette question, P. de Ch., qui dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 1908, t. 2 = t. 58, col. 901, affirme qu’il eut dans les mains une partie de ces consultations.
  28. On lira à ce sujet la lettre de J. du Bourg (Toulouse, 16.3.1884) au Journal de Paris, 23.3.1884.
  29. La liberté de Paris, 1.3.1872.
  30. Ainsi Louis XVIII, désespéré de l’assassinat du jeune duc d’Enghien, ne cessait de répéter : « J’ai perdu mon troisième fils ! » Les deux autres étant les ducs d’Angoulême et de Berri (cf. Henri Welschinger, Le duc d’Enghien, Paris, 1888, p. 389, 390).
  31. La République voulue par les Orléans s’installant et faisant de plus en plus de bêtises.
  32. P. 21 de ses Souvenirs sur le comte de Chambord, Paris, 1931.
  33. Lettre de Frohsdorf, du 29.8.1884, adressée au Vaterland de Vienne.
  34. Le roi légitime, p. 62.
  35. Mgr Baunard, Histoire du cardinal Pie, Paris, 1892, t. 2, p. 509.
  36. Marche qui aurait été victorieuse, même sans l’aide très enthousiaste du maréchal duc de Magenta, président de la République, militaire balourd à cheval sur le règlement et peureux de s’engager, comme souvent le sont les militaires, dans une histoire civile, relative à un changement de régime. II trahit son roi, et son fils épousera (en récompense ?) une princesse d’Orléans.
  37. Lettre à M. de l’Estoile, 19.9.1849.
  38. Entretiens avec le clergé… aperçu sur le rôle de la dernière assemblée nationale… 16.7.1876.
  39. La doctrine politique et sociale du cardinal Pie, Nouvelles éditions latines, 1959, p. 324, citant Isaïe, 59, 14-16.
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