Lignage royal et lois fondamentales

Lignage royal et lois fondamentales de l’État, par Roland Mousnier Reine, enfants de France (dauphin, fils de France...), princes de sang.

En France, lignage royal et lois fondamentales de l’État monarchique sont intimement liés : le successeur est le prince de sang désigné par la Loi. Or Roland Mousnier rappelle que « les princes du sang ne peuvent cesser de l’être. Ils doivent à tout moment être prêts à succéder à la Couronne de France. Ils ne peuvent renoncer à leur vocation. Ils ne la perdent pas s’ils acceptent une autre souveraineté. »  Après avoir traité de la notion de « prince étranger » — ou prince étranger au sang de France —, le grand universitaire précise que « la renonciation de Philippe, duc d’Anjou, à la Couronne de France, quand il devint Philippe V, roi d’Espagne, bien que confirmée par les traités d’Utrecht enregistrés par le Parlement de Paris, est nulle de plein droit. S’il a encore des descendants aujourd’hui, ceux-ci sont habiles à succéder à la Couronne de France, selon leur ordre de succession, en préférant toujours la branche aînée à la cadette. » [La Rédaction]

Introduction de Vive le Roy

Le texte qui suit est un extrait tiré de l’ouvrage de l’historien et universitaire Roland Mousnier (1907-1993), Les institutions de la France sous la monarchie absolue, chap. 1, PUF, Paris, 1974, p. 661-675.

AVERTISSEMENT : Les titres ont été ajoutés par VLR pour faciliter la lecture en ligne.


Le lignage royal

Lignage royal et loi fondamentale de l’État

Le lignage royal comprend d’abord tous les mâles de la famille capétienne qui sont en attente de la Couronne.

La Coutume statutaire du royaume a délégué héréditairement la royauté indivisible à la race régnante, de mâle en mâle par ordre de primogéniture, à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. C’est une substitution graduelle, établie à perpétuité par la loi fondamentale de l’État qui défère la Couronne graduellement aux branches qui en sont les plus proches et en chaque branche au chef de celle-ci, d’aîné en aîné successivement.

Ces mâles doivent être à tout moment prêts à succéder à la Couronne de France. Ils ne peuvent renoncer à cette charge, car le lignage royal est voué au public. Il en résulte qu’en principe le roi doit le consulter sur les grandes affaires de l’État et employer ses membres aux affaires importantes de celui-ci.

Les membres du lignage royal participent aux conseils politiques

Les membres du lignage royal (et souvent la reine mère, même en dehors des régences, et la reine malgré l’exclusion des femmes de la succession à la Couronne) participent aux plus importants conseils politiques et reçoivent des missions. Leur participation au Conseil est précisée dans nombre de préambules d’édits royaux.

Sçavoir faisons que, de l’advis de nostre conseil auquel estoit nostre très chère compagne et épouse, et assistez de plusieurs princes de nostre sang, et autres princes et officiers de nostre couronne et autres grands personnages, et de nostre certaine science, pleine puissance et authorité royalle… 1.

Les textes identiques ou semblables sont fort nombreux. C’est Louis XIV qui, lorsqu’il a pris le gouvernement du royaume après la mort de Mazarin en 1661, a rompu avec la coutume et exclu du plus haut Conseil les reines et tous les membres de la famille royale. Mais cette exclusion n’a pas été définitive. Le « gouvernement par Grand Conseil » impose donc l’examen du lignage royal.

La reine

Le contrat de mariage du roi avec une princesse étrangère est apparenté à un traité international

Le mariage des rois et des dauphins de France se fait dans notre période avec des princesses étrangères pour des raisons de politique internationale. À cette raison s’ajouta, pour Henri IV, la nécessité de liquider ses dettes envers les Médicis. En épousant Marie de Médicis, il épousa « la grosse banquière ».

Les contrats de mariage des rois et des dauphins de France avec les princesses étrangères sont donc reçus par les secrétaires d’État des pays étrangers et scellés du grand sceau de la Couronne étrangère. Le mariage des souverains ou de leurs héritiers se fait par représentation, car …

… la prudence politique leur conseillait de ne pas s’aventurer personnellement hors de leur État.

Le roi donne commission à qui il lui plaît, ministre, ambassadeur, gouverneur de province, conseiller d’État, cardinal. Il le munit d’une procuration l’autorisant à passer le contrat de mariage comme le roi l’aurait fait lui-même, et à promettre que le roi …

… ratifiera et aura agréable tout ce qui serait fait, dict, et convenu.

À la procuration étaient jointes les instructions sur la dot, la renonciation à la succession, etc. La procuration était une commission en forme de lettres patentes signées du roi, contresignées d’un secrétaire d’État, scellées du grand sceau sur simple queue de cire jaune, enregistrées au Parlement de Paris, avec la signature du procureur général du roi.

L’usage est d’envoyer en outré un ou deux secrétaires d’État français, généralement le secrétaire d’État aux Affaires étrangères et le secrétaire d’État à la Maison du Roi. Ceux-ci participent à la formation du contrat et rédigent des projets d’articles. Nicolas Brûlart, vicomte de Puisieux, négocia le mariage d’Henri IV ; Pierre Brûlart, Antoine Pothier, les mariages espagnols ; Henri-Louis de Loménie et Hugues de Lionne, le mariage de Louis XIV ; Colbert, celui du Grand Dauphin. Le contrat est signé à la Cour de la future épouse.

Il est apparenté à un traité international et ceci fut spécifié pour le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse. L’article 33 du traité des Pyrénées fit entrer ce contrat de mariage dans le droit public européen :

Lequel traité à part et capitulation de mariage sont de la même force et vigueur que le présent traité de paix, comme étant la partie principale et la plus digne, aussi bien que le plus grand et plus précieux gage de la sûreté de la durée 2.

Le chancelier de France appose le grand sceau sur ces contrats de mariage en vue de les rendre publics et exécutoires. Il signifie ainsi que le roi en réclame l’exécution dans tout le royaume. Ces contrats doivent être enregistrés dans tous les parlements de France. Louis XIV envoya une commission au procureur général du Parlement de Paris le 27 juillet 1660 pour que son contrat de mariage fût enregistré en même temps que le traité des Pyrénées et que l’enregistrement fût fait …

… en la même forme qui fut gardée au traité fait à Vervins en l’an 1598.

Des copies collationnées étaient envoyées dans les bailliages et sénéchaussées pour y être enregistrées. Les contrats de mariage étaient également enregistrés dans les Chambres des Comptes et dans les Cours des Aides à cause des clauses financières.

Sacre et couronnement de la la reine

Le sacre et le couronnement de la reine dans la basilique de Saint-Denis tombèrent en désuétude dans notre période.
– Marie de Médicis, épouse d’Henri IV, fut la dernière reine sacrée, le 13 mai 1610, dans l’église de Saint-Denis en France. Le sacre était suivi d’une entrée solennelle dans la capitale, Paris. Cette cérémonie dura.
– Louis XIII et Anne d’Autriche entrèrent sans éclat le 16 mai 1616.
– L’entrée de Louis XIV et de Marie-Thérèse le 26 août 1660 fut une apothéose.
– Pour Marie Leczinska, la plus grande simplicité fut observée le 4 octobre 1728.
– Le 8 février 1779, pour l’entrée de Marie-Antoinette, les souverains affectèrent de ne pas renouveler « la pompe plus éclatante qu’utile des anciennes réjouissances ».

Le titre de reine de confère pas la souveraineté

Le titre de reine ne donnait pas à celle qui en était revêtue l’autorité souveraine dans le royaume ni son gouvernement. « Le royaume ne peut tomber en quenouille » (Loysel).

La reine pouvait cependant avoir « une très grande part à l’administration publique3 ». Outre son rôle de conseil, elle pouvait recevoir des charges, même en dehors d’un temps de régence. Marie de Médicis fut déclarée par Louis XIII gouverneur de la province d’Anjou, de Brouage, d’Oléronet de l’île de Ré, par lettres de provision des 18 juin 1619 et 4 février 1627, enregistrées au Parlement de Paris. Mais ces missions se firent de plus en plus rares.

La reine ne peut avoir communauté de biens avec son époux

La reine ne peut jouir de communauté de biens avec le roi, son mari, car tout ce que les rois acquièrent tourne au profit du royaume « qui est leur épouse mystique et la plus privilégiée4 ». Le roi peut seulement lui faire présent de meubles, d’argent comptant ou de quelques acquêts immeubles non encore incorporés au domaine de la Couronne.

Pour avoir épousé un homme dont la personne privée est absorbée par la personne publique, la reine est désavantagée par rapport aux autres femmes.
– Le souverain n’a pas de biens propres.
– La communauté de biens entre époux est incompatible avec la notion de souveraineté, avec le principe de l’inaliénabilité du domaine.
– Le royaume de France n’est pas la propriété des rois, il n’est pas leur héritage.
– Le royaume est leur office. Ils n’en sont que les administrateurs, que les magistrats suprêmes.
– Le domaine de la Couronne n’est pas leur domaine propre.
– Le « roi est l’homme de l’État ». Il est dépouillé de sa personnalité juridique.

Lorsque Henri IV, par ses lettres du 13 avril 1590, déclara son domaine privé indépendant du domaine de la Couronne, le Parlement de Paris navarriste, siégeant à Tours, refusa de les enregistrer. Le procureur général du roi, La Guesle, s’opposa à l’enregistrement, car …

le roi, par son accession au trône, contracte avec la couronne un mariage mystique et perpétuel et que les biens personnels du roi constituent la dot de la royale fiancée.

Henri IV finit par déclarer, par son édit de juillet 1607, son domaine privé réuni au domaine de la Couronne dès son avènement à la Couronne de France.

Si le roi opère de nouvelles acquisitions, elles sont immédiatement incorporées au domaine de la Couronne. Le roi ne peut donc donner de droits à la reine sur une masse de biens dont il n’est pas propriétaire.

La reine ne peut pas participer à la jouissance des biens de la Couronne

D’autre part, la reine ne peut pas participer à la jouissance des biens de la Couronne, car ceux-ci sont un des attributs de la souveraineté ; or la souveraineté est impartageable.

Le Roi est monarque et n’a point de compagnon en sa majesté royale. Les honneurs extérieurs peuvent être communiqués à leurs femmes ; mais ce qui est de majesté représentant sa puissance et dignité réside inséparablement en sa seule personne5.

Le roi partage donc avec son épouse les honneurs royaux, mais il n’y a pas de communauté de biens entre eux. La fonction royale consacre le roi au public. « La bourse du roi est celle du peuple, non particulière aux rois et aux reines6.

Les joyaux de la Couronne sont remis à la reine à titre de dépôt, à charge pour elle de les restituer à celle qui lui succédera comme épouse de son fils, et restent distincts de ses bijoux propres et de ses meubles précieux, qu’elle apporte avec elle.

Le mariage du roi et de la reine est indissoluble

Le mariage du roi et de la reine est indissoluble comme celui de n’importe quel de leurs sujets, conformément aux paroles de Jésus-Christ et au droit de l’Église catholique romaine.

Le roi ne divorce pas. Henri IV n’a pas divorcé d’avec la reine Marguerite en 1599. Le pape a déclaré son mariage nul, c’est-à-dire n’ayant jamais existé,
– parce que Marguerite de Valois et Henri IV étaient parents à un degré prohibé,
– parce que Henri IV avait été contraint à ce mariage après la Saint-Barthélemy et que sa volonté n’avait pas été libre, pas plus que celle de Marguerite,
– parce que enfin ils avaient une parenté spirituelle qui excluait le mariage puisqu’en 1554 Henri II, père de Marguerite, avait été parrain du futur Henri IV.

Les gains de la reine

La reine de France veuve n’a droit à d’autres « gains nuptiaux » que des douaires viagers assignés soit sur des terres domaniales, soit sur d’autres revenus de l’État.

En vertu de l’ordonnance de Blois (art. 330 et 332) le douaire est constitué sur des terres portant titre de duché ou de comté jusqu’à la valeur de 3 333 écus soleil de revenu. Le surplus est assigné sur les aides, tailles et équivalents, et autres deniers extraordinaires. La reine douairière perçoit ce qui lui revient par les mains des receveurs et des fermiers royaux. Il lui est laissé un château pour demeure.

Les privilèges de la reine

La reine jouit des mêmes honneurs que le roi.
– Lorsqu’elle entre solennellement dans une ville, elle peut accorder des lettres de rémission à tous les prisonniers qui s’y trouvent.
– Elle peut, comme le roi, plaider par procureur général.
– Elle a ses jours par rôle au Parlement comme les ducs et pairs, et en général elle jouit de tous les privilèges des ducs et pairs.
– Elle est exempte de tous droits de chancellerie.
– Elle a les mêmes droits de préférence que le roi pour le recouvrement des deniers qui lui sont dus.
– Elle jouit de tous les privilèges accordés au domaine de la Couronne pour ses domaines propres. Il reste incertain de savoir si elle a la préséance sur la reine mère.
– La reine doit être servie avec dignité. Elle a donc une Maison qui diffère de celle du roi en ce que la mort de la reine la dissout, alors que la Maison du Roi est perpétuelle puisque « le roi ne meurt jamais ».

Cas particulier du mariage secret

Le roi peut contracter un mariage secret. Ç’a été le cas de Louis XIV, veuf, avec Mmede Maintenon. Ce mariage secret n’est pas clandestin. Il est célébré selon les formes prescrites par le Concile de Trente avec des témoins en nombre et de la qualité requise. Mais l’épouse n’a pas droit au titre de reine et aux avantages qui en découlent. Le roi lui concède des avantages matrimoniaux par acte unilatéral, non contractuel. Mmede Maintenon reçut ainsi une pension et plus tard la direction de la fondation de Saint-Cyr, où elle se retira après la mort du roi.

Les enfants de France7

Le fils aîné de France, ou dauphin

Le fils aîné de France, héritier présomptif de la Couronne, porte le titre de dauphin, que le roi de France prend également dans tous les actes de souveraineté relatifs à la province de Dauphiné.

Le fils aîné de France ne prend aucun autre titre que …

… par la grâce de Dieu, fils aîné de France, Dauphin de Viennois.

Aucun autre prince de la maison royale n’a droit de prendre le formulaire « par la grâce de Dieu ».

Le Parlement de Paris donne au seul fils aîné de France le titre de « Monseigneur » depuis que Louis XIV l’a exigé à la naissance du dauphin.

Il est d’usage, à l’occasion de la naissance de l’héritier présomptif, de célébrer un Te Deum et que le roi crée un certain nombre de brevets de maîtrise dans chaque corps d’arts et métiers. Ainsi fit Henri IV par édit de novembre 1601 et Louis XIV …

… en faveur de la naissance de monseigneur le Dauphin, premier fils de France et successeur de la couronne.

Louis XVI remplaça cette création le 9 juin 1782 par la libération des prisonniers détenus dans les prisons de Paris, que la nature de leurs crimes ne rendait pas indignes de grâces.
Le dauphin a droit, lorsqu’il fait sa première entrée dans une ville, de délivrer les prisonniers qui s’y trouvent.
Il n’a, pendant la vie du roi, que la part au gouvernement de l’État que le roi veut bien lui donner. Si le roi était empêché de gouverner par maladie, démence, enlèvement ou autre accident, le dauphin pourrait prendre le titre de régent du royaume et exercer en cette qualité tous les actes de souveraineté. Les dauphins de France ont une Maison particulière ainsi que la dauphine, leur épouse8.

Les fils de France

Les « fils de France » sont les enfants et petits-enfants mâles des rois. Ce titre appartient aussi à leurs arrière-petits-enfants lorsque le roi régnant n’est lui-même que petit-fils de roi et qu’ils ont ainsi l’avantage d’être ses neveux.

Le frère puîné immédiat du roi, né second fils de France, porte le titre de « Monsieur », « absolument et sans queue ». De même, son épouse est appelée « Madame » et sa fille « Mademoiselle ». Dans les lits de justice, Monsieur, frère du roi, est à la droite de celui-ci et le plus proche de lui, et tous les princes, fils de France, siègent avant les princes du sang.

Dans les cérémonies publiques, les fils de France autres que le dauphin n’ont droit qu’au titre de Monsieur. Mais depuis 1776, sur ordre exprès du roi, la Chambre des Comptes et la Cour des Aides leur doivent du « Monseigneur ».
Depuis 1641, où le duc d’Orléans, frère de Louis XIII, le prit pour la première fois, les fils de France prennent le titre d’« altesse royale ».
Les fils de France ont le droit de faire évoquer au Parlement de Paris tous les procès dans lesquels ils sont intéressés.
Dans l’opinion, ils sont exempts de duels en matière purement civile, mais non s’ils sont accusés de meurtre ou de trahison. Mais roi et magistrats tiennent qu’ils doivent observer les lois contre les duels.
Ils ont chacun leur Maison et de même les princesses, leurs épouses9.

Les filles, petites-filles et même les arrière-petites-filles de rois

Les filles, petites-filles et même les arrière-petites-filles de rois, lorsqu’elles sont nièces du roi régnant, portent le titre de « princesse, fille de France ». Les filles du roi, ses sœurs, la fille aînée du dauphin sont appelées « Madame », titre suivi de leur nom de baptême. Les autres filles de France sont appelées « Mademoiselle », suivi de leur nom de baptême. Elles jouissent d’honneurs semblables à ceux des fils de France.

Les princes du sang

Définition de prince de sang

Le prince du sang, ou prince de la Couronne, est …

… un homme qui, par la plus authentique et la plus pure de toutes les généalogies, descend de mâle en mâle et par légitime mariage d’un roi de France et qui, par cela seul, est né et habile à succéder à la Couronne, s’il devient aîné, de cette auguste race10.

Cette excellente définition doit être complétée. La filiation ne suffit pas. Il faut être reconnu officiellement comme prince du sang par le roi. Le souverain ne proclame pour tels que les descendants des rois de France qui sont ses assez proches parents, qui sont de grands seigneurs et ont tenu dans le royaume de grands offices et de grandes dignités.

Des descendants de rois qui ne furent jamais reconnus princes de sang

Les Courtenay, issus de Pierre de France, septième fils de Louis VI le Gros, qui prit le nom de Courtenay en épousant en 1150 Élisabeth, fille de Renaud de Courtenay, descendant de Robert le Pieux, ne purent jamais parvenir à faire reconnaître la qualité de princes du sang et ils en furent encore repoussés en 1620 et en 1787. En effet, s’ils avaient donné quatre empereurs à Constantinople, une reine en Hongrie, une impératrice à Trébizonde, ils n’étaient restés en France que de petits seigneurs de la région parisienne, d’ailleurs parents assez lointains du roi.

D’autres descendants légitimes des rois de France par les mâles ne furent jamais qualifiés princes du sang : les Dreux, les Bourgogne, les Sambernon, les Montagu, les Carency.

Les rois exclurent toujours les mâles de la famille capétienne dont la descendance commençait avant saint Louis et les mâles des branches cadettes des grandes familles princières.

Les Maisons de Princes du sang

Les rois eurent toujours le souci de ne pas trop augmenter le nombre des prétendants par la naissance aux gouvernements de provinces et de places fortes, aux fiefs, aux pensions, aux biens d’Église.

Les Maisons de Princes du sang sont les Bourbons, les Orléans, les Anjou, les Alençon.

Dans la rigueur des termes, est prince « celui qui a la souveraineté ». Mais les rois de France ont communiqué ce titre honoraire de prince à leurs parents, parce qu’ils ont l’aptitude de parvenir à la souveraineté, eux ou leur postérité, en leur degré de succession.

Les règles de succession à la Couronne

Le système des parentèles

La succession à la Couronne s’opère suivant le système des parentèles.
Chaque parentèle est appelée successivement et est épuisée avant de passer à la suivante, quelle que soit la distance de l’héritier au roi défunt.
Si le fils aîné meurt avant d’avoir accédé au trône et qu’il n’a pas de fils légitimes, son frère puîné le plus proche succède à son père.
Si le monarque meurt sans laisser de descendant mâle légitime, on fait alors appel à son frère puîné.
À défaut, on passe à la parentèle suivante.
– Henri IV, descendant de Robert de Clermont, fils de Saint Louis, succéda ainsi à Henri III, bien qu’il ne fût son parent qu’au 21e degré. Selon Balde, la Couronne de France peut se transmettre jusqu’au 1 000e degré.

La Déclaration du 2 juillet 1717 sur la succession à la Couronne précise que celle-ci est dévolue à la « Maison de France », à la race capétienne, jusqu’à extinction.

La représentation de l’aîné s’effectue à l’intérieur de chaque parentèle et ainsi le neveu peut précéder son oncle.

La Couronne est « affectée à l’aîné de l’aîné ».
– Henri IV l’emporta sur son oncle Charles, cardinal de Bourbon, plus proche d’Henri III selon les degrés des successions ordinaires, car Henri IV était le fils aîné d’Antoine de Bourbon, lui-même fils aîné de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, et son oncle, Charles, cardinal de Bourbon, n’était que le frère cadet d’Antoine de Bourbon, comme troisième fils de Charles de Bourbon. Comme fils de Charles de Bourbon, il était plus proche d’Henri III qu’Henri IV, mais celui-ci était l’aîné de la branche aînée des fils de Charles de Bourbon.
– À la mort de Louis XIV, son arrière-petit-fils Louis XV, fils de Louis, dauphin, duc de Bourgogne, celui-ci fils aîné de Louis, le Grand Dauphin, ce dernier fils de Louis XIV, l’emporta sans difficulté sur ses oncles, Philippe d’Anjou (Philippe V, roi d’Espagne) et Charles, duc de Berry, frères cadets de Louis, dauphin.

Le principe de masculinité

Le principe de masculinité l’emporte. Les femmes et leurs descendants, même mâles, sont exclus de la succession à la Couronne de France. Le titre de « princesse du sang » est une affaire de considération sociale, sans portée dynastique.

Les princesses du sang qui n’épousent pas un prince du sang perdent leurs honneurs après leur mariage, car la femme suit la condition de son mari, à moins qu’un brevet du roi ne les leur conserve, comme Anne-Genevière de Bourbon, sœur aînée du Grand Condé, née princesse du sang, qui épousa un duc de Longueville. Il est vrai que celui-ci pouvait prétendre au titre de prince du sang.

Les bâtards

Les bâtards ne sont pas successibles à la Couronne mais aux biens propres

Les bâtards des rois de France et ceux des princes du sang ne sont pas princes du sang et ne peuvent succéder à la Couronne.

Leur père peut les légitimer et le fait le plus souvent mais seulement en vue des effets civils : ils deviennent habiles à succéder aux biens propres, à recevoir des donations, à être pourvus d’offices et de dignités.
– C’est ce que précisent les lettres patentes d’Henri IV, de 1595, d’avril 1599, de janvier 1603, de janvier et mars 1608, par lesquelles il légitime ses enfants naturels : César de Vendôme, Alexandre de Bourbon, Gaston de Foix, Antoine, comte de Moret, Jeanne-Baptiste de Bourbon.
Les légitimés sont le plus souvent abondamment pourvus d’offices et de dignités.
– César, fils de Gabrielle d’Estrées et d’Henri IV, fut duc de Vendôme, duc d’Étampes, duc de Mercœur, duc de Beaufort, duc de Penthièvre, pair de France, prince de Martigues, comte de Buzançais, seigneur d’Anet, gouverneur de Bretagne, grand maître chef et surintendant général de la Navigation et Commerce de France. Louis XIII le reçut dans l’Ordre du Saint-Esprit.

Il y a eu des tentatives d’exception pour les bâtards.

La tentative de Charles IX de légitimer les descendants de Dunois, bâtard d’Orléans

Tout d’abord pour les descendants de Dunois, bâtard d’Orléans.

Un brevet de Charles IX, du 5 avril 1571, pour Léonor d’Orléans, duc de Longueville, déclare ses prédécesseurs toujours tenus pour princes du sang et étend cette reconnaissance à tous ses descendants.

Des lettres patentes en furent dressées en septembre 1571, mais le Parlement de Paris ne les enregistra point.

Louis XIV les confirma par lettres patentes d’avril 1653, mais celles-ci ne furent pas enregistrées non plus.

La tentative de Louis XIV de légitimer ses bâtards

Louis XIV tenta par un édit de juillet 1714 d’habiliter ses légitimés à succéder après les princes du sang11.

Devant les morts qui décimaient sa famille, il déclarait vouloir prévenir les malheurs et troubles qui pourraient arriver si tous les princes de son sang royal venaient à manquer.

Dans ce cas, la Couronne serait dévolue et déférée de plein droit à Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, légitimé en décembre 1673, et, s’il venait à manquer, à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, légitimé en novembre 1681, et à leurs enfants et descendants mâles à perpétuité, nés et à naître en légitime mariage, gardant entre eux l’ordre de succession et préférant toujours la branche aînée à la cadette.
– Ces princes recevaient entrée et séance au Parlement de Paris, comme les princes du sang, sans être obligés à serment, même s’ils n’avaient pas de pairie.
– Ils devaient jouir de tous les honneurs des princes du sang en Parlement, et dans toutes les cérémonies, eux et tous leurs descendants à perpétuité.
– Ils prenaient rang après les autres princes du sang et avant tous les autres princes des maisons souveraines et tous les autres seigneurs de quelque dignité qu’ils puissent être.

Le Parlement de Paris enregistra cet édit le 2 août 1714.
La déclaration du 23 mai 1715 confirma qu’il ne devait y avoir aucune différence entre les princes du sang royal et les fils de Louis XIV légitimés.

Après la mort du Grand Roi, les princes du sang cousins de Louis XV, le duc de Bourbon, le comte de Charolais, le prince de Conti réclamèrent la révocation de l’édit et de la déclaration.

Par l’édit de juillet 1717, concernant la succession à la Couronne, Louis XV considéra que,
– par les lois fondamentales de son royaume, il était « dans une heureuse impuissance » de disposer de la Couronne,
– qu’elle n’était à lui que pour le bien et le salut de l’État, et
– que si la Maison de France venait à disparaître, ce serait à l’État seul d’en disposer, à la nation française même de réparer le malheur par la sagesse de son choix et,
– en conséquence, il déclara qu’il ne reconnaissait pour princes du sang que ceux issus des rois par une filiation légitime, et annula l’édit de juillet 1714 et la déclaration de mai 171512.

Les bâtards, même légitimés, demeurèrent exclus de la succession à la Couronne.

Les « princes étrangers »

Un « prince étranger » (ou prince qui n’est pas du sang royal de France), quoique français, ne peut succéder

Sont exclus également de cette succession les « princes étrangers », c’est-à-dire … « ceux qui, quoique nés français et sujets du roi, sont issus de maisons souveraines hors du royaume » tels les ducs de Nevers, descendants des princes de Mantoue.

Le roi leur donnait seulement les honneurs et prérogatives des princes du sang.

La tentative de Louis XIV de légitimer un « prince étranger »

Les besoins de la politique poussèrent Louis XIV à tenter de passer outre, en faveur de la Maison de Lorraine.

Par le traité de Montmartre, du 6 février 1662, le duc Charles IV de Lorraine céda ses États à Louis XIV contre le rang de prince du sang et l’habilitation de la Maison de Lorraine à prendre rang immédiatement après la Maison de Bourbon pour succéder à la Couronne de France.

Mais le chancelier avertit Louis XIV qu’il ne pouvait faire de princes du sang par une déclaration, que les rois ne pouvaient faire de princes du sang qu’avec les reines, leurs épouses. Le Parlement fit savoir qu’il n’enregistrerait pas le traité et Louis XIV dut le lui imposer par le lit de justice du 27 février 1662.

Heureusement Charles IV n’exécuta pas le traité, Louis XIV dut prendre le duché. Le traité de Metz du 31 mai 1663 fonda l’acquisition de la Lorraine sur le droit de conquête.

La situation des « princes étrangers » par rapport à la Couronne de France ne fut pas modifiée.

Princes de sang et succession

Un prince de sang, même roi d’un autre pays, est successible

Les princes du sang ne peuvent cesser de l’être.
Ils doivent à tout moment être prêts à succéder à la Couronne de France.
Ils ne peuvent renoncer à leur vocation.
Ils ne la perdent pas s’ils acceptent une autre souveraineté.
– La renonciation de Philippe, duc d’Anjou, à la Couronne de France, quand il devint Philippe V, roi d’Espagne, bien que confirmée par les traités d’Utrecht enregistrés par le Parlement de Paris, est nulle de plein droit.
– S’il a encore des descendants aujourd’hui, ceux-ci sont habiles à succéder à la Couronne de France, selon leur ordre de succession, en préférant toujours la branche aînée à la cadette.

La hiérarchie des princes du sang s’ordonne par proximité à la Couronne

La hiérarchie des princes du sang s’ordonne selon leur proximité à la Couronne qui les distribue en ordres et en rangs.

Dans le premier Ordre et
– au premier rang, se trouve le dauphin ;
– au second rang, les fils puînés de France ou fils de France ;
– au troisième rang, les « petits-fils de France » et leurs sœurs, fils, filles, petits-fils, petites-filles du roi régnant.

Dans le second Ordre,
– au quatrième et au cinquième rang, les fils, les filles, les petits-fils, les petites-filles du roi défunt, c’est-à-dire les frères, sœurs, neveux, nièces du roi régnant.

Dans le troisième Ordre, se trouvent tous les autres princes du sang, selon des rangs déterminés par la vocation respective de chacun au trône de France.

Les privilèges des princes de sang

L’édit de mai 1711, portant règlement pour les duchés et pairies de France, rappelle dans son article premier
– que les princes du sang royal doivent être honorés en tous lieux suivant la dignité de leur rang et l’élévation de leur naissance ;
– qu’ils représentent les anciens pairs de France aux sacres des rois ;
– qu’ils ont droit d’entrée, séance et voix délibérative dans les coûts de Parlement à l’âge de 15 ans, tant aux audiences qu’au Conseil, sans aucune formalité, même s’ils ne possèdent pas la pairie.

Selon le règlement de 1688,
– les fils de France ont droit au titre d’Altesse Royale,
– les princes du sang au titre d’Altesse Sérénissime.

Ils ont droit respectivement aux avant-noms suivants :
– Le dauphin, « très haut, très puissant et excellent prince » ;
– Monsieur, « très haut et très puissant prince » ;
– Les princes du sang « très haut et puissant prince » ;
– Les princes des maisons étrangères, « haut et puissant prince ».

Les uns et les autres furent exempts des péages, droits de greffe, signature, contrôle des greffes et sceaux, droits de contrôle des actes, exploits et droits d’insinuation jusqu’au 29 septembre 1722.
Ils sont exempts des droits seigneuriaux dans la mouvance du roi.

Dans les voyages de la Cour, ils jouissent du privilège d’« avoir le pour ». Quand les fourriers des logis vont poser la craie et marquer les logements, ils marquent ceux des personnes qui ne sont pas princes en mettant seulement leurs nom et titre, et ceux des princes « Pour Monseigneur le duc d’Orléans », « Pour Monseigneur le prince de Condé ».

Les apanages sous la monarchie

Apanage, établissement et mariage

L’apanage d’un prince du sang, fils ou petit-fils de France, est ce qui lui est attribué pour vivre convenablement suivant son état.
L’apanage est donc ce que les rois donnent à leurs frères ou à leurs fils et à leurs petits-fils à défaut de fils, pour leur subsistance, pour leur pain.

Les princes du sang qui ne sont ni fils ni frères de roi n’ont pas droit à l’apanage, mais s’ils n’ont pas de biens suffisants pour vivre convenablement suivant leur rang, ils ont droit à un « établissement ».

Le roi constitue les apanages au moyen de fiefs relevant de la Couronne, qui aient au moins la dignité de duché ou de comté, par lettres constitutives d’apanages qui doivent être enregistrées par le Parlement de Paris.

Les lettres patentes du 7 décembre 1766 proclament que
– cette institution est …

… placée au rang des lois fondamentales de notre monarchie.

– Pour les sœurs et filles, le roi ne leur doit pas apanage mais mariage.
– Les lettres patentes précisent le renoncement du bénéficiaire à toutes les terres et seigneuries, unies ou non à la Couronne, et à tous meubles et conquêts immeubles échus par le trépas de leur père, le roi défunt.

L’apanage est donc constitué à titre successif, pour tenir lieu au bénéficiaire de sa part héréditaire dans la succession du père commun. Il constitue la légitime du bénéficiaire, forme le prix de sa renonciation à la succession au profit de son aîné.

Les privilèges du prince apanagé

Le prince apanagé exerce des droits régaliens.
– La justice est rendue en son nom et par ses officiers. Aussitôt après l’érection de l’apanage, les juges des exempts et cas royaux sont tenus d’en sortir.
– Vacation advenant dans les offices de l’apanage, le prince apanagé y nomme et le roi y pourvoit.
– Le prince apanagé a droit de nommer et présenter aux abbayes, prieurés et tous autres bénéfices consistoriaux, excepté aux évêchés.
– Le prince apanagé a droit de faire battre monnaie, même d’or.
– Le prince apanagé a tous droits de maison, terre, justice et seigneurie.
– Il peut ériger des tribunaux égaux en pouvoir et en autorité aux cours supérieures de province et jugeant même des cas royaux.
– Il peut établir dans les villes de l’apanage des commissions judiciaires ou Grands-Jours, jugeant en dernier ressort, avec compétence sur tous ses justiciables.
– Il peut lever des tailles et taxes sur ses sujets, ce qui a été confirmé par les lettres patentes d’octobre 1645.
– Il accorde des lettres de grâce, de sauvegarde et de privilège.
– Il jouit des francs-fiefs, échange, amortissement, nouveaux acquêts.
– Il plaide par procureur dans toutes les cours du roi, y compris le Parlement de Paris, et son procureur est traité comme le procureur général du roi, ce que confirmèrent les lettres patentes du 24 octobre 1680.
– Le prince apanagé peut avoir par autorisation royale un chancelier, une chancellerie avec des sceaux pour les provisions des officiers de l’apanage et de ceux qui sont à sa collation et nomination.
Des lettres patentes de janvier 1724, enregistrées à la Cour des Aides le 8 février, accordèrent au duc d’Orléans dans son apanage un chancelier garde des Sceaux, un contrôleur, un chauffe-cire et deux huissiers.

Le droit de l’apanage

Le prince apanagé ne peut pas
– donner de lois, de règlements, de statuts en forme de lettres patentes dans son apanage, selon l’arrêt du Parlement de Paris du 20 mars 1706.
– Il ne peut même pas réglementer ses chasses.
Mais le roi peut toujours rendre des lettres patentes pour l’exécution d’un règlement ou de statuts donnés par le prince apanagé.

La souveraineté royale est garantie parce que le roi se la réserve expressément et se réserve le droit de ressort, les foi et hommage liges, la garde des églises, la connaissance des cas royaux et aussi parce que l’apanage est frappé d’une clause de réversion.

L’apanage est transmissible aux descendants mâles du prince apanagé selon les mêmes règles que pour la Couronne de France. Mais si les enfants mâles, descendus du corps du prince apanagé ou de ses descendants, viennent à manquer, en sorte qu’il n’en demeure aucun, même s’il y a des filles ou des fils descendant des filles, l’apanage est éteint et fini et les fiefs et seigneuries le constituant retournent à la Couronne.

L’apanage : usufruit ou propriété ?

Un problème de conséquence politique fut débattu : l’apanagiste était-il usufruitier ou propriétaire ?

Dupuis, dans son Traité du duché de Bourgogne, l’avocat général Orner Talon dans son réquisitoire de 1641, Grainville dans ses Arrêts de la Quatrième Chambre des Enquêtes, Prost de Royer, encore en 1786, le tenaient pour simple usufruitier.

Mais les lettres patentes constituant les apanages leur conféraient tous les caractères de fiefs, dont le prince apanagé était le seigneur utile, le roi conservant la seigneurie directe. L’apanage constituait donc bien une propriété. Et c’est ce que proclament nettement les lettres patentes du 16 septembre 1766 dans leur préambule :

La loi de l’apanage constitue le prince qui le possède vrai seigneur et propriétaire,
et plus loin : Le duc d’Orléans étant constamment vrai propriétaire et seigneur foncier de l’apanage.

En 1769, l’avocat général Séguier, dans le procès du duc d’Orléans contre les Églises de Chartres et d’Orléans, déclarait le prince véritable propriétaire de son apanage, malgré la substitution dont celui-ci était grevé en faveur de sa descendance masculine, car …

… un substitué n’est pas moins propriétaire de la chose qu’il doit transmettre, malgré la nécessité de la remise à laquelle il ne peut se soustraire13.

Les princes apanagés

Parmi les princes apanagés, nous trouvons
– Gaston de France, frère de Louis XIII, pour les duchés d’Orléans, de Chartres et pour le comté de Blois (édit de juillet 1626) ;
– Philippe de France, frère unique de Louis XIV, et ses descendants mâles, pour les duchés d’Orléans, de Valois, de Chartres et pour la seigneurie de Montargis (édit de mars 1661). Cet apanage fut accru successivement du duché de Nemours, des comtés de Dourdan et de Romorantin, des marquisats de Coucy et Folembray (24 avril 1672), du Palais-Royal (février 1692), de l’hôtel du Grand-Ferrare, à Fontainebleau (27 juillet 1740), du comté de Soissons et des domaines de Laon, Crépy-en-Laonnais et Noyon (28 janvier 1751), des domaines de Marie, La Fère, Ham, Saint-Gobain, dépendant du comté de Vermandois, enfin du canal de l’Ourcq et l’hôtel de Plessis-Châtillon, tenant au Palais-Royal, délaissés par le duc d’Orléans au roi et réunis au domaine de la Couronne (16 septembre et 7 décembre 1766).

Furent également princes apanagés, eux et éventuellement leurs descendants mâles,
– Charles de France, duc de Berry, petit-fils de Louis XIV, fils de Louis, dauphin, frère puîné du duc de Bourgogne, pour les duchés d’Alençon, d’Angoulême, le comté de Ponthieu, et autres fiefs (édit de juin 1710) ;
– Louis-Stanislas-Xavier, petit-fils de Louis XV, pour le duché d’Anjou, le comté du Maine, le comté du Perche et autres fiefs et seigneuries (édit d’avril 1771) ;
– le comte d’Artois, pour les duché et comté d’Auvergne, le duché d’Angoulême et autres seigneuries (édit d’octobre 1773) ; l’apanage fut accru du duché de Berry (lettres patentes de juin 1776).

En 1786, le duc d’Orléans, Louis-Philippe-Joseph Ier, dit depuis le 12 septembre 1792 Philippe Égalité, institua une Compagnie pour l’administration de ses domaines. L’apanage atteignit cette année-là un revenu brut de 4 347 760 livres sur 7 969 440 livres de revenu brut pour l’ensemble des biens de la Maison d’Orléans, dont il faut défalquer 1 674 775 livres de dépenses pour l’ensemble. L’apanage augmenta ensuite de 500 000 livres de revenu.

Un des conseils du roi : le Conseil de l’apanage

L’apanage avait un Conseil présidé par un chancelier dont la nomination était ratifiée par le roi et enregistrée par la Cour des Aides.

Le Conseil comprenait :
– chancelier,
– surintendant des Finances,
– 2 secrétaires des Commandements,
– 2 intendants des Finances,
– 1 trésorier général,
– 14 conseillers,
– 1 agent d’affaires,
– 1 archiviste,
– 1 secrétaire,
– 4 maîtres des requêtes,
– 2 huissiers.

Subordonnés au Conseil, il y avait :
– un comité des Finances,
– un secrétariat, et, de 1786 à 1788,
– un comité d’administration ou Compagnie, tous présidés par le chancelier.

Le Conseil tint de 1786 à 1790 125 séances et ses procès-verbaux traitent de 4 177 questions diverses.

Un décret de l’Assemblée nationale constituante du 13 août 1790, sanctionné par le roi Louis XVI le 2 septembre, supprima les apanages à partir du 1er janvier 1791. Les apanages devinrent propriété nationale. Il était interdit de créer d’autres apanages à l’avenir.

Les régences

« Nous avons un Roy, si tost que l’autre est mort »

Les contemporains appelaient régent ou régente en France la personne qui, durant la minorité, l’absence ou la maladie du roi, gouvernait le royaume au nom de Sa Majesté.

Selon l’édit de Charles V, de 1374, le fils aîné d’un roi de France est majeur lorsqu’il a 13 ans révolus et qu’il entre dans sa quatorzième année,…

à l’effet d’avoir le régime et administration du royaume, de recevoir les hommages et serments de fidélité de leurs sujets et que lesdits aîsnez se pourraient faire sacrer et recevoir toutes les marques de la royauté… comme s’ils estoient majeurs de vingt-cinq ans14.

Mais depuis son premier jour, le fils aîné du roi, si son père meurt, est roi. L’opinion de ceux qui tenaient qu’un roi n’était pas roi s’il n’était sacré n’avait plus cours.

Nos rois sont rois par succession et non autrement … le mort saisit le vif et… nous avons un Roy, si tost que l’autre est mort.

Subordonnant l’ordre du sacré et du mystère à l’ordre de la nature, les contemporains pensaient que le plus sûr est de suivre l’ordre de succéder, qui est le plus naturel15. Le sacre ne faisait plus le roi. Dans la bouche des avocats généraux, des chanceliers de France parlant sur ce sujet, l’« ordre de la nature » revient sans cesse.
Il y avait toujours un roi.

Une désignation du régent selon l’ordre de la nature

Mais avec un enfant mineur, ou un souverain absent ou malade, il fallait organiser un gouvernement. L’ordre de la nature aurait indiqué d’une part la mère ou l’épouse du roi, de l’autre ses oncles ou ses frères.
– La coutume qui s’était constituée depuis Blanche de Castille, mère de Saint Louis, et qui, selon l’avocat général Orner Talon, le 21 avril 1643, en était à son neuvième exemple, était de désigner la mère du roi comme régente et le frère puîné du roi défunt, Monsieur, oncle du roi régnant, comme lieutenant, général du roi dans les provinces.
– Si la mère du roi était également décédée, alors l’oncle aîné du roi recevait le titre de régent.

La procédure validant le régent

Une procédure constante s’était fixée. Il fallait une déclaration de volonté du roi défunt et l’accord de la nation française représentée par le Parlement de Paris, assemblé avec les princes du sang, les pairs de France, les grands officiers de la Couronne et des représentants du Conseil du Roi, à défaut d’États généraux.

Le roi défunt pouvait avoir manifesté sa volonté en faisant sacrer et couronner la reine de son vivant,
– comme ce fut le cas pour Henri IV à l’égard de Marie de Médicis, ou par une déclaration royale enregistrée au Parlement de Paris,
– comme ce fut le cas pour Louis XIII à l’égard d’Anne d’Autriche, le 21 avril 1643,
– ou par une distinction particulière, comme ce fut le cas pour Louis XIV à l’égard du duc d’Orléans, premier prince du sang, que par son testament du 2 août 1714, déposé au Parlement de Paris, le roi n’avait pas désigné comme régent, mais qu’il avait nommé chef du futur Conseil de Régence.

En outre, dans tous les cas, il est requis des paroles publiques du roi défunt, que le chancelier et l’avocat général rapportent comme témoins.
Même pour le duc d’Orléans, le 2 septembre 1715, les gens du roi invoquèrent …

… les dernières paroles que le roi lui avait dites, qu’il n’avait fait aucun préjudice aux droits de sa naissance16.

Cette déclaration de volonté du roi défunt devait être approuvée par un arrêt du Parlement de Paris, réuni avec les princes du sang, les pairs de France, les grands officiers de la Couronne et des membres du Conseil d’État, et s’exprimant pour le royaume.

Ensuite, un ou deux jours après cet arrêt, le roi mineur, qui n’en avait pas moins le pouvoir législatif, venait en son Parlement, réuni avec les mêmes personnages, y tenait son lit de justice. Il y était rendu arrêt confirmatif du précédent et donné édit qui instituait le régent ou la régente, pour avoir l’instruction du roi mineur et l’entière administration du gouvernement des affaires du royaume selon le précédent arrêt du Parlement de Paris.

Ainsi fut fait :
– pour Marie de Médicis les 14 et 15 mai 1610,
– pour Anne d’Autriche les 20, 21 avril et 18 mai 1643,
– pour le duc d’Orléans les 2 et 12 septembre 1715.

Les limites de la « volonté du roi »

La déclaration de volonté du roi n’était pas suivie entièrement lorsqu’une partie violait la constitution coutumière du royaume. Ce fut le cas :
– pour Louis XIII dont la déclaration du 20 avril soumettait la future régente Anne d’Autriche à un Conseil composé par le roi et dont elle devait suivre les avis décidés à la pluralité,
– ou pour Louis XIV qui désignait un régent collectif, un Conseil que Louis XIV composait, qui devait décider à la pluralité des voix, que le duc d’Orléans devait seulement présider.

Or la France est une monarchie absolue et le chef de gouvernement doit être unique et absolu. Pour cette raison, le Parlement constitué en Cour plénière rétablit le droit de la régente Anne d’Autriche de composer le Conseil à son gré et de décider seule après avoir pris son avis et rétablit en 1715 le duc d’Orléans comme seul régent. C’est ce qu’on a appelé improprement la « cassation » par le Parlement de la Déclaration de Louis XIII et du testament de Louis XIV.

Pouvoir et limites du pouvoir du régent

En droit, le régent ou la régente ont le même pouvoir que celui d’un roi majeur, présent et jouissant de toutes ses facultés. Ils doivent exercer tous les pouvoirs de la souveraineté, dans les mêmes conditions que le roi.

En fait, beaucoup d’habitants du royaume ne se jugent pas assujettis à la même obéissance qu’envers un roi majeur.

La régence prend fin lorsque le roi vient déclarer solennellement sa majorité en lit de justice au Parlement de Paris.
– Louis XIII le fit le 2 octobre 1614 ;
– Louis XIV, le 2 octobre 1651 ;
– Louis XV, le 23 février 1723.

Les actes instituant et terminant la régence sont envoyés par le Parlement de Paris à tous les bailliages et sénéchaussées de son ressort et à tous les autres parlements du royaume pour y être lus, enregistrés et publiés.

  1. Henri IV, Édit sur la réunion à la Couronne de l’ancien patrimoine privé du roi, Paris, juillet 1607, Isambert, 15, p. 330.
  2. Cité par Valtat, p. 30, d’après Arch. nat., K 540, n° 34.
  3. Guyot et Merlin, II, p. 213.
  4. Cardin Le Bret, De la souveraineté, liv. I, chap. 1, p. 47.
  5. Guy Coquille, Institution au droict des François, t. I, p. 1 ; Loysel, Institutes coutumières, n° 22, cités par Monique Valtat, p. 58.
  6. Du Tillet, Recueil des rois de France, p. 147, ibid., p. 60.
  7. Voir liv. I : « Le roi », chap. 1 : « L’éducation du roi ».
  8. Voir le protocole concernant le dauphin dans Guyot et Merlin, t. II, p. 303-304.
  9. Voir le détail dans Guyot et Merlin, t. Il, p. 331-349.
  10. Saint-Simon, Mémoire sur l’intérêt des princes du sang à empêcher tout agrandissement des enfants légitimés du roi. Écrits inédits de Saint-Simon, Éd. P. Faugère, t. II, p. 78.
  11. Isambert, XXI, p. 1-44 et suiv.
  12. (1) Isambert, XXI, p. 144-148.
  13. Dupin, p. 132-137.
  14. Dupuy, Majorité de nos rois, p. 7.
  15. Ibid., p. 12, 13.
  16. Guyot et Merlin, II, liv. I, chap. LXXVII, p. 16.
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