Julius Évola entre fascisme et occultisme

Julius Évola entre fascisme et occultisme Quand la franc-maçonnerie soutenait le fascisme, par le Professeur Paolo Taufer

Ainsi se construit l’œuvre de Julius Évola entre fascisme et occultisme, avec une obsession : la quête idéaliste du surhomme grâce à l’initiation et à la magie. Dans ce schéma, le christianisme est l’ennemi à abattre, et Évola est un artisan des « chaînes » magiques, ces rituels destinés à accentuer par influence spirituelle le caractère anti-chrétien du régime de Mussolini. Soyons bien conscients de la subversion opérée par les sectateurs de Guénon et d’Évola quand ils essaient de vendre aux catholiques une bonne gnose qui ferait partie intégrante de la Tradition. En effet, la Tradition primordiale des initiés est l’antithèse de la Tradition catholique, comme le dévoile dans ce texte le Professeur Paolo Taufer. [La Rédaction]

Introduction de Vive le Roy

Le texte qui suit est la première partie d’une conférence du Professeur Paolo Taufer donnée en octobre 1999 et intitulée « I giovani e le rovine di Evola – les jeunes et les ruines d’Évola ».

Nous remercions les Éditions du Sel de nous avoir permis de reprendre leur traduction parue dans la revue Le Sel de la Terre n° 42, automne 2002.

AVERTISSEMENT : Les titres ont été ajoutés par VLR pour faciliter la lecture en ligne.

Étude complète :
1re partie : Julius Évola entre fascisme et occultisme
2e partie : La doctrine de Julius Evola


Préalable sur la Tradition primordiale de René Guénon

L’an dernier, à notre congrès, parlant de René Guénon, je mettais l’accent sur la profonde différence qui sépare le concept guénonien de Tradition, entendue comme Tradition primordiale, de la Tradition catholique.

Un Centre primordial — ou Identité suprême — dont les hommes se seraient éloignés

La Tradition de Guénon est aprioriste, elle a des prétentions à l’universalité, elle est éternelle et immuable.

Elle se réfère aux conceptions indiennes antiques affirmant l’existence d’un Centre primordial, d’une Identité suprême, placée en dehors de tout espace-temps, avec des caractères de totalité, d’infinitude, d’absolu. D’elle, on ne peut rien dire, toute forme de connaissance, y compris indirecte, étant, de fait, exclue, et donc, en dernière analyse, son existence est illusoire.

Les hommes qui s’inspiraient de cette Tradition, prétend Guénon, sont tombés dans une espèce de dégénérescence, à cause d’une forme de chute originelle, qui les aurait progressivement éloignés du Centre primordial auquel, jusqu’à ce moment, ils avaient été reliés dans une union sublime.

Ce Centre, Guénon l’identifiait avec la demeure de la Tradition dite primordiale, dépôt de la sagesse métaphysique éternelle et sans tache. Un éloignement ultérieur et une diversification, consécutifs aux vicissitudes de la création (qu’il préfère appeler « manifestation »), auraient donné naissance aux formes variées des multiples religions, selon les sensibilités naturelles particulières des différents peuples, civilisations et époques, et aux révélations connexes qui s’y rapportent.

L’éloignement de l’homme de son Centre, jusqu’à presque perdre le contact avec lui, aurait culminé avec l’avènement de l’humanisme et de la Réforme, pour en arriver de nos jours à ce que la distance entre le Message primordial et ceux qui auraient dû le recevoir, fût devenue impossible à combler, suscitant un « royaume de la quantité » ou de la matière, en nette et inconciliable opposition avec celui de la « qualité » ou de l’esprit.

Une conception cyclique de l’histoire alternant éloignement et rapprochement du Centre primordial

Guénon assimile l’authentique déchéance du monde moderne à l’âge noir (Kali-Yuga), caractérisé par un inévitable entraînement vers le collapsus final qui constitue la fin même du cycle — conformément à l’optique orientale de l’histoire, conçue non pas comme un flux linéaire d’événements régis par une main providentielle, mais comme un éternel retour le long d’un parcours circulaire qui se répéterait indéfiniment, serait-ce même sous différentes formes.

Ce serait le dernier acte de la « catharsis » [libération], laquelle est nécessaire pour introduire, selon le dogme initiatique, l’humanité dans le nouvel âge d’or.

L’initiation comme chemin de retour et de fusion au Centre primordial, à la divinité

Dans cette perspective, depuis les sommets ésotériques qu’il a atteints, Guénon indique comme unique voie de salut un chemin à rebours jusqu’au Centre primordial perdu, chemin dans lequel le haut initié peut se reconnaître grâce à des techniques ésotériques opportunes.

À cet effet, il encourage l’intuition purement intellectuelle comme moyen électif de connaissance et d’ascèse, tout le long d’un parcours de contemplation fait pour transformer la personne, en lui donnant accès à de nouvelles évidences1.

Évidences confortées par la disparition progressive de toute distinction entre sujet et objet, entre connaître et être, jusqu’à parvenir à l’unique réalité qui éclaire et comprend tout. Là, tout deviendrait unité ; chaque dualisme, chaque opposition serait aplanie, dissoute : en un mot, l’initié, arrivé au terme de son pèlerinage, se confondrait avec la divinité elle-même, serait la divinité même2.

La Tradition primordiale, avec son caractère méta-historique et son opposition au monde moderne, serait ainsi le levain d’une civilisation rigoureusement hiérarchique dirigée par les initiés, dans laquelle chaque activité serait tournée vers le transcendant. Un heureux mariage, pourrions-nous dire, entre des principes sacrés et une élite pour les appliquer, afin de combattre le mal, identifié tout simplement avec tout ce qui contribue à pervertir la dite Tradition.

Une Tradition catholique linéaire et jalonnée par les trois révélations du Créateur

Bien différente est, au contraire, la Tradition catholique, qui rapporte comment Dieu a voulu se manifester aux hommes à travers une série de révélations directes.
– Tout commença par la révélation primitive et la connaissance de Dieu qu’eurent nos premiers parents et les saints patriarches. Révélation reçue et, pendant des millénaires, transmise oralement, jusqu’au moment où elle parvint à l’écrivain sacré, qui la fixa fidèlement dans l’Écriture.
– À cette première révélation s’ajouta une seconde, par l’intermédiaire surtout de Moïse, des saints prophètes et de David, Révélation que la Synagogue recueillera dans l’ancien Testament.
– La dernière Révélation, couronnement des précédentes, est celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui met le sceau définitif à la série des révélations de Dieu à l’humanité, avec la mort du dernier apôtre et l’achèvement du nouveau Testament, désormais complet.

La Tradition apostolique sera la garante de l’authenticité de ces trois Révélations, dont elle explique le sens et qu’elle transmet de façon exacte et véridique tout au long des siècles. Les spéculations théologiques, au cours des âges, en cherchant à interpréter l’Écriture et la Tradition orale, en ont tiré de nouveaux éléments, que le magistère de l’Église a été chargé d’ajouter au trésor du depositum fidei.

La Tradition primordiale mythologique s’oppose à la Tradition chrétienne historique

Laquelle des deux traditions, nous demandions-nous l’an passé, est-elle la vraie ?

La réponse était toutefois simple : si la Tradition primordiale de Guénon était, en effet, la vraie, alors qu’elle s’oppose aux Écritures, nous devrions en conclure que Dieu aurait menti, et que, à cause de cela, il ne serait pas cet Être parfait auquel, seul, par définition, revient la vérité absolue. Il lui manquerait, par conséquent, selon la fameuse preuve ontologique de saint Anselme d’Aoste3, d’exister. Rappelons enfin ceci :
– tandis que, pour le catholique, la lettre et les préceptes de l’Écriture sont réels, comme fut réelle la présence de Dieu quand il les inspira à l’écrivain sacré,
– pour l’homme de la Tradition primordiale, la réalité par excellence est la mythologie, attestée dans toutes les civilisations et chez tous les peuples, et le contenu même de la Genèse ne saurait l’obliger sinon comme un récit fabuleux et légendaire des origines.

Julius Évola : du rejet du dualisme chrétien Bien/Mal à l’adoption de la triade hégélienne thèse-synthèse-antithèse

Nous avons voulu très brièvement synthétiser la doctrine de Guénon pour introduire un autre personnage, que l’on rencontre aujourd’hui spécialement chez les jeunes qui fréquentent les milieux de la droite, celle qui s’insère magnifiquement dans la triade hégélienne thèse-synthèse-antithèse, c’est-à-dire : conservation-médiation-progrès. Ces phases, en effet, dans le domaine politique et, plus spécifiquement, dans le domaine des partis, s’identifient avec droite-centre-gauche.

La droite, justement, représente le conservatisme, une composante qui est donc indispensable au processus dialectique, processus qui fonde toutes les démocraties occidentales actuelles ; et pas seulement les démocraties occidentales : il est arrivé, en effet, à un certain Joseph Staline, petit père d’une foule immense en marche vers le soleil radieux de l’avenir, de se trouver, après quelques décennies à peine, relégué par un Gorbatchev parmi les nationalistes et les conservateurs « de droite ».

Les résultats de ce jeu sont sous les yeux de chacun : la logique, reflet du Logos, qui fonda l’Occident, est désormais jetée à la mer. Alors que la société était solidement assise sur les notions de vrai et de faux, de bien et de mal, nous voyons, dans la démocratie, toute situation rendue précaire, toute vérité provisoire, prise dans le flux continuel et artificiel de cet absurde processus triadique.

Le personnage annoncé est Julius Évola, un penseur italien qui, à un certain moment de sa vie, rencontra justement Guénon. De cette rencontre, jaillit le trait d’union qui manquait à Évola pour conférer à sa doctrine l’aspect d’un corpus organique, c’est-à-dire l’insertion dans le grand fleuve de la Tradition primordiale. Il nous faut introduire d’abord la définition de la Tradition telle que la comprend Évola :

La Tradition, dit Évola, est un ordre hiérarchique et qualitatif centré sur une spiritualité transcendante et sur une élite de représentants qualifiés et légitimes4.

Quand Évola rencontra Guénon, en 1928, il avait 30 ans et Guénon 42. Guénon lui avait été présenté par un haut initié, Arthur Reghini, martiniste et 33e degré de la maçonnerie de Rite Écossais, avec lequel Évola avait fondé un groupe qu’ils avaient appelé du nom mystérieux de Ur. Guénon était aussi un 33e degré — et plus que cela — depuis déjà 17 ans. Évola, en revanche, avait fait un parcours singulier sur lequel il est opportun de s’arrêter afin de mieux situer le personnage et sa doctrine.

Genèse des doctrines évoliennes de l’homme supérieur et de l’idéalisme magique

Un jeune aristocrate peu fortuné, mais aux centres d’intérêts multiples

Giulio Cesare Andrea (Julius) Évola naquit à Rome le 19 mai 1898, dans une famille catholique d’aristocratie déchue, qui avait de lointaines ascendances espagnoles. Quant au titre de baron dont il se décorait, il y avait effectivement droit, même si sa situation économique n’y correspondait pas, comme semble l’indiquer le travail de sa mère qui était employée au bureau technique des Postes de Rome5.

Évola suivit des études de technologie et de mathématiques jusqu’à l’achèvement d’un cycle de cours en ingénierie, sans d’ailleurs en obtenir le diplôme, « par mépris du titre », dit-il6.

Parallèlement, grandissait en lui un intérêt bien plus grand pour la philosophie et pour l’art, ce qui le conduisit, vers 1915, à entreprendre une activité de peintre et poète. Il fréquenta des futuristes comme Marinetti, l’auteur du Manifeste de la littérature futuriste, et Depero, expert en art pictural d’avant-garde, mais développa bien vite ses propres formes figuratives inspirées de l’ésotérisme.

La Grande guerre voit mûrir chez Évola l’ambition de l’homme supérieur

En 1917, il fut admis comme élève officier artilleur, puis envoyé sur le haut plateau d’Asiago, où cependant il ne participa à aucun fait d’armes important.

De cette période date sa rencontre avec Giuseppe Bottai, dont il partagea l’existence militaire. Il s’arrangea pour tisser avec lui des liens de collaboration, qui devaient ensuite se révéler précieux lorsque Bottai devint un hiérarque fasciste, pour le tirer d’embarras dans ses rapports parfois orageux avec le régime7.

Sa position sur la guerre était favorable à la Triple Alliance, conformément à la position idéologique qu’il était en train de mûrir, qui voyait dans le monde germanique et dans l’esprit prussien la survie de ces vertus héroïques et guerrières, jadis apanage de la latinité, typiques de l’homme supérieur et, à cause de cela, en nette antithèse avec les idéologies nationalistes et démocratiques de l’époque. Le Dictionnaire biographique des Italiens raconte que…

… ce fut précisément durant la période de la guerre que, dans un moment de tension autodestructrice, tenté de « rompre et de dépasser la réalité des sens », il fit pour la première fois usage de stupéfiants, usage qu’il continua jusqu’en 19258

Enclin à l’action et à l’affirmation, Évola avait toujours montré une intolérance marquée pour la vie commune, vie qu’il estimait banale et indigne d’être vécue. Pensée qu’on trouve déjà chez Nietzsche quand, à la médiocre et mesquine société bourgeoise de l’époque, il opposait un individu, le surhomme, personnage qui « est, à soi–même, sa propre loi9 ». Évola resta conquis par de telles idées et son activité ne consistera au fond qu’à les regrouper pour tenter de les réaliser pratiquement.

L’après-guerre et la séduction des doctrines orientales qui divinisent l’homme

La guerre finie, en 1920, Évola prend ses distances avec le futurisme nationaliste et adhère au dadaïsme10 de Tristan Tzara, pseudonyme du juif roumain Samy Rosenstock, qui, surtout en France, sous l’enseigne de ce mouvement artistico-littéraire, mena bataille contre le langage et la logique avec un certain bruit. C’est de cette période que date une copieuse production de tableaux d’Évola qui le porta à organiser d’importantes expositions personnelles à Rome, Berlin et Paris.

On arrive ainsi vers 1923, quand Évola décide de mettre un terme à son expérience artistique et poétique, pour se consacrer entièrement à l’étude des doctrines orientales, particulièrement du taoïsme et du tantra. Il approfondit la connaissance de la philosophie athée bouddhiste, et s’allume en lui le désir d’accéder à ce qu’on appelle les « états supérieurs de l’être ». Les sources vers lesquelles Évola se tourne sont les mêmes que celles de Guénon : les livres du Veda, les Upanishad, où …

… l’homme est considéré comme Dieu lui-même, même si c’est dans un état d’inconscience et d’étourdissement11

En chemin vers l’idéalisme

La prétendue phase philosophique et spéculative d’Évola12 prend alors son départ ; elle se poursuivra grosso modo jusqu’au moment de sa rencontre avec René Guénon, et sera à l’origine, sinon de toutes ses principales œuvres, du moins des idées qui les fondent. C’est aussi la période la plus intéressante pour les considérations que nous entendons développer dans cette étude, étant donné que l’étape suivante, la phase politique, ne consistera qu’en une application et un effort de diffusion, surtout parmi les non initiés, des idées précédemment mûries.

Vers 1925, Évola a désormais défini et développé ses positions philosophiques sur l’idéalisme, positions qu’il résume dans deux livres : Idéalisme magique et L’Homme comme puissance.

L’impasse de la philosophie idéaliste : son principe du Moi-absolu nie l’expérience du Moi-empirique

Nous devons ici marquer une pause.

Le principe idéaliste fondamental affirme que toute réalité (= non Moi) est une représentation que se fait le Moi ; c’est comme si l’on disait qu’un objet, même s’il est aussi massif qu’une montagne, n’existe que dans la mesure où je le perçois (voir l’esse est percipi de Berkeley, pour qui toutes les propriétés des corps ne seraient que des idées de notre esprit13). En dehors de cette perception, je ne puis rien dire sur la montagne, je ne sais même pas si elle existe, donc la montagne est posée, « créée » par le Moi, autrement dit c’est la puissance du Moi qui fait, oui, qui fait que la montagne existe (le pensant coïncide avec le pensé).

Il s’ensuit que, pour l’idéalisme, aucune réalité ne se détermine sans le Moi et le monde devient une représentation de soi-même ; il s’ensuit aussi que si le Moi détermine la réalité, il est transcendant par rapport à elle. On peut alors aussi, en renforçant ce concept, en arriver à l’affirmation qu’il existe un Moi absolu, unique, puissant, absolument libre, « au-dessus » de la pensée humaine, qu’on ne peut concevoir.

Mais mon expérience (ce qu’on appelle la « conscience empirique ») me démontre toutefois qu’il existe un monde différent de moi et qui n’est pas le Moi que j’ai postulé pour déterminer le monde.

Pour les idéalistes, Dieu ne peut pas être transcendant, c’est-à-dire distinct du sujet pensant, parce qu’en dehors de celui-ci, il n’y a rien. Il n’y a donc rien d’autre que le Moi absolu, selon une conception clairement solipsiste14 et immanentiste.

L’idéalisme magique d’Évola lève l’impasse idéaliste grâce à l’initiation 

Jusque-là, Évola présente beaucoup d’affinités avec cet idéalisme dont l’étendard fut porté par des célébrités comme Fichte, Schelling, Hegel, Nietzsche, mais aussi Benedetto Croce et Giovanni Gentile ; il hérite spécialement de Nietzsche, tout en puisant également à l’actualisme15 contemporain de Gentile.

Il en surmonte pourtant l’impasse en forçant le postulat du Moi jusque dans ses conséquences extrêmes.

La « conscience empirique », dit Évola, impose sans contredit des limites, mais la contradiction entre elle et le Moi absolu est seulement apparente, c’est une illusion qu’il ne nous est pas donné de franchir. C’est comme si l’on disait que le principe de contradiction auquel on revient continuellement doit être forcé, parce qu’il résulte de l’étroitesse de l’esprit humain accoutumé à agir seulement sur une base logique d’affirmation et de négation et, par suite, incapable de concevoir d’autres dimensions, celles-ci irrationnelles.

La solution consiste donc à combler cette distance entre le Moi absolu et le moi empirique limité par la réalité externe, de façon à surmonter la « privation » que le moi empirique représenterait pour le Moi absolu.

Plus explicitement : Comme le raisonnement logique mène à l’impasse du principe de non-contradiction qui lie et conditionne le moi empirique, et comme le Moi absolu doit de toute façon exister, il faut le rejoindre, c’est-à-dire rejoindre son propre Moi profond, lucide, authentiquement réel, par un autre chemin, chemin qu’Évola identifie avec l’initiation.

Se justifie, dans une telle voie, le recours à des techniques magiques capables de mettre l’initié « au-delà » de la condition humaine commune, en situation d’accéder à sa propre profondeur. D’où l’appellation d’« idéalisme magique » donnée à ce courant de pensée dont Évola est devenu le champion — terme déjà adopté, du reste, plus d’un siècle auparavant, par le poète romantique allemand Novalis, avec le sens de domination de l’esprit sur le corps et sur le monde extérieur.

Guénon et Évola : deux doctrines voisines mais divergentes

Évola ambitionne de s’élever par la magie pour plier le monde à sa volonté comme Dieu

L’entreprise d’Évola est donc une « élévation », une transformation interne de la personne au moyen de la magie initiatique : est mage, en effet, celui qui connaît les techniques pour acquérir le pouvoir — caractéristique du divin — de plier le monde à sa volonté jusqu’à s’établir comme son principe. Se rendre maître de cette puissance, de cette volonté, devient dès lors le centre de toute la construction philosophique d’Évola.

Par cette voie, Évola estime avoir dépassé les limites du nihilisme16 de Nietzsche dans lequel il regrettait l’absence d’un principe transcendant de référence, d’un principe métaphysique indispensable pour inciter à se libérer de la réalité.

La Tradition primordiale de Guénon permet à Évola de tout reconstruire en faisant table rase du passé

On comprend facilement comment, sur ce point, la rencontre avec Guénon allait apporter la solution. C’est, en effet, dans la Tradition primordiale de Guénon qu’Évola, vers 1928-1929, réussit à dégager le fondement culturel d’une reconstruction de la civilisation humaine sur de nouvelles bases — encore que très anciennes — comme il le reconnaît lui-même :

L’œuvre de Guénon m’aida à réunir tout l’univers de mes idées selon un plan plus adéquat17.

En effet, le jeune Évola, jusqu’en 1928, tenait en substance les positions progressistes et évolutionnistes conformes à l’idéalisme auquel il adhérait, lequel est dominé par l’idée que la modernité est le sommet d’une civilisation bimillénaire et par le principe dialectique qui veut que chaque nouvelle phase de l’histoire complète la précédente.

Les approches guénonienne et évolienne : similitudes et divergences

La rencontre avec Guénon provoqua un bouleversement dans ces opinions : pour la première fois, en 1929, Évola se déclara ouvertement antiprogressiste et, de manière générale, antimoderne.

Évola, du moins dans un premier temps, s’accorda avec Guénon pour dire que l’Occident avait perdu la Tradition primordiale originelle et ne pouvait plus se tourner que vers l’Orient, mais, très vite, il renversa sa position et se mit au contraire à introduire dans toute son œuvre l’idée qu’il existe une Tradition primordiale occidentale originale.
– Tandis que le parcours tracé par Guénon pour remonter vers le Centre primordial, vers les prétendus « états multiples de l’être », transitait, rappelons-le, par l’initiation sacerdotale et la doctrine de l’inexprimable,
– la voie choisie par Évola pour résoudre la question centrale de sa philosophie, c’est-à-dire l’aboutissement au « Moi absolu », s’enracine essentiellement dans la réalisation initiatique atteinte par n’importe quelle action humaine supérieure — encore que cela n’exclut pas a priori des opérations de type contemplatif — que ce soit l’ascèse guerrière, l’action héroïque ou, même, un usage « magique » de la sexualité.

Le livre-manifeste de la doctrine évolienne est lui-même emblématique de cette différence de points de vue :
– alors que Guénon intitule son ouvrage : La Crise du monde moderne,
– Évola aborde le même thème de façon plus « dynamique », et le titre du livre qu’il destine aux élites qui, à son point de vue, doivent guider les sociétés humaines, devient : Révolte contre le monde moderne.

L’opposition avec Guénon, en dernière analyse, se concentre sur la conception de la puissance, opposition qui, progressivement, s’érigera en barrière infranchissable à l’encontre de la métaphysique guénonienne.
– Celle-ci, en effet, est fondée sur les doctrines orientales qui reposent sur la négation de l’action, chez qui tout ce qui est changement et agitation prend une connotation négative.
– Pour Évola, au contraire, l’action et la réalité concrète constituent l’essence même de sa doctrine.

L’initiation chez Évola

Les deux livres qui éclairent la pensée évolienne sur l’initiation

Pour tenter de saisir l’essence de la « réalisation » initiatique, qu’il faut interpréter comme une transformation interne de l’individu pour accéder aux « états supérieurs de l’être », la lecture de livres comme Le Mystère du Graal ou La Tradition hermétique d’Évola est très profitable et éclairante.

Il s’agit de deux versions du même thème, qui se complètent et s’éclairent mutuellement, et sont plus immédiatement abordables que des œuvres similaires, par exempleL’homme et son devenir selon le Vêdânta18 de René Guénon (1926), qui est de lecture et de compréhension difficiles à cause des fréquentes allusions aux concepts initiatiques nébuleux et rebutants des doctrines hindoues. Ces aspects ne posaient, au demeurant, aucune difficulté à Évola et il y fait d’ailleurs constamment référence dans l’élaboration de sa Tradition hermétique, publiée en 1931.

La Tradition hermétique ou science secrète apte à conférer un pouvoir surnaturel

Dès les premières pages de cette œuvre, Évola se réfère à « un enseignement secret, de nature sapientiale et en même temps pratique, opérationnelle », à une « science réelle », avec une « signification concrète et ontologique, apte à conférer éventuellement certains pouvoirs surnaturels », à « une science sacrée », désignée généralement par le terme de Ars Regia, en filiation directe et légitime de la Tradition primordiale19.

Pratiquée par les anciens alchimistes jusqu’au Moyen Âge, l’Ars Regia se cachait sous de multiples appellations et de fumeuses allusions à des connaissances astrologiques et aux éléments chimiques, recourant à un symbolisme qui, au regard méfiant de l’Église et des non-initiés, la faisaient paraître plutôt comme une science expérimentale, succédané grossier de la chimie moderne, que comme une praxis initiatique :

Étrangère à l’esprit chrétien, la doctrine hermétique, justement grâce au caractère impénétrable de son travestissement métallurgique, a pu se perpétuer dans les périodes historiques dominées par l’islamisme et le catholicisme, […] sans subir, en chemin, de déformations importantes20.

L’initiation pour réaliser le « Grand Œuvre » maçonnique passe par la séparation âme/corps

Le parcours initiatique qui devra conduire au Grand Œuvre, à la Construction du Temple, allégories qui, toutes deux, décrivent le fait d’atteindre un état ontologique supérieur, passerait donc d’abord, selon Évola, par une séparation tourmentée, mais réelle du corps « d’avec l’âme » (phase qui correspond à ce que l’on appelle Arte spagirica, l’art « séparatoire » des textes maçonniques), durant laquelle la constance de l’initié serait mise à dure épreuve par l’effort de maintenir éveillée la conscience…

… en fortifiant son esprit contre tous les dangers de l’hallucination et de l’épouvante21.

Le regard et l’attention doivent être appliqués
– à « se rendre maîtres absolus de l’enveloppe animale »,
– à alimenter un sentiment continuel de supériorité absolue sur la matière, de façon à « […] délivrer la volonté de quelque dépendance que ce soit et l’habituer à dominer », avec une tension inflexible, en vue d’obtenir une domination mentale absolue, imperturbable.

Il faut étendre cette domination, par un désir constant, non plus seulement au corps lui-même, mais aussi à ses passions et affections, à l’égard desquelles l’initié doit parvenir à entretenir une suprême indifférence22. On constate là l’étroite ressemblance avec l’ascèse bouddhiste qui conduit à l’état « nirvanique » (nirvâna = extinction de l’agitation), suprême séparation de toute réalité matérielle.

L’initié en transe, aidé par une mystérieuse « Lumière », accède à la connaissance divine enfouie en lui

Dans un état extatique semblable aux transes — état auquel l’initié accéderait grâce à un exercice assidu, en s’exposant à des risques psychophysiques sérieux (état qu’on peut presque décrire comme un songe magique, où la conscience resterait en situation de veille, ancrée dans l’exaltation absolue de sa volonté, comme en « maîtrise d’extase active ») — dans cet état donc, à un certain moment, une mystérieuse « manifestation de la lumière » viendrait aider l’initié.

C’est le stade du « dépassement du sommeil », typique « de l’art royal des héros » : Est héros celui qui a dépassé la mors triumphalis spirituelle et qui est, à cause de cela, digne de rétablir le temps de l’âge d’or. Ce sont les alchimistes qui …

… ont libéré le plomb de ses « lèpres », [l’ont délivré] de ses imperfections et obscurités, le transmutant en or et réalisant, par cette voie, « le Mystère de la Pierre » ; [expressions symboliques où] l’or et […] la « pierre de fondation » sont autant de renvois à la Tradition royale primordiale23.

Dans cette phase de « réveil » intérieur, de redécouverte et de remontée à la surface de la déité cachée dans les profondeurs de lui-même, l’initié est ravi par le « chant des oiseaux », la langue des êtres de l’air — non terrestres — qui symbolise le domaine supérieur des dieux et des anges, langue qui lui donne accès à la compréhension du langage secret de la nature et des relations mystérieuses qui soutiendraient la trame de l’univers24.

Il ne peut nous échapper à quel point Évola fait référence à des auteurs qui identifient, dans le langage alchimique chiffré, la « Lumière » qui se manifeste à l’improviste à l’adepte pour lui rendre évidente la suprême essence de l’initiation — Lumière appelée aussi « Or » ou « Soleil », symboles qui renvoient tous deux à la Tradition primordiale — avec « l’esprit occulte du monde25 ».

« Celui qui a déjà un fil d’Ariane assuré peut s’aventurer de lui-même » (dans de telles interprétations), ajoute Évola. Pour le catholique qui n’a pas oublié les paroles de saint Jean sur l’esprit du monde, ce fil ne devrait certes pas faire défaut.

Solve, interprétation maçonnique de la passion et de la mort du Christ

La logique conduit à des conclusions qui ne doivent donc pas surprendre : en lisant, en effet, le parcours initiatique décrit par Évola, et résumé ici à grands traits vraiment sommaires, on discerne facilement un aspect parodique de la passion, de la mort et de la résurrection de Notre-Seigneur.

Passion et mort sont représentées par la peine de l’initié qui, à l’aide des arts magiques, doit se détacher de sa matérialité corporelle et de toute affection mondaine. C’est la phase nécessaire du solve [de la dissolution] de tous les aspects de sa vie précédente d’être humain « commun », dans l’attente fidéiste d’une « résurrection » en un être supérieur, de nature tout à fait différente et supérieure à celle du commun des mortels.

Ce moment, que les initiés marquent par la présence emblématique du sang et de l’eau26, devra conduire l’adepte à « arracher l’épée du rocher », c’est-à-dire à libérer un pouvoir d’ordre supérieur (la sagesse ésotérique) que la matérialité, figurée par la pierre, tient caché en elle-même, et la porter à la lumière du soleil, à l’imitation des aventures d’Arthur, le roi-guerrier de la Table Ronde qui, sous la conduite de Merlin, le mage — personnification du côté transcendant de soi-même —, réussit dans l’entreprise d’acquérir une connaissance et un pouvoir supranaturels.

La mort initiatique, suivie de la « descente aux enfers », est assimilée au « principe horizontal », symbole de la cessation de toute matérialité, en attendant de retrouver la dimension « verticale ».

Coagula, interprétation rosicrucienne de la résurrection et de l’ascension du Christ

En un sens transcendant, c’est la phase suivante du coagula, caractérisée par la résurrection spirituelle et l’« ascension » au ciel. Les deux moments se réintègrent pour former la croix avec, cependant, une rose au centre, symbole de résurrection et d’éveil à l’immortalité atteinte27. Ainsi donc, la « réalisation » [initiatique], la palingénésie [régénération] libératoire, avec sa phase de « manifestation de la Lumière » serait à ce point totale, libérant tout son potentiel de « caractère de réalité » absolu28.

Les conséquences sont alors des plus importantes.

Les pouvoirs acquis par l’initié lors de l’illumination

Et d’abord, l’homme régénéré dans le Grand Œuvre, l’Adepte « réuni à la Lumière », appelé encore « Or blanc » ou « Pierre blanche » ou « Soufre » ou « le Vivant », serait soustrait à sa nature d’homme mortel, se déplaçant dans une nouvelle condition d’existence, dans des dimensions qui ne sont plus limitées par les liens naturels, absolument étranger à la « foule de ceux qui ne sont pas initiés », qu’il voit, de l’empyrée où il se meut, « s’écraser et se pousser dans la boue et dans les ténèbres29 ». L’homme « différencié » — autre locution pour désigner cette figure supérieure — est placé désormais sous l’emprise d’« influences spirituelles » qui impliquent non seulement « l’acquisition d’une gnose », « mais aussi d’un pouvoir » [en italique dans l’original].

Ces influences expliquent une action, qui …

… si elle n’est pas toujours apparente, outrepasse pourtant de façon incommensurable tout ce qui est au pouvoir de l’homme30.

Celui qui est « rené » n’est plus « touché par la mort » ; le corps est transmuté en « corps glorieux » où « Esprit et Corps sont devenus une seule chose ».

La transformation a un caractère permanent ; le corps est devenu un tout avec la « force de vie » qui le soutient, c’est pourquoi … …

il est naturel que bien peu puissent être frappés de la destruction et périr avec leur corps31.

Quand il lui plaît de mourir — de sortir de la condition humaine [à nouveau la parodie du Seigneur Jésus], il choisit une personne capable de lui succéder, c’est-à-dire d’assumer la fonction, qui de cette façon se poursuit inchangée32.

« L’illumination et l’exaltation de toutes les facultés humaines33 » font en sorte que L’Ars Regia34 n’a plus de secrets dans ses mains, et qu’il peut en user pour exercer la domination qui lui revient sur la foule immense des non-initiés :

… Il prend soin seulement à ce que certaines choses arrivent [en italique dans l’original] : il place exactement les moyens et les conditions, il agit et c’est tout35.

Il s’agit donc d’une « science prophétique » qui s’explique …

… par le statut d’un Moi uni à certaines puissances déterminant les événements du monde extérieur36.

Puissances auxquelles il a été permis de régner sur la terre et que saint Jean, dans sa première Épître, détermine avec une clarté parfaite.

La magie et ses effets

La question de la réalité des pouvoirs de l’initié pratiquant la magie

On ne peut, parvenu à ce point, éluder l’objection : la magie peut-elle vraiment donner des pouvoirs réels, ou bien ne se réduit-elle pas, plutôt, à un fouillis de suggestions, voire à de véritables charlataneries, ou encore, n’est-elle pas le fruit d’imaginations ardentes ou malades ?

Qu’on nous permette cette argumentation :
– il est établi qu’aujourd’hui les maçonneries de haut degré, les cénacles occultes les plus élevés, les sociétés supérieures très fermées, qui se meuvent dans de suprêmes concentrations de pouvoir, dont les organismes internationaux comme l’O.N.U. sont l’expression37, sont, en fait, les véritables régisseurs des peuples et exercent leur volonté selon des plans de moins en moins cohérents.
– Or le nombre des régisseurs est très réduit : il en découle que c’est seulement du très grand pouvoir qui leur est conféré, que peut venir l’indispensable et totale obéissance du groupe de direction bien plus nombreux qui occupe les niveaux exécutifs inférieurs. Pouvoir qui, de par sa nature, ne peut aucunement émaner du peuple, contrairement à ce que proclame l’illusoire dogme laïciste et démocratique. Alors, d’où vient-il ?

Seul un petit nombre est habilité à dominer par la magie des forces inconnues et dangereuses

Nous cédons la parole au savant ésotériste René Guénon, dont l’autorité en la matière est hors de question, de même que la connaissance intime et directe de ces arcanes :

La magie est proprement une science expérimentale. […] Si la magie a été considérée plus ou moins comme une « science occulte », réservée à une minorité, c’est à cause des graves dangers qu’elle présente. De ce point de vue, il y a une différence entre ceux qui, s’entourant de toutes les précautions nécessaires, provoquent consciemment des phénomènes dont ils ont étudié les lois, et ceux qui, au contraire, totalement ignorants de ces lois, se mettent à la merci de forces inconnues38.

Dangers ébauchés — comme on l’a vu — également par Évola, qui n’est certes pas du tout un naïf en la matière :

Nous croyons — dit Évola — qu’on ne peut pas enquêter sérieusement sur l’histoire des sociétés secrètes des siècles derniers, y compris la maçonnerie, si l’on ne pense pas à la possibilité que des forces obscures, à un certain moment, ont agi sur des personnalités qui s’étaient aventurées dans le suprasensible, sans avoir la qualification requise pour être vraiment des « illuminés » et donc pour prévenir les pièges propres à un tel pouvoir39.

Et il poursuit :

En considérant. « l’efficacité de direction » de l’organisation [de la maçonnerie moderne], surgit la sensation précise d’avoir en face de soi […] une force obscure. Dès lors, il est bien possible que ses rites soient moins inoffensifs qu’on ne le croit [NB : c’est nous qui soulignons], car, en de nombreux cas, sans que ceux qui y participent s’en rendent compte, ils établissent justement le contact avec cette force, insaisissable pour la conscience ordinaire40.

C’est pourquoi, observe Guénon :

D’autre part, il est nécessaire de noter que ceux qui ont une connaissance complète et profonde de ces choses, s’abstiennent toujours rigoureusement des pratiques de magie, à part quelques cas tout à fait exceptionnels, dans lesquels, du reste, ils agissent de façon totalement différente du mage ordinaire […] qui ne connaît pas toujours les véritables raisons de tout ce qu’il fait.

Distinguer la magie qui exploite les forces naturelles de la magie sacrée destinée à asservir le divin

Guénon fait une autre distinction entre la magie, qui exploite les seules forces naturelles, et la théurgie [la magie sacrée appliquée à asservir le divin à sa propre volonté] dont les effets, …

… même quand ils ressemblent à ceux de la magie, en diffèrent totalement en ce qui concerne la cause ; et c’est précisément la cause — et non le phénomène produit par elle — qui est, dans ce cas, d’ordre transcendant.

À ce propos, il recourt à une analogie avec la doctrine catholique, et c’est peut-être la seule fois dans toute son œuvre :

Il y a des phénomènes, extérieurement semblables en tout, qui ont été constatés chez des saints et chez des sorciers41 ; or il est évident que c’est seulement dans le premier cas que peut leur être attribué un caractère « miraculeux » et proprement « surnaturel » ; dans le second cas, ils peuvent tout au plus être « préternaturels42 ». Donc, si les phénomènes sont les mêmes, la différence ne résidera pas dans leur nature mais uniquement dans leur cause43.

Il y a une façon d’agir, conclut Guénon …

… dont le principe consiste à condenser en soi les influences [« errantes », selon la définition qu’il leur donne, dues à des êtres non humains de « l’état subtil »], de façon à pouvoir s’en servir à volonté, et à avoir ainsi à disposition une possibilité permanente de produire des phénomènes déterminés44.

Si nous devons donc en croire Guénon, il faut admettre l’existence d’un rapport de cause à effet entre pratiques magiques et pouvoirs quasi illimités conférés au mage. C’est ainsi qu’acquièrent une valeur également probante des déclarations comme celle trouvée dans un livre de Jaime Ayala Ponce, 33e degré du Rite écossais, membre du Conseil suprême du Mexique :

Il est vraiment nécessaire de se rendre compte que les sciences occultes ne sont pas imaginaires comme les décrivent les encyclopédies ordinaires. Elles sont réellement et absolument vraies et valides, surtout, extrêmement inquiétantes et dangereuses entre les mains de ceux qui ne savent pas en faire un bon usage. Elles enseignent à utiliser les secrets de la nature pour développer les facultés latentes de l’homme, ce qui le place dans un injuste avantage par rapport à d’autres plus ignorants sur la question. […] Si l’occultiste, au lieu de mettre au service de l’humanité ses connaissances, sa force de volonté et ses pouvoirs mentaux, avec humilité et abnégation, les utilise au contraire pour son profit particulier et égoïste, il se transforme en un ennemi terrible du genre humain, car les connaissances et les pouvoirs acquis le placent bien au-dessus d’une personne quelconque de la vie ordinaire. Quiconque entend entrer dans l’occultisme sans une profonde connaissance de la raison philosophique des pouvoirs en question, est semblable à un missile à tête nucléaire lancé sans cible fixe bien déterminée. Qu’on se rappelle Hitler et la Seconde Guerre mondiale45 !

Exemples de pouvoirs acquis par la magie selon Évola

Mais, en somme, quels seraient ces pouvoirs ? D’après Évola, ils seraient les suivants :
– lecture de la pensée ;
– capacité « d’éveiller en d’autres êtres des pensées, images ou schémas d’actes déterminés (« commandements mentaux ») » ;
– « projeter en d’autres êtres non seulement des images, mais aussi des émotions et des états affectifs en général » ;
– possibilité de maîtriser une « forme » ou un « corps subtil » séparé du corps physique par des phénomènes de bilocation ;
– possibilité de revêtir des formes corporelles différentes ;
– possibilité de se porter instantanément en un point quelconque de l’espace ;
– invisibilité ; pouvoir sur les forces de la nature46.

Voilà, discrètement révélé, le motif pour lequel les principales « corporations » américaines estiment devoir investir, sur les dix prochaines années, des montants de l’ordre de quatre milliards de dollars par an pour des consultations New Age, en vue d’« élever la conscience » de leurs dirigeants au moyen de pratiques magiques47.

Évola et le tantrisme. Le Groupe d’Ur

En généralisant, nous pourrions dire, sans crainte d’être démentis, que le propre de tout haut initié est de substituer le Moi à Dieu, ou, selon Évola : de se transformer en « cet être qu’on a voulu être48 ».

Cela se fait par un processus — nous le répétons — celui de la « réalisation métaphysique », qui s’appuie, selon les initiés eux-mêmes, sur une ascèse progressive, fondée sur l’instrument intuitif et sur l’utilisation de techniques de magie.

De ce chemin, la raison doit être rigoureusement éliminée en tant qu’elle est un instrument inférieur, totalement inadapté à pénétrer dans les « espaces » surhumains. C’est le même phénomène, affirment-ils, que les élévations des mystiques chrétiens, réussissant ainsi à confondre l’ascèse mystique produite sous l’effet de la grâce avec l’itinéraire faustien, à savoir un parcours d’auto-salut dirigé par des forces d’origine clairement infernale.

On peut présumer qu’Évola vécut cette phase vers la fin des années 1920, dans les cénacles qui aboutirent au Groupe d’Ur [Ur est défini comme « le feu terrible des initiations magiques49 », feu qui se réfère aux origines comme semble l’indiquer la langue allemande où ce mot est utilisé comme préfixe], groupe fondé avec Reghini en 1927 et dirigé par Évola jusqu’en 1929. Le Groupe d’Ur fut le résultat du parcours qui l’avait vu s’engager dans l’étude des doctrines orientales, surtout des Tantra de l’Inde ancienne50.

Le Tantrisme, ou la doctrine élitiste de l’identification de l’initié au monde et à Dieu

Les Tantra correspondaient à merveille à la vision élitiste et aristocratique d’Évola. Leur doctrine, en effet, est centrée sur le concept de puissance de l’homme supérieur lequel, niant quelque dualisme que ce soit entre le monde et Dieu, en arrive à affirmer que le monde et l’univers sont sa création, s’identifiant ainsi avec le principe absolu lui-même : le Brahma.

L’homme Tantra est l’homme héroïque, le Vîra, qui …

… dépassant tout lien, tout dualisme entre bien et mal, vertu et faute, honneur et honte, s’élève à l’absolue anomie [absence de loi], devenant « celui qui a pour unique loi sa propre force »51.

On ne peut pas ne pas voir la très étroite communauté de vues avec les courants philosophiques super-mystiques que Nietzsche, dans sa doctrine, avait hérité de l’Orient.

Des formes de yoga comme techniques pour et dominer en s’affranchissant du bien et du mal

Sur la base des connaissances qu’il avait acquises, Évola écrivit L’Homme comme puissance dans lequel, en même temps que les doctrines de la puissance, il considère les diverses formes de Yoga, ou encore les techniques pour acquérir cette puissance et, à travers elles, conquérir la transcendance.

En particulier, il s’attarde à approfondir quelques formes particulières de Yoga, moins contemplatives que d’autres et aptes à libérer, au moyen de rituels initiatiques, la puissance cachée dans l’homme pour l’élever à un niveau supérieur et en faire un dominateur52.

Ajoutons que les Tantra sont des textes canoniques du culte de Durga ou de Kali ou de Parvati (femmes de Shiva) — prescriptions qui ne sont pas exemptes d’obscénités et d’orgies.

Le mysticisme érotique tantrique s’auto-justifie par le principe selon lequel, même les actes immoraux ordinairement réprouvés, une fois libérés de la relativité mondaine, deviennent un moyen pour atteindre des formes d’illumination, tandis que la propre exaltation des forces du sexe, volontairement suscitées, met à l’épreuve l’incorruptibilité du yogi parfait (siddha) en contact avec quelque impureté morale.

Il s’agit là d’un parcours auquel Évola consacra diverses œuvres parmi lesquelles Métaphysique du sexe, publiée pour la première fois en 1958. Dans cet ouvrage est explorée la magie sexuelle tantrique comme instrument possible d’accès au Moi absolu53. Il s’agit d’une œuvre qui insiste sur ce qu’on appelle la Voie de la Main Gauche54, réservée à…

… ceux dont la qualification […] est « virile » ou « héroïque » […] ; ils sont ainsi qualifiés pour pouvoir ne tenir aucun compte de toute dualité de contraires : bien et mal, mérite et faute, et de toute opposition analogue de valeurs humaines55.

Devenir des dieux en péchant profondément

Dans sa version destructrice et dissolvante, la Voie de la Main Gauche conduit, par les pratiques tantriques, au « mépris de toute loi et norme », d’où il s’ensuit que l’adepte, ou siddha, peut faire tout ce qu’il veut56, niant ainsi …

… toute véritable distance entre Créateur et créature, par une anomie déclarée — c’est-à-dire par le mépris aussi bien des lois humaines que divines57.

En substance, on deviendrait des dieux en péchant profondément : C’est seulement en péchant en profondeur, en effet, qu’on atteindrait, selon les gnostiques, la liberté à l’égard de la « Loi » du Démiurge.

Évola le fait en participant à des « unions mystiques » perverses, tendant à la reconstitution de l’« androgyne original », du « couple divin éternel » de la Tradition primordiale, grâce à un processus de « transsubstantiation » — comme l’appelle Évola en empruntant le terme au catholicisme — qui ferait fleurir des « présences réelles58 » et serait à même de favoriser la greffe de forces transfigurantes, que nous, en toute sérénité, n’hésitons pas à caractériser de sataniques.

Évola disciple du Franc-Maçon fasciste Arturo Reghini

Reghini, le néopaïen se dénommant lui-même « Vivaire de Satan »

Le néopaïen Arturo Reghini (1878-1946), tête du pythagorisme italien59, fut une figure très significative dans la formation d’Évola. Reghini était un mage, 33e degré de la maçonnerie de Rite écossais de la Piazza del Gesu, à Rome60, animateur, en 1924, des revues d’études initiatiques Ignis et Atanôr61, revues dont la publication ne dura que trois ans et que Reghini confia à la direction d’Évola.

C’est encore à Reghini qu’Évola dut son approfondissement des traditions sacrées et initiatiques de l’antique Rome. Il était un maçon d’une grande intelligence :
– membre du rite égyptien de Memphis Misraïm,
– du rite philosophique italien (auquel il associa, le 20 octobre 1913, comme membre honoraire, le mage noir Aleister Crowley),
– il passa ensuite au martinisme, puis à des positions opposées à ce courant.
– Membre de l’Ordo Templi Orientis — le même que celui de Crowley — où l’on pratiquait la magie rouge ou sexuelle62,
– son nom apparaît parmi ceux des fondateurs de la Société Théosophique en Italie.

Traitant du milieu initiatique et magique de ces années-là, l’évolien Sebastiano Fusco écrit que …

… un de ses représentants les plus illuminés [était] le grand Arturo Reghini, dont les rapports initiatiques étroits avec Aleister Crowley sont bien connus ; il [Reghini] aimait se définir lui-même comme le Vicaire de Satan63.

Reghini, soutien actif du régime fasciste pour rétablir un pouvoir païen

Férocement antichrétien et antidémocratique, Reghini appuya le fascisme dès sa naissance, lui assignant comme symbole le faisceau du licteur64 : un faisceau de douze verges liées ensemble à une hache65, que les licteurs de l’ancienne Rome — figures emblématiques qui, au nombre de douze, précédaient les hauts magistrats dont ils formaient l’escorte — utilisaient pour exécuter les condamnés à mort.

Le terme de « fascisme » lui-même ramenait ainsi à l’unité et à la sévérité de la coutume romaine, symbolisée par le faisceau du licteur.

Le journaliste Maurice Blondet, observateur attentif des effervescences du monde fuyant de l’ésotérisme, note que Reghini …

… se vantait d’avoir « créé » magiquement le fascisme, à travers un rite païen propitiatoire, dans lequel il semble qu’ait été utilisée une hache à deux tranchants66.

À ce propos, on raconte aussi …

… une mystérieuse opération, commencée en 1913 par la découverte, dans une tombe romaine, d’un sceptre et d’un bandeau, sur lesquels étaient tracés les signes d’un rite. Elle se conclut après la marche sur Rome, en 1923, par un hommage au chef du gouvernement. On lit dans le journal Il Piccolo du 24 mai 1923 qu’on donna à Mussolini un faisceau formé d’une hache de bronze provenant d’une tombe étrusque bimillénaire, et de douze verges de bouleau reliées par des bandes de cuir rouge67.

Rupture de Reghini avec le régime fasciste et avec Évola

L’appui de Reghini au fascisme dura tant qu’il put nourrir l’espoir fondé que Mussolini serait un restaurateur du paganisme, mais, bien vite, les Accords du Latran allaient lui ôter toutes ses illusions et le convaincre que la rupture qu’il souhaitait avec le christianisme n’arriverait jamais.

Cette rupture était voulue et poursuivie aussi avec force par Évola, partisan du …

… choix hardi des traditions, de la volonté de prendre une direction nouvelle, la seule, à l’encontre de toute autre, qui pouvait légitimer la référence à Rome comme symbole politique68.

Reghini s’en alla avec beaucoup de bruit, en colère.

L’initié Elémire Zolla, grand détracteur d’Évola, note :

[Reghini] écrivait sous un pseudonyme dans Ur, la revue confiée à Évola. Évola infléchissait cependant les idées de Reghini, tout en prenant de lui quantité d’éléments sans en signaler l’auteur. Il semblait apte à diriger selon des intentions maçonniques, tout en n’étant pas maçon69, une revue hermétique, mais […] l’accord avec lui échoua et laissa Reghini solitaire et déconfit. Il [Reghini] lança des accusations contre Évola […] et se retira en Emilie comme professeur de mathématiques, dans une école secondaire, jusqu’à sa mort, en 194670.

Quand le groupe d’Ur créait des chaînes magiques pour infléchir la politique fasciste dans un sens anti-chrétien

L’objectif déclaré du groupe de Ur, qui profitait aussi de la collaboration de psychologues comme Emilio Servadio — l’un des pères de la psychanalyse italienne — était de traiter des disciplines ésotériques et initiatiques « en accentuant davantage leur côté pratique et expérimental, pour réaliser une domination technique sur l’ésotérisme71 » , tentative, en dernière analyse, d’atteindre pratiquement, à travers la magie, ces pouvoirs surhumains que les initiés estiment nécessaires pour accéder au Moi absolu, à la divinité.

La magie, en effet, disait Évola, implique d’une façon ou d’une autre la suspension de la barrière entre moi et non-moi, un éloignement des limites de l’individualité commune72.

Les actes de ces expériences, rigoureusement anonymes et recueillis dans des monographies sorties à cadence régulière, furent rassemblés en trois volumes sous le titre Introduction à la magie, publiés pour la première fois par l’éditeur Bocca en 1955 et, dans les années soixante, réédités à Rome par les éditions Méditerranée — qui voyaient en Évola une référence culturelle constante — dans un ensemble de plus de 1300 pages.

Il semble que sous les pseudonymes d’Agarda et Iagla, qui paraissaient en bas de page de certains articles des revues Ur et Krur, se cachait Évola lui-même73.

Digne de mention est le fait raconté par Évola selon lequel, à l’intérieur du Groupe d’Ur, à un certain moment, on avait tenté de créer une « chaîne » magique, avec deux éléments « dotés de pouvoirs réels », afin d’exercer d’en-haut, en agissant dans la pénombre des coulisses, une action sur le fascisme pour le pousser dans un sens anti-chrétien74.

Évola jouissait désormais d’une réputation assurée de profond connaisseur de l’ésotérisme, au point d’être appelé à rédiger l’article atanor (et, semble-t-il, d’autres encore) pour la célèbre Encyclopédie italienne de Giovanni Treccani. En 1929, le Groupe d’Ur prit la dénomination originale — en vérité mystérieuse — de Krur, par suite d’oppositions internes, semble-t-il75.

Évola ne tenta plus ensuite de rassembler ses disciples dans un propre mouvement magique, sauf une tentative, soutenue par ces mêmes disciples, d’un Ordre avec trois degrés intérieurs, réservé aux seuls hommes, qu’il entendait appeler Ordre de la Couronne de Fer, s’inspirant d’une spiritualité sacrée et hiérarchique76.

La Tour : Le bimensuel anti-chrétien d’Évola

Krur cessa donc ses publications en décembre 1929, puis s’adressa à nouveau à ses lecteurs le 1er février 1930, en leur proposant un bimensuel d’allure aristocratique intitulé : La Torre — Foglio di espressioni varie e di tradizione una — La Tour, bulletin d’expressions diverses et de tradition unique.

La tâche qu’Évola entendait donner à cette revue était de transposer au plan politique les contenus initiatiques du Groupe d’Ur, pour tenter ainsi d’influencer, par des positions franchement païennes et anti-chrétiennes, le programme culturel officiel du régime.

Toutefois, cette publication eut aussi une vie éphémère et s’acheva le 15 juin 1930 avec le dixième numéro77, pour la raison principale, semble-t-il, qu’elle dérangeait et nuisait à quelques notables du régime, comme le maçon de la Piazza del Gesù, Roberto Farinacci, le puissant hiérarque de Crémone78 qui devint secrétaire général du Parti National Fasciste (P.N.F.) entre 1925 et 192679 et qui tolérait mal l’influence d’Évola sur Mussolini.

La revue reflétait l’activité d’un groupe d’écrivains qui se rassemblaient autour d’Évola80, se servant surtout, selon la nécessité, d’une rubrique piquante intitulée « L’arc et la massue » (« l’arc pour frapper loin, la massue pour abattre de près », expliquait Évola), riche en vis [vigueur] polémique anti-chrétienne et antibourgeoise, destinée à combattre toute forme de progressisme.

Les polémiques de la rubrique étaient très dures et directes, opposant systématiquement « l’arc et la massue » aux milieux de la culture fasciste, tout en affichant la plus grande indifférence vis-à-vis du climat menaçant de contrôle minutieux généralisé. En réalité, le véritable motif pour lequel Évola réussissait à contrecarrer la pression des hiérarques qui lui étaient opposés, était à rechercher non pas tant dans l’appui offert une fois ou l’autre par les Benedetto Croce, Giovanni Preziosi, Giovanni Gentile ou autres Leandro Arpinati, mais dans celui de Mussolini lui-même qui n’avait jamais fait défaut.

Le 33e degré honoris causa Benito Mussolini81, en effet, nourrissait une admiration manifeste pour la nature intransigeante et l’engagement culturel d’Évola, ainsi que pour les perspectives offertes par sa doctrine du salut de l’Occident ou par ses thèses sur la race.

Le racisme subtil d’Évola

Trouver un racisme alternatif au seul « racisme du corps » du nazi

Mussolini estimait que ces thèses pourraient offrir au fascisme l’originalité et le détachement nécessaires, recherchés depuis longtemps, à l’égard des thèses radicales — inadmissibles pour l’esprit latin — de l’encombrant allié allemand.

On n’oubliera pas que le racisme allemand était celui du Mythe du sang du XXe siècle d’Alfred Rosenberg, un racisme à connotations physiques et biologiques, qu’Évola définissait comme un racisme « du corps », tendant à mettre l’accent sur des différences clairement inacceptables de nature génétique, anthropologique et héréditaire entre les différentes races. Doctrine qui conduisait logiquement à une hiérarchie des races, dominée par la race nordico-aryenne, d’origine indo-européenne, considérée comme directement descendante de la race hyperboréenne-solaire des anciens Germains ; d’où les « droits » de suprématie du groupe humain nordique sur les autres peuples avec les aberrations notoires et les méfaits que l’histoire nous a transmis.

Évola réfutait une telle conception, limitée à la seule « race du corps », et repoussait encore plus énergiquement toute tentative de lui donner un caractère absolu. De façon cohérente avec son parcours initiatique, il entendait au contraire la remplacer par une doctrine en accord avec ses idées, en suscitant des positions idéologiques totalement étrangères aux doctrines raciales nationales-socialistes.

Le désaccord de Berlin, qui pressait énergiquement l’Italie à une plus grande attention à la question raciale — bien conscient du peu d’intérêt avec lequel elle était historiquement perçue dans la Péninsule82 — fut immédiat. Il en résulta pour Évola un refroidissement de ses relations avec l’Allemagne, jusqu’alors plutôt fructueuses, accompagné d’un climat de suspicion et d’une discrète surveillance.

Toutefois, ses publications en Allemagne ne subirent aucune censure particulière, même si la préférence allemande en Italie, sur le thème de la race, se concentra progressivement sur un autre personnage, beaucoup plus disposé à obéir sur le terrain des idées : Giovanni Preziosi, un prêtre défroqué de sentiments férocement antijuifs et antimaçonniques jusqu’à l’obsession83.

Le fondement ternaire gnostique du racisme évolien

Évola concevait donc la race comme une réalité physico-spirituelle fondée sur trois composantes :
– la « race du corps » (race somatique),
– la « race de l’âme » (forme du caractère, de la manière d’être collective et héréditaire de l’expérience et de la position envers le milieu et la société) et
– la « race de l’esprit » (manière de se comporter face au divin et au suprasensible, forme des inclinations spirituelles84).

Sur la base de ces paramètres, les juifs, par exemple, n’étaient pas considérés, à la manière nationale-socialiste, comme une race biologiquement dégénérée, mais bien plutôt comme « une unité de la race de l’âme », dans l’acception exposée plus haut, ou encore comme une manière d’être, manière d’être à laquelle il reconnaissait une force intrinsèque propre.

Il donnait cependant à cette force une connotation négative, du fait des valeurs qui y étaient attachées, qu’il dénonçait comme contaminantes et désagrégeantes de toute autre race avec laquelle la race juive entrait en contact. Et, faisant nettement référence à la race aryenno-romaine, il redoutait pour elle, à terme, un relâchement de sa tension intérieure et l’affaiblissement de sa tradition. D’où, concluait Évola, une …

… absolue nécessité de guérir les éléments intérieurement hébraïcisés85.

Évola, invoquant l’harmonieuse fusion des trois composantes raciales citées plus haut, voulait parvenir à une pureté raciale sui generis, conçue comme suprématie de la race « intérieure » (le « type d’homme supérieur »), par rapport à celle, bassement biologique et extérieure, visant le « corps », soutenue par les Allemands. Évola développa ces théories dans des livres comme Il mito del sangue — Le Mythe du sang (Éd. Hœpli), publié en 1936, œuvre qui trouvera son complément dans la Synthèse de la doctrine de la race (Éd. Hœpli, Milan, 1941).

Le racisme évolien est mesuré par l’avancement sur le chemin de l’initiation

Étant donné ce qui a été dit jusqu’ici, il est dès lors permis de soutenir que le racisme évolien tendait uniquement à énucléer et à séparer les initiés, la soi-disant « race de l’esprit », du reste de la masse.

Si une race devait s’imposer, à ses yeux, ce ne pouvait être que la race aryenne, l’hyperboréenne, parce qu’elle était celle des hauts initiés en descendance directe de la Tradition primordiale.

Avec ces catégories, Évola poussa à l’étude de la réalité ethnique italienne et conclut à la supériorité de la vision du monde de la race « spirituelle » aryenno-romaine, qu’il déclarait en filiation directe, à travers les annales de l’Empire romain — comme on le dira — de l’Âge d’Or primordial.

Celui qui a saisi jusqu’ici l’essence de cette Tradition adultérine qui inspire les maximes des initiés et l’architecture de leur construction intellectuelle, n’aura pas grand mal à comprendre le sens authentique que le racisme prend aux yeux des hauts initiés.

Leur supériorité déclarée, qu’ils perçoivent comme une élévation incommensurable au-dessus du reste de l’humanité, produit déjà une rupture irrémédiable avec cette dernière qu’ils considèrent comme rien de plus que l’expression informe des forces infernales du chaos et de la dissolution.

C’est donc tout à fait normal qu’ils fassent une discrimination entre les hommes et les peuples sur la base du seul chemin parcouru, au sens initiatique du mot, plutôt que sur la base de critères physiques ou biologiques comme la couleur de la peau. Il ne faut pas oublier ce qu’affirmait l’un des chefs d’école de l’ésotérisme moderne, René Guénon :

Nous nous rapportons […] au seul point de vue initiatique et tout le reste est complètement dénué de valeur à nos yeux86. »

Évola n’est pas de reste et il déclare plus directement :

Un « racisme sain » n’a rien à faire avec le préjugé de la « peau blanche » ; il s’agit essentiellement d’une hiérarchie de valeurs, sur la base de laquelle nous disons « non » aux nègres, à tout ce qui est noir et aux contaminations noires [Les races noires, dans cette hiérarchie, sont à peine au-dessus des primitifs d’Australie ; selon une morphologie connue, elles correspondent principalement au type des races « nocturnes » et « telluriques », par opposition à celles dites « diurnes »87]. En revanche, nous aurions été franchement disposés à admettre une supériorité des « blancs » des couches supérieures hindoues, chinoises, japonaises et de quelques souches arabes malgré leur peau non blanche — étant donné ce à quoi était déjà réduite la race blanche à l’époque de l’expansion coloniale mercantile88.

Racisme des hauts initiés et néo-racisme mondialiste actuel

Le racisme viscéral de l’initié envers le profane

Tel est donc le racisme viscéral des hauts initiés pour le reste de l’humanité, racisme alimenté par cette attitude de mépris incurable, qui, déjà dans la société indienne — le modèle de société idéale pour les Guénon et les Évola — faisait frémir d’horreur les brahmanes à la pensée d’un possible contact contaminant avec les parias, les humbles gens du commun.

La haine des initiés envers la société traditionnelle occidentale les conduit à la détruire

En passant, qu’on nous permette de nous arrêter sur un fruit vénéneux de la haine métaphysique des initiés pour la société occidentale, dans ses expressions les plus authentiques qui survivent encore.

Cette haine est en train, aujourd’hui, de changer le visage de l’Europe en offrant le tableau d’une régression au moins équivalente à celle du régime strict des classes dans l’Inde du siècle dernier.

La classe des hauts initiés, qui détient l’autorité et conduit les personnages du pouvoir, a organiser le transfert massif des peuples du Sud de la planète, en les arrachant à leurs terres pour les transplanter dans le tissu du vieux continent.
– Des lois draconiennes, apparues presque soudainement au cours de ces dix dernières années dans les différents pays occidentaux, répriment par la force toute tentative de défense, même légitime, de son identité.
– Ces lois sont accompagnées d’une prolifération parallèle d’autres lois, placées en ordre de bataille pour promouvoir (ou plutôt, pour imposer) un amalgame artificiel de cultures diverses, avec toute la charge explosive qu’une opération de ce genre produit inévitablement : immenses problèmes de vie en commun entre populations aux mœurs très différentes89, depuis la sécurité publique jusqu’à l’occupation [du territoire] et la santé.

Des phénomènes inconnus en Italie comme l’intolérance raciale commencent à se manifester ; des faits divers limités et circonscrits sont, au besoin, amplifiés et stimulés par l’action concertée des moyens de communication, en vue d’inculquer l’idée d’une intégration raciale inéluctable.

On dénonce comme délit abominable toute attitude de résistance à l’oppression et de défense de son identité, de sa religion et de sa culture.

Il ne sert à rien d’en appeler à l’expérience désastreuse des diverses ethnies des États-Unis, contraintes de vivre ensemble depuis un siècle et demi : dans les grandes villes américaines, en effet, noirs et latino-américains vivent marginalisés dans des ghettos et la suprématie de l’homme WASP (White Anglo-Saxon Protestant) est indiscutée. Mais l’objectif de dissolution de ce qui reste de la Civitas christiana est trop ambitieux pour se perdre en de telles bagatelles.

Réalisation du Grand-Œuvre (gouvernement mondial des initiés) par l’immigration massive

Pour atteindre cet objectif, les pilotes du Grand Œuvre — lire : du Gouvernement Mondial — brouillent entre elles religions et traditions par des migrations si importantes qu’elles font paraître modestes les invasions qui ont suivi la chute de l’Empire romain d’Occident.

À travers la destruction des peuples à persécuter — ou, pour employer précisément les mots du National Commitee for Furtherance of Jewish Education : à travers « le suicide national », ils se proposent de faire émerger un mélange syncrétiste, officiellement désigné sous le terme de New Age ou Âge du Verseau, propre à forger l’Homme nouveau.

Dans ce contexte, l’objectif de la fusion des races devient un alibi : ce que visent, en réalité, les hauts initiés, n’est pas la disparition des différentes races en tant que telles, mais la disparition des différentes traditions, de celles qui sont en quelque manière incompatibles avec leur doctrine et leurs programmes et, en premier lieu, la Tradition catholique90.

Diabolisation des résistants au Nouvel Ordre Mondial

Le moyen adopté par les hauts initiés pour « diaboliser » les inévitables oppositions est le recours, grossièrement équivoque et simplificateur, au mot magique « racisme », rendu odieux par le récent souvenir des horreurs du nazisme hitlérien.

L’identité : racisme (entendu dans un sens élargi subrepticement) = nazisme, devient ainsi, dans les mains des hauts initiés, l’instrument pour frapper quiconque s’oppose à cette effrayante opération alchimique de transformation, dans un sens laïciste et bassement matériel, du genre humain tout entier.

Il est par ailleurs évident que poser un antagonisme en terme de race — d’un racisme à la Hitler —, entre le monde chrétien occidental et les peuples, en général musulmans, immigrés dans nos pays, est une mystification ridicule.

Pour un observateur attentif, cela sonne plutôt comme une preuve irréfutable de l’immense pouvoir concentré dans les mains des hauts initiés, puisqu’ils sont en mesure de proposer, de soutenir et de répandre par leurs réseaux toute opinion et tout mensonge, pourvu qu’ils servent leurs propres fins ultimes.

 

(à suivre)

  1. Il s’agit là d’une prétention à dépasser cette nature humaine dont le propre est d’accéder à la vérité par le raisonnement quand — nous le démontre la métaphysique — le moyen de connaissances des anges, s’ils existent, est purement intuitif, pénétrant sans étape l’intelligibilité de la chose connue. On retrouve ici l’aspiration gnostique à dépasser sa nature propre. Comme Satan a voulu être « comme Dieu », l’initié aspire à la nature angélique supérieure à la nature humaine. (Note de VLR)
  2. Voir Guéles anges non René, Introduzione generale allo studio delle dottrine indù (Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues), Milan, 1989, Adelphi, p. 119.
  3. « En disant Dieu nous disons l’Être parfait, mais, s’il lui manquait l’existence, il ne pourrait plus se dire l’Être parfait. » On nous permettra de préciser que cette « preuve » de saint Anselme, en fait, ne prouve pas l’existence réelle de Dieu, mais seulement son existence « idéale ». (NDLR.)
  4. D’après un article d’Évola tiré du mensuel La Vita italiana, no 298, janvier 1938, p. 27-37 ; cité dans « Considerazioni sulla guerra occulta », 4e Quaderno Évola (4e Cahier Évola), Gênes, 1977, Éd. du Centre d’Études Évolien.
  5. Voir Fraquelli Marco, Il filosofo proibito (Le Philosophe interdit), Milan, via San Simpliciano 2, 3e éd., 1994, p. 174.
  6. Voir Dizionario Biografico Italiani (Dictionnaire biographique des Italiens), Rome, 1993, Istituto della Enciclopedia Italiana fondata da Giovanni Treccani, article « Évola ».
  7. Le franc-maçon écossais Bottai aurait toutefois écarté Évola, d’abord en prenant ses distances avec les articles qu’Évola publiait dans Critica Fascista, puis, vers la fin de 1927, en désavouant publiquement ses thèses. Évola défendait un « impérialisme païen » à la base du fascisme, ou encore un retour au paganisme de l’ancienne Rome accompagné de la disparition du catholicisme. Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1943, Bottai vota la motion Grandi (maçon de la Piazza del Gesü) pour déposer Mussolini. Il donnera un témoignage concret et actif de ce choix en s’enrôlant dans la Légion Étrangère, au sein de laquelle il combattit en France et en Allemagne contre les Allemands. De cette expérience, il a laissé un livre intitulé Légion est mon nom, imprimé en 1950.
  8. Dizionario Biografico Italiani, ibid., p. 576.
  9. Évola Julius, Il cammino del Cinabro (Le Chemin du Cinabre), Milan, 1972, Éd. Vanni Scheiwiller, p. 14.
  10. Mouvement artistico-littéraire né en 1916, qui voulut s’affirmer surtout comme une réaction au romantisme, en se définissant dada, mot reproduisant les premières syllabes articulées par les enfants. C’était une manière d’exprimer l’irrationalité intentionnelle, d’affirmer l’arbitraire total qui l’animait. La poésie du Français Louis Aragon (1897-1982 ; communiste) est restée célèbre : elle consiste en la seule séquence des lettres de l’alphabet et est intitulée significativement « Suicide ».
  11. Évola Julius, Imperialismo pagano (Impérialisme païen), Padoue, 1978, Éd. d’Ar, p. 102.
  12. C’est dans cette période qu’il changea son nom en Julius.
  13. « Être = percevoir ». Georges Berkeley, « évêque » anglican (1685-1753), ajoutait cependant qu’il doit y avoir une cause qui produise ces idées, qui est Dieu lui-même. Berkeley avait été entraîné par un but pratique et religieux : il voulait s’opposer au matérialisme envahissant et empêcher l’athéisme ; il croyait y avoir réussi en niant la matière et en posant Dieu comme cause de nos connaissances.
  14. C’est le cas quand le sujet pensant n’admet aucune réalité en dehors de lui-même, considérant les autres comme ses perceptions momentanées.
  15. Pour Gentile l’unique réalité est l’acte de la pensée (acte pur, dans un sens naturellement bien différent de la conception aristotélico-thomiste qui considère la réalité comme une substance au– delà de la pensée et de l’action créatrice), acte en qui se trouve indistinctement tout l’esprit, qu’il fait coïncider avec le réel. Pour Gentile, en dehors de cette pensée actuelle, il n’y a ni ne peut rien y avoir, la nature n’étant que la projection imaginaire du contenu de la conscience.
  16. Le nihilisme professe la dissolution de tous les points d’appui sur lesquels se fonde la pensée occidentale : tout d’abord la raison, puis la confiance dans le progrès, par le refus de toute vision linéaire de l’histoire, reflet d’une conception positive de l’existence, pour aboutir à la « mort de Dieu » source du réel et de toute valeur. Triomphe du néant, recoupement avec le nirvâna bouddhiste (extinction de tout mouvement). Néant qui devient l’unique certitude et conduit à la libération du monde. Celui qui atteint le néant pourra se dissoudre en lui et ainsi se mouvoir dans une dimension tout à fait nouvelle, au-delà de toute loi ou morale. Celui qui y parvient est un héros, un surhomme, porteur d’une valeur absolue. C’est une idée qui fascinera et séduira Évola au point de devenir l’un de ses chevaux de bataille (voir Teoria dell’individuo assoluto [Théorie de l’individu absolu], Rome, Éditions Méditerranée, 1973, p. 111).
  17. Évola Julius, Il cammino del Cinabro (Le Chemin du Cinabre), ibid. p. 90. Le professeur Di Vona écrit : « Tout le savoir initiatique et magique qu’Évola put rassembler avant sa rencontre avec Guénon ne fut mis en ordre que par l’idée de tradition de Guénon » (Pietro Di Vona : Evola et Guénon. Tradizione e civltà [Évola et Guénon, Tradition et civilisation], Naples, 1985, Sté éditrice Napolitaine, p. 15). Parvenu à maturation, Évola se retrouvera toutefois assez loin des positions idéalistes et guénoniennes qui l’avaient distingué dans la formulation de sa vision de la tradition. Il aboutit, en effet, à un renversement : non plus la réalité comme projection du Moi absolu, mais comme autonome, non plus un « Principe » définissable dans les limites de la volonté, de la puissance et de la liberté, mais un « Principe » impersonnel et absolu (Voir Évola Julius, L’arco e la clava [L’Arc et la massue], Rome, 1995, éd. Méditerranée, p. 174.
  18. Adelphi Edizioni, Milan, 1997.
  19. Voir Évola Julius, La Tradizione Ermetica (La Tradition Hermétique), Rome, 1988, Éd. Méditerranée, p. 7-9.
  20. Évola Julius, Il mistero del Graal (Le Mystère du Graal), Rome, 1972, Éd. Méditerranée, p. 170.
  21. Voir Évola Julius, La Tradizione Ermetica, ibid., p. 136. Évola met en garde contre les troubles qui pourraient découler de ces expériences, citant, entre autres : « parésie, amnésie, stupéfaction, atonie, épilepsie » (ibid., p. 124), troubles typiques des traumatismes psychiques. Évola, par ailleurs, insiste sur le caractère de « phase-clef » de ce passage initiatique. Il semble tenir que celui qui entend le dépasser doit vaincre la terreur qui s’empare de lui, s’exposant, s’il échoue dans l’épreuve ou s’avère incapable de pratiquer l’« ouverture de niveau » augurée, à la vengeance « de la force déchaînée », une force de caractère diabolique qui, dans les divers tests initiatiques, est décrite comme une tempête, un tonnerre, le passage à travers des pluies d’orage, des extases, des angoisses, des pertes de conscience (voir Evola Julius, Il mistero del Graal, Rome, 1972, Éd. Méditerranée, p. 124 sq. Voir aussi l’épisode narré aux p. 335-336 de Testimonianze su Evola (Témoignages sur Évola), de Gianfranco De Turris, Rome, 1985, Éd. Méditerranée).
  22. Évola Julius, La Tradizione Ermetica, ibid., chapitre « Les opérations hermétiques », p. 116 sq.
  23. Évola Julius, Il mistero del Graal, ibid., p. 110, 118. La « pierre » en ésotérisme est symbole de stabilité, à l’égal de la roche ou de l’île entourée par les eaux qui symbolisent, quant à elles, le chaos.
  24. Voir Guénon René, Simboli della scienza sacra (Symboles de la science sacrée), Milan, 1994, éd. Adelphi, p. 56-59.
  25. Évola Julius, La Tradizione Ermetica, ibid., p. 160. Évola précise que la condition de songe magique peut être atteinte aussi par des voies de type orgiaque qui « délient les corps » (p. 150-151).
  26. Le sang, chez les alchimistes, était symbole de l’esprit, du principe de vie, de la régénération, mais aussi sa couleur était réservée à la royauté initiatique, tandis que les eaux représentaient la dissolution, le chaos du monde. L’un et l’autre devaient être surpassés dans l’Œuvre alchimique, pour accéder à la « réalisation ». Le « Sang royal » représente les hauts initiés de la Tradition primordiale et le terme hyperboréen « mémoire du sang » désignerait la nécessaire « qualification » que l’élu possède non pas par acquisitions subséquentes, mais seulement en tant qu’elle existe déjà en lui par la nature.
  27. Voir Évola Julius, La Tradizione Ermetica, ibid., p. 99 sq.
  28. Id., ibid., voir chapitre « La réalité de la palingénésie », p. 109 sq.
  29. Id., ibid., p. 11 et 15.
  30. Évola Julius, L’arco e la clava (L’Arc et la massue), Rome, 1995, éd. Méditerranée, p. 207-208.
  31. Id., ibid., p. 179. L’homme « différencié » — comme Évola définit le « réalisé en vie » — serait à ce point maître et seigneur de son existence, de ce « voyage dans la nuit qui ne laisse apercevoir presque rien du passage qu’il parcourt », que le suicide même, le patet exitus de Sénèque, devient la « suprême instance qui scelle sa souveraineté, […] non pas de la personne, mais sur la personne ». Il pourrait donc constituer « la raison ultime et la signification d’un choix de la part d’un « être » qui par ce chemin a voulu se mesurer avec une mesure difficile : précisément en vivant dans un monde opposé à celui qui est conforme à sa nature, c’est-à-dire opposé au monde de la Tradition » (voir Cavalcare la tigreChevaucher le tigre, Milan 1978, Vanni Scheiwiller éditeur, p. 217-225). En passant, Évola aborde aussi le thème du « corps glorieux de la littérature gnostico-chrétienne », où, en réalité, la référence reste toujours Guénon, qui affirme à ce sujet : « Ce n’est pas du tout un corps au sens propre du mot, mais c’en est la « transformation » (ou la transfiguration), c’est-à-dire sa transposition en dehors de la forme et des autres conditions de l’existence individuelle ; autrement dit, c’est la « réalisation » de cette possibilité permanente et immuable dont le corps n’est que l’expression transitoire manifestée » (René Guénon, L’uomo e il suo divenire secondo il VêdântaL’Homme et son devenir selon le Vêdânta, Milan, 1997, éd. Adelphi, p. 97, note 1).
  32. Évola Julius, Il mistero del Graal, ibid., Rome, 1972, Éd. Méditerranée, p. 181.
  33. Id. ibid., p. 206.
  34. C’est l’Art royal lui-même de la maçonnerie, que celle-ci affirme être mis en œuvre par des forces plus qu’intelligentes, qui savent parfaitement ce qu’elles veulent et disposent des moyens les plus opportuns pour agir. Il s’exprime dans le contrôle des « potentiels suggestifs dont sont chargées les différentes idées, (dans la façon) de les doser, de les combiner, de les utiliser. C’est là un art supérieur de domination, invisible et terrible, qui, rendu conscient, communique… avec la magie » (J. Évola, Imperialismo paganoImpérialisme païen, Padoue, 1978, éd. d’Ar, p. 44). Le domaine de son action est la domination des foules, leur envoûtement à travers ces influences si bien décrites par René Guénon quand il traite des Supérieurs Inconnus, qui, « de quelque ordre qu’ils soient et quel que soit le domaine dans lequel ils veulent agir, ne cherchent jamais à créer des « mouvements ». […] Ils créent seulement des états d’esprit, ce qui est beaucoup plus efficace, mais, peut-être, un peu moins à la portée de n’importe qui. Il est incontestable que la mentalité des individus et des collectivités peut être modifiée par un ensemble systématique de suggestions appropriées ; au fond, l’éducation elle-même n’est rien d’autre que cela, et il n’y a là aucun « occultisme ». […] Un état d’esprit déterminé requiert, pour s’établir, des conditions favorables et il faut, ou bien profiter de ces conditions si elles existent, ou bien en provoquer la réalisation » (Le Sphinx, « Réflexions à propos du Pouvoir occulte », La France chrétienne anti-maçonnique, 11 juin 1914, p. 277-280). Le mage martiniste et « évêque » gnostique Papus, fameux occultiste du début du XXe siècle et maître, pendant un certain temps, de Guénon, définissait l’Art royal comme « la vieille science de l’organisation sociale, sortie des anciens sanctuaires d’Égypte et pieusement conservée dans certains centres dits hermétiques » (Revue Mysteria, avril 1914, cité dans Pierre Virion Bientôt un gouvernement mondial ? , Rennes, éd. Saint-Michel, 1967).
  35. Evola Julius, La Tradizione Ermetica, ibid., p. 231.
  36. Id., ibid., p. 207.
  37. La guerre du Kosovo terminée, on ne peut absolument pas soutenir que « les bombes de l’OTAN ont frappé, avec une précision vraiment millimétrique, un objectif qui ne se trouvait pas à Belgrade, mais à New York : le Palais de Verre — et ce ne fut pas une erreur de visée », comme l’écrivait le correspondant de La Stampa à Moscou, Giulietto Chiesa, dans un article paru dans le numéro de mai 1999 de Nigrizia, périodique des missionnaires comboniani. Ces bombes ont au contraire eu l’effet d’énergiques reconstituants, qui ont soulevé et relancé les Nations Unies languissantes, en même temps que l’ensemble de leurs principales et tentaculaires institutions comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International.
  38. Guénon René, Errore dello spiritismo (Erreurs du Spiritisme), Milan, Trente, 1998, Luni Editrice, p. 58-59.
  39. D’après un article d’Évola publié dans Il Regime Fascista (Le Régime fasciste) du 18 janvier 1939 ; cité dans « Considerazioni sulla guerra occulta — Considérations sur la guerre occulte », 4° Quaderno Evola (4e Cahier Évola), Gênes, 1977, Éd. du Centre d’études évolien. Voir aussi Cavalcare la tigreChevaucher le tigre, Milan 1978, Vanni Scheiwiller éditeur, où, se référant à Guénon, il est fait allusion à l’action de « forces obscures réelles cachées derrière la façade du monde des sens » (p. 207 et 212).
  40. Évola Julius, Il mistero del Graal, ibid., Rome, 1972, Éd. Méditerranée, p. 194-195.
  41. « La sorcellerie et la sainteté, voilà les seules réalités » affirmait le personnage d’un roman du haut initié Arthur Machen, qui qualifiait par conséquent le reste de l’humanité de « négligeable » (cité dans Pauwels et Bergier, Le Matin des magiciens, Milan, 1986, Éd. Mondadori, p. 281). Machen était un représentant éminent de la société fermée Rosicrucienne de la Golden Dawn (= aube d’or, encore une référence à l’âge d’or), où l’on pratiquait la magie cérémoniale, forme de magie appliquée uniquement à l’acquisition de pouvoirs surhumains. De hauts personnages du nazisme appartinrent à la Golden Dawn, ainsi Rudolf Hess et Karl Haushofer, le maître occulte de Hitler (tous les deux étaient membres de la germanique Thule Gesellschaft), sans parler des mages comme Aleister Crowley, Liddell Mathers, des écrivains et poètes comme Herbert Wells, Algernon Blackwood ou William Butler Yeats.
  42. Les dons préternaturels sont compris de la même manière par la théologie catholique. Ils désignent les dons (même surnaturels) que possédaient nos premiers parents avant la chute ; la différence entre surnaturel et préternaturel est ici assez subtile. Voir Maubach Giuseppe, Teologia morale (Théologie morale), Alba, 1958, vol. I, p. 150.
  43. Guénon René, Errore dello spiritismo, ibid., p. 97.
  44. Guénon René, Errore dello spiritismo, ibid., p. 124.
  45. Ponce Jaime Ayala, Introduccion a la francmasoneria (Introduction à la Franc-Maçonnerie), San Lorenzo, no 37 Colonia Los Angeles Femenina, Iztapalapa c.p. 09830 Mexico, Éd. Gomez-Gomez-Hnos, 1985, 2a parte, p. 49.
  46. Évola Julius, La Tradizione Ermetica, ibid., p. 209-210.
  47. « Une recherche de California Business sur 500 sociétés relève que plus de 50% d’entre elles avaient utilisé des techniques d’« élévation » de la conscience. Procter and Gamble, TRN, Ford Motor Co, A.T. and T, IBM et General Motors ont engagé des instructeurs New Age. […] S’il en est certains qui doutent que la façon de penser du New Age a atteint les plus hauts bastions des institutions du business américain, qu’ils aient présent à l’esprit que le programme de la Graduate School Business de la Stanford University concernant le cours « créativité dans le business » donné par Michaël Ray, inclut la méditation, le chanting (= chant, récitation musicale) et l’analyse des rêves. Yoga, Zen et tarots entrent dans les programmes d’études. » Cité par John Naisbitt et Patricia Aburdene, Megatrends 2000, Milan, 1990, éd. Rizzoli, p. 320.
  48. Voir Évola Julius, Cavalcare la tigre, ibid., p. 222.
  49. Voir Évola Julius, Imperialismo pagano, ibid., p. 126.
  50. Pour une vision plus développée, signalons que la tradition bouddhiste tibétaine, que les Lamas ont adoptée (les Lamas sont les prêtres de Bouddha), prévoit trois voies d’initiation progressive :
    l’Hinayana : vie de pureté, blocage de tous les désirs ;
    le Mahayana : qui se sert des passions avec « précaution » ;
    le Vajrayana : voie secrète qu’utilise toute passion, tout acte humain, en les transformant. Le dépositaire de ces initiations est le Dalaï Lama (voir Jean Marquès Rivière, Kalachakra, Éd. Méditerranée, 1985 ; J.M. Rivière fut un haut initié de la maçonnerie, né à Paris en 1903, professeur universitaire d’Indologie, auteur d’une Histoire des doctrines ésotériques et de Amulettes, talismans et pentacles). Évola, dans un autre ouvrage des Éd. Méditerranée, intitulé Lo Yoga della potenza (Le Yoga de la puissance, 1988, p. 168), explique que le Vajrayana est la voie de l’ascèse du Vîra, littéralement le « héros », caractérisé « par l’inclination pour les rites osés à caractère dionysiaque » (ibid. p. 282). Vajrayana, dit Évola, est le tantrisme lamaïco-bouddhiste (ibid.). Les femmes, précise de son côté Rivière (Kalachakra, p. 139), sont source du prajna dans l’union rituelle orgiaque (voir aussi Évola, ibid., p. 171) ; à noter (Évola, p. 162) que le symbole de l’orgie est constitué par deux triangles qui se pénètrent pour former l’exagramme.
  51. Fraquelli Marco, Il filosofo proibito (Le Philosophe interdit), Milan, via San Simpliciano 2, 1994, 3e édition, p. 51. Pour une sérieuse contribution à la connaissance d’Évola et de son œuvre, voir sa bibliographie et une liste importante de références.
  52. Sur la réalité des pouvoirs acquis par cette voie, voir Évola Julius, Lo Yoga della potenza (Le Yoga de la puissance), Rome, 1968, p. 106.
  53. Évola Julius, Metafisica del sesso (Métaphysique du Sexe), Rome, 1976, Éd. Méditerranée, p. 99.
  54. En opposition à celle de la Main Droite. Dans la vision initiatique orientale, la divinité, le Principe absolu (Brahmân) présente trois aspects : la puissance qui crée (Brahma), qui conserve (Vishnu) et qui tansforme (Shiva). L’affirmation de l’existant, des lois et des préceptes positifs afférents à la Tradition primordiale constitue la Voie de la Main Droite, tandis que l’ordre de la Voie de la Main Gauche s’enfonce dans l’aspect « shivaïtique » de la destruction, vue cependant comme manifestation de transcendance par rapport à toute forme finie et conditionnée, parcours uniquement réservé aux ascètes, aux purs, aux héros.
  55. Metafisica del sesso, ibid., p. 335.
  56. Ibid., p. 163-164.
  57. Ibid., p. 70 ; voir aussi L’arco e la clava, ibid., p. 196 sq. Aspect magistralement saisi par Benito Giacoppo dans son essai sur Évola et le catholicisme intitulé « Il superomismo, anima composita del mistero d’iniquità : saggio su Evola », discours prononcé en mars 1984 au Congrès traditionaliste de Civitella del Tronto.
  58. Ibid., p. 268-271.
  59. Il s’agit de la doctrine de Pythagore, philosophe grec du VIe siècle : après un séjour de vingt– deux ans en Égypte où il apprit la sagesse égyptienne, y compris la magie et ses mystères, et de douze autres années à Babylone, devenu vieux (il semble qu’il avait 56 ans), il se rendit en grande Grèce, à Crotone. Là, il fonda un centre initiatique, une école « mysterico-mystique » organisée selon trois degrés : « auditeur », « orateur » et, le plus élevé, « mathématicien ». Sa doctrine, initiatique et progressive en fonction de la capacité de compréhension de l’adepte, soutenait que la réalité des choses et de tous les phénomènes est le nombre : les choses ne seraient que des expressions harmonieuses d’espaces et d’ordres rigoureux. La découverte des relations intercurrentes entre les nombres leur fit attribuer des vertus magiques, spécialement en référence au chiffre quatre (la Tetraktys qui, en maçonnerie, coïncide avec le symbole du delta) dont la somme forme le nombre considéré par les pythagoriens comme parfait, le dix ou la décade, en tant que synthèse de l’un (représenté en géométrie par le point, considéré comme l’élément générateur des nombres, et donc de la matière et de la réalité) et de l’infini, nombre par conséquent de la suprême divinité. La maçonnerie, depuis sa naissance, s’est emparée du pythagorisme et, en Italie, il a pu se répandre grâce à des personnages comme Reghini. Le pythagorisme italien est présent et actif encore aujourd’hui, surtout dans l’Associazione Pitagorica qui, il faut le signaler, nourrit pour le catholicisme une aversion viscérale. En 1986, rapporte Massimo Introvigne, un représentant de cette association déclarait le christianisme « diabolique et ennemi de l’Esprit », rappelant « les légitimes et bien trop modestes « persécutions » des empereurs romains », et promettant pour le futur le retour du paganisme « de l’Aigle qui déracine le symbole patibulaire des chrétiens » (Massimo Introvigne, Il capello del MagoLe Chapeau du Mage, Milan, 1990, SugarCo Éditions, p. 180).
  60. Voir Vannoni Gianni, Massoneria, fascismo e Chiesa cattolica (Maçonnerie, fascisme et Église Catholique), Bari, 1980, éd. Laterza, p. 122. Livre très documenté et indispensable pour comprendre les aspects occultes du fascisme italien.
  61. Atanôr est un terme juif qui signifie fournaise. Pour ceux qui pratiquaient l’alchimie il désignait le fourneau à feu continu, où les substances à fondre étaient contenues dans un récipient en forme d’œuf dans lequel l’initié tentait de produire la pierre philosophale. Symboliquement, les substances contenues dans l’œuf représentent l’homme avant la palingenèse (ou renaissance) à l’état divin, et l’œuf est la fermeture hermétique par rapport au monde sensible. La pierre philosophale, résultat final des efforts de l’alchimiste, qui était présentée aux profanes comme le moyen de transformer en or tout ce qu’elle touchait, représente en réalité l’image du régénéré ayant acquis la nature supérieure de Dieu, l’élixir de longue vie.
  62. Parmi les membres de cet obscur cénacle on peut citer : Rudolf Steiner, le juif Trebitsch Lincoln, mystérieuse figure des premiers temps du nazisme qui soutint Haushofer, mais aussi Rudolf Hess et Sean Mac Bride, le fondateur d’Amnesty International.
  63. Voir « Daimon, périodique trimestriel de culture païenne — thélémique — gnostique et luciférienne », publié par l’Ordo Templi Orientis, Pérouse, 21 mars 1990, numéro 0, p. 40. Le directeur responsable de ce périodique était à l’époque Sebastiano Fusco. Il s’agit d’une revue « viscéralement et intégralement néopaïenne » qui déclarait vouloir donner suite et diffuser des enseignements semblables à ceux du Groupe d’Ur.
  64. Indication tirée de l’œuvre de l’initié Elémire Zolla, dans un chapitre consacré à Reghini, Uscite dal mondo (Sorties du monde), Milan, 1992, Éd. Adelphi, p. 447.
  65. La hache était le symbole des conquérants hyperboréens et s’accompagnait de l’aigle, un des symboles aryens de la gloire, dont les légions romaines auraient hérité, pensait Évola. Le nombre douze « est un nombre solaire qui […] figura toujours partout où l’on constitua, où l’on chercha à constituer un centre traditionnel » (voir Évola, Il mistero del GraalLe Mystère du Graal, Rome, 1972, éd. Méditerranée, p. 38).
  66. Blondet Maurice, Gli « Adelphi » della Dissoluzione (Les Adelphes de la Dissolution), Milan, 1994, éd. Ares, p. 132.
  67. Rapporté dans le livre de Giorgio Galli, La politica e i maghi (La Politique et les mages), Milan, 1995, éd. Rizzoli, p. 202.
  68. Voir Évola Julius, Gli uomini e le rovine (Les Hommes et les ruines), Rome, 1990, éd. Il Settimo Sigillo, p. 123.
  69. Les partisans d’Évola affirment qu’il n’était pas maçon, en insistant, au contraire, sur la ruse des milieux qui se seraient cachés derrière lui pour chercher à s’en servir. Évola, en tout cas, en vint bien vite à une rupture, comme lui-même le reconnaît ; voir par exemple à la p. 85 de son autobiographie initiatique Il cammino del Cinabro (Le Chemin de Cinabre), livre écrit en 1963 et cité ici dans l’édition de Vanni Scheiwiller, Milan, 1972. Le cinabre (= vermillon), nom communément réservé au sulfure de mercure, est une nette allusion à la signification alchimique de ce métal. En alchimie, en effet, le mercure philosophique représente le principe féminin, l’âme, désignée encore par la fontaine, l’eau divine, l’eau de Vie, la Dame des philosophes, en opposition avec le pôle masculin, solaire, de l’esprit, symbolisé par le soufre — soufre qui, à son tour, concourt à la composition du cinabre. Cinabre est un terme qui apparaît aussi dans les pratiques sexuelles magiques du taoïsme chinois, où le « champ du Cinabre inférieur », par exemple, désigne la zone interne de l’organe sexuel féminin (voir Metafisica del sesso, ibid. p. 360). Il en résulte donc, de manière bien évidente, la double signification du titre du livre d’Évola, Le Chemin du Cinabre : marche, pour un temps, vers l’androgyne original — l’Adam Kadmon de la Cabale où les principes masculin et féminin se fondent — et pratique de la magie sexuelle pour y parvenir.
  70. Zolla Elémire, Uscite dal mondo, ibid., p. 447.
  71. Évola Julius, L’arco e la clava, ibid., p. 231.
  72. De Turris Gianfranco, Testimonianze su Evola (Témoignages sur Évola), Rome, 1985, éd. Méditerranée, p. 344.
  73. Dans : Julius Évola, « Ur et Krur 1927-1928-1929 », 1986, 4e tome de 420 p. avec index.
  74. Évola Julius, Il cammino del Cinabro, ibid., p. 88.
  75. Sur la fin de 1928, éclata un conflit entre Évola d’une part, Arturo Reghini et Giulio Parise de l’autre. Le choc entre ces personnages, jusqu’alors co-directeurs de Ur, fut empreint de vulgarité et de violence, avec des scandales dans les journaux et les publications, et des poursuites judiciaires qui se prolongèrent jusqu’en 1930. Parmi les motifs à l’origine du conflit, il semble qu’il y ait eu une tentative de Reghini de reconstituer la maçonnerie (mise hors la loi en 1925) autour du groupe d’Ur, tentative à laquelle Évola s’opposa par tous les moyens.
  76. Massimo Introvigne le rapporte dans son livre Il capello del Mago, ibid., p. 346. Introvigne signale que le projet fut publié dans la revue Arthos (l’un des pseudonymes d’Évola) de janvier-avril 1973, à la demande de quelques élèves d’Évola. Dans ce projet, Évola avait prévu que « quelques jeunes femmes pourraient constituer une formation de « tertiaires » à la disposition des hommes de l’Ordre, pour un usage communautaire et non possessif […] en prenant des mesures qui préviennent la fécondation » (ibid.).
  77. Le contenu de la rubrique « L’Arc et la massue » des dix numéros du bi-mensuel La Tour se trouve intégralement dans le livre L’arco e la clava, ibid., p. 241-285.
  78. En passant, signalons cette nouvelle preuve des étroites liaisons entre fascisme et maçonnerie : « Les premiers compagnons [de Farinacci] provenaient du Cercle Giordano Bruno de Crémone. » Cité dans Gianni Vannoni, Massoneria, fascismo e Chiesa cattolica (Maçonnerie, Fascisme et Église catholique), Bari, 1980, éd. Laterza, p. 251.
  79. Selon une communication confidentielle du Dr Wolfgang Steinacker (analyste des publications italiennes et suisses pour le compte de l’Auswârtiges Amt de Berlin, l’autorité centrale pour toutes les questions étrangères du Reich, à laquelle était soumis le corps diplomatique tout entier), communication adressée au conseiller d’ambassade Rademacher, appartenant au même Auswârtiges Amt, Farinacci aurait été éloigné de sa charge de Secrétaire du Parti parce qu’il « menaçait le cardinal Gasparri de « révélations » » (document reproduit dans Julius Évola nei documenti segreti del Terzo Reich [Julius Évola dans les documents secrets du Troisième Reich], par Nicolas Cospito et Hans Werner Neulen, Rome, 1986, éd. Europe, p. 112). Les révélations concernaient probablement l’affiliation maçonnique du cardinal Gasparri, Secrétaire d’État aussi bien de Benoît XV que de Pie XI (voir Gianni Vannoni, Massoneria, fascismo e Chiesa cattolica, ibid., p. 168, 171, 188, note 35).
  80. Évola annonçait dans le numéro 1 de La Torre (La Tour), dans le préambule à l’adresse des lecteurs : « Cette revue réunit quelques collaborateurs pour lesquels la négation tranchante de la « civilisation » actuelle est le principe et la condition indispensable pour toute action vraiment créatrice. »
  81. Voir Gianni Vannoni, Massoneria, fascismo e Chiesa cattolica, ibid., p. 150, note 113, et Maria Rygier, La Franc-Maçonnerie italienne devant la guerre et devant le fascisme, réimpression Sala Bolognese, 1990, Arnaldo Forni Éditeur, p. 152-154, où l’on cite le numéro de février 1924 de la revue maçonnique de Chicago The Universal Free Mason, affirmant sur un ton péremptoire que « Mussolini, le roi Victor-Emmanuel et le général Diaz sont tous maçons du 33e et dernier degré. »
  82. Intéressante est la déclaration que Mussolini fit en 1932 à l’écrivain juif allemand Emil Ludwig, Colloqui con Mussolini (Entretiens avec Mussolini), Milan, 1970, p. 87 ; cité dans Julius Évola nei documenti segreti del Terzo Reich, ibid., p. 26). Il faut rappeler que, après les lois raciales allemandes de 1933, ce furent des milliers d’intellectuels et de réfugiés juifs qui, venant d’Allemagne, se réfugièrent en Italie pour échapper aux persécutions. Elles sont significatives, les paroles fermes du général Roatta, commandant la zone de Mostar en Yougoslavie, qui, en 1942, refusa aux Allemands de s’engager contre les juifs, car : « Il n’est pas compatible avec l’honneur de l’armée italienne d’agresser les juifs par des mesures spéciales. » (ibid., p. 27).
  83. Journaliste expert en politique étrangère, il fonda et dirigea le journal La Vita italiane all’estero (La Vie italienne à l’étranger). Il se suicida en avril 1945.
  84. Les explications entre parenthèses sont d’Évola lui-même et sont tirées d’un document qu’Évola soumit personnellement à Mussolini et que celui-ci approuva. Le document tout entier est rapporté dans l’œuvre déjà citée : Julius Évola nei documenti segreti del Terzo Reich, p. 93-100.
  85. Ibid., p. 96.
  86. Guénon René, Forme tradizionali e cicli cosmici (Formes traditionnelles et cycles cosmiques), Rome, 1981, éd. Méditerranée, p. 33.
  87. Même dans ce cas, il ne s’agit pas d’un racisme biologique, comme cela pourrait apparaître à première vue, mais revient ici le thème de l’évaluation de l’homme selon ses capacités à se faire initier, capacités qu’Évola, dans sa conception tordue, ne reconnaît pas à la race noire.
  88. Évola Julius, L’arco e la clava, ibid., p. 41, note 2.
  89. Il suffit de penser, par exemple, à la polygamie, à l’esclavage, à la pratique barbare de l’infibulation et semblables coutumes radicalement opposées à l’esprit chrétien.
  90. L’Église, du moins l’Église hiérarchique, semble, à ce sujet, correspondre pleinement à ces programmes, en reniant, de fait, son glorieux passé romain dont elle rougit et pour lequel elle demande pardon au monde. Ayant embrassé les conceptions maçonniques et mondialistes, repoussé le primat de la foi sur la conscience, substitué l’« éminente » dignité de l’homme à celle de Dieu, elle semble avoir ôté de sa mémoire ce fait indubitable que le racisme fut, dans le passé, totalement inconnu du monde occidental. La chrétienté, en effet, n’avait aucun problème à reconnaître dans le numide — donc noir — saint Augustin, son plus grand Docteur jusqu’à saint Thomas, ni à admettre que l’Église et la civilisation d’Occident ont été fondées par l’enseignement et sous la direction de pasteurs israélites ou asiatiques, comme saint Épiphane, évêque de Salamine, ou saint Irénée. Le racisme, en revanche, fit son apparition précisément dans le sillage des idées et des mouvements qui sont nés avec la néfaste Révolution française, qui a réalisé le programme maçonnique (et talmudique) de laïcisation de la Civitas christiana. « Plus que tout autre institution », écrivait l’illustre « frère » Ernesto Nys, « la maçonnerie a contribué à affirmer le caractère laïc de l’État. Elle lutta constamment pour éliminer de toutes les normes du droit et de toutes les manifestations juridiques l’élément religieux » (Ernesto NYS, Massoneria e società moderna (Maçonnerie et société moderne), éd. Bastogi, Foggia, 1988, p. 6). La raison est évidente : tandis que, auparavant, la cohésion sociale était garantie par le facteur spirituel de la religion, par suite de la diffusion des idées répandues par les « frères » Fichte, Berchet, Mazzini, Kossuth et Cie, il fallut reconnaître le facteur d’agrégation dans la langue et dans le sang, donnant ainsi naissance aux nationalismes, antichambre du racisme, comme le montre le cas exemplaire du national-socialisme allemand funeste et anti-chrétien.
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