La révolution orléaniste de 1830 renverse le roi légitime Charles X et propulse un rejeton de la branche cadette d’Orléans porté par la haute-finance : Louis-Philippe. Si dans la monarchie traditionnelle, le roi tient son autorité de Dieu et l’exerce pour le bien commun, l’usurpateur Louis-Philippe ne peut invoquer cette transcendance, aussi se réclame-t-il de la Révolution dont il revendique l’héritage et poursuit les persécutions contre l’Église et tous les fidèles de la France traditionnelle. Subversion, conscription, assassinats, barbaries, viols des sépultures et autres crimes planifiés par le nouveau pouvoir politique placent alors la population en état de légitime défense et suscitent l’insurrection contre-révolutionnaire de 1832. [La Rédaction]
Table des matières
La Vendée fidèle subit la haine de l’Usurpateur
Le régime policier instaure la délation
Dès son installation au pouvoir, le gouvernement de Louis-Philippe, dans l’ivresse d’une victoire qui n’avait pas été disputée, avait dardé sur la Vendée un regard malveillant. L’agression contre cette région coupable deux fois d’hostilité envers le jacobinisme, fut préparée attentivement par la mise en place d’un personnel civil et militaire adéquat. Le caractère des actions menées allait le confirmer et situer la volonté gouvernementale dans la ligne de la politique suivie contre l’Ouest royaliste de 1793 à 1795.
Aussitôt qu’il fut en place, le gouvernement issu des trois « Glorieuses » infesta la campagne vendéenne d’une nuée de policiers qui offraient aux délateurs des récompenses alléchantes.
Les nouveaux fonctionnaires arrivèrent portant en croupe la persécution. Ils appartenaient pour la plupart à la génération des fils des terroristes : conspirateurs des sociétés secrètes, fils de prêtres mariés pullulaient dans leurs rangs.
Dans l’armée, les révolutionnaires sont promus
D’anciens officiers de l’Empire que leur qualité de vieux débris républicains, avait rappelés à l’activité faisaient bonne garde sur la côte pour éviter un hypothétique débarquement « carliste ». Le général Dumoustier, protestant et franc-maçon, et d’autres officiers à qui le jacobinisme tenait lieu de compétence, multiplièrent les tracasseries contre les Vendéens.
L’armée était travaillée par des loges auxquelles appartenaient les officiers républicains et bonapartistes. Le gouvernement y distribua les croix et les médailles et procéda à des promotions nombreuses pour remplacer les officiers qui avaient démissionné pour ne pas prêter serment au nouveau régime. La hiérarchie nouvelle qu’avaient grossie les jacobins impénitents considéra l’orléanisme avec plus d’intérêt que l’ancienne. Quant à la troupe, on lui raconta d’horribles légendes sur les tourments que chouans et vendéens faisaient subir à leurs prisonniers.
La haine domina, dès l’été 1830, les rapports du gouvernement avec la Vendée.
L’Église persécutée
L’objectif : détrôner Dieu
La révolution orléaniste qui nourrissait l’espoir de détrôner Dieu et de faire danser la carmagnole au clergé voulut contraindre les prêtres à participer aux mascarades patriotiques dont elle décréta la célébration.
Dans l’Ouest, l’orléanisme fit renverser les croix, briser les calvaires et poursuivre les prêtres. On supprima les cérémonies publiques du culte : la procession de la Fête-Dieu, celle du 15 Août qui consacrait la France à la Sainte-Vierge, furent interdites. Il ne fut possible de porter le viatique aux agonisants qu’à la dérobée.
La nouvelle religion du drapeau tricolore
En même temps, la révolution orléaniste exigeait des vœux et des bénédictions pour son drapeau. L’anticléricalisme légal se fit dévot. L’Orléanisme singeant la piété, fit de l’église Sainte-Geneviève un dépotoir maçonnique pour les invalides de la tribune et les frénétiques de l’insurrection. Des parodies sacrilèges furent organisées par les autorités. Lorsque des émeutes prenaient une direction marquée contre la religion ou les souvenirs de la royauté, lorsque les enfants des complices de Monsieur Égalité pillaient les églises et mettaient à sac l’archevêché de Paris, les feuilles dévouées à la monarchie de 1830 conseillaient : « laissez passer la justice du peuple ».
La Vendée était pieuse. Elle fut outragée dans sa foi. Les paysans de l’Ouest détestaient la Révolution : ils en pressentirent le retour, accompagné des pillages, des proscriptions et des guillotines. L’autorité politique confirma les craintes des Vendéens aussitôt qu’elle fut en place.
La politique orléaniste
La conscription obligatoire
Dans une grande partie de la France, et en particulier dans l’Ouest, certains paysans n’avaient jamais pu s’acclimater au système de la conscription obligatoire. La Restauration avait fermé les yeux : les jeunes paysans vivaient à proximité de leur ferme, où ils prenaient leurs repas et dont ils accomplissaient les travaux saisonniers.
Dès l’été de 1830, les réfractaires de Vendée furent brutalement pourchassés, emprisonnés et parfois même fusillés, dans une atmosphère de guerre civile et de haine populacière qu’encouragèrent sur place les journaux libéraux comme Le Breton et L’ami de la Charte. Des soldats furent envoyés en garnison dans les métairies, avec l’ordre d’être impitoyables.
Subversion par les faux chouans et la presse libérale
L’autorité militaire recruta dans les bagnes, dans les prisons (et dans la gendarmerie), des bandes de faux chouans dont la mission était de multiplier les exactions en criant « Vive Henri V ». Pour déshonorer la chouannerie dont le souvenir était vivace et vénéré, elles répandaient scapulaires et médailles partout où elles commettaient leurs forfaits. L’exemple avait été donné en 1793.
La complicité de la presse libérale fut inconditionnelle et son rôle capital : on décrivit avec un luxe de détails les prétendues atrocités commises par les chouans et on plaignit les victimes en termes émus.
La « chasse aux Blancs »
Entre le mois de juillet 1830 et le soulèvement de juin 1832, la Vendée, victime de la hargne orléaniste, fut le théâtre d’une « chasse aux blancs » dans la meilleure tradition révolutionnaire avec exécutions sommaires, représailles sur les blessés, prises d’otages, etc.
– Trois mois avant le soulèvement, par exemple, le chouan Secondi fut pris, blessé. En prison il fut mal soigné. On l’amputa. On le condamna à mort et on lui fit une jambe de bois pour marcher au supplice. Louis-Philippe venait de gracier une bande d’assassins : il refusa de commuer la peine de Secondi, qui mourut courageusement.
– Jamier, le ventre ouvert, fut torturé sous les yeux de sa sœur par ses meurtriers, avec les encouragements du lieutenant qui les commandait.
– Josselin fut fusillé devant ses parents sur l’ordre du capitaine Picard du 43e de ligne.
La valeur des allégations de la presse a été résumée en termes simples et précis par le Capitaine Galleran du 41e de ligne :
Je dis ce que ma conscience et la connaissance approfondie des localités m’ont suggéré. Ce qui est constant pour moi c’est que les journaux et même les rapports des agents du gouvernement ont trompé l’opinion et n’ont pas été l’expression de la vérité.
L’Orléanisme recourt à la terreur
Humiliation des populations et profanation des tombes
Tel était le climat psychologique et politique de la Vendée lorsque se déclencha, en juin 1832, le mouvement armé en faveur de la monarchie légitime. En prenant les armes pour la Duchesse de Berry, les Vendéens se trouvaient, en fait, en état de légitime défense. Les conditions d’une persécution systématique avaient été soigneusement préparées par le régime philippiste. La guerre menée par Louis-Philippe se situa dans le prolongement exact de celle qu’avaient conduite les colonnes infernales.
– Les préfets dressèrent des chiens de police pour faire la chasse aux suspects.
– Les officiers firent déshabiller les paysannes par la troupe pour s’assurer qu’elles ne cachaient pas de papiers séditieux sous leurs vêtements.
– Les gendarmes s’emparèrent des enfants en bas-âge pour amener les parents à se découvrir.
– On ne respecta pas même les sépultures : la tombe de Mademoiselle de Coulin fut violée. Le Maréchal de Bourmont qui avait conquis Alger à la France avait emmené quatre de ses fils dans son expédition en Afrique du Nord ; l’un d’eux, Amédée, avait été tué à Staouëli en chargeant à la tête d’une compagnie de grenadiers : lorsque son corps eut été ramené en France, le gouvernement fit ouvrir le cercueil sous prétexte d’y chercher des documents secrets. Étrange façon de récompenser les services rendus : il est vrai que Bourmont était royaliste ; contre lui, tous les procédés pouvaient être utilisés.
Assassinats et barbarie
La guerre de 1832 fut une succession d’assassinats de royalistes.
Parmi beaucoup d’autres, Louis de Bonnechose, Mademoiselle de La Robrie, Cathelineau furent tués à bout portant dans des circonstances odieuses.
– Cathelineau, sans défense, se livrait ; les soldats refusèrent de tirer malgré les ordres, et c’est leur officier qui ouvrit le feu lui-même sur le chef désarmé.
– Céline de La Robrie fut tuée à bout portant, de dos, par un sergent du 17e léger ; les soldats trouvèrent l’exploit amusant et, sous les yeux de leurs officiers, ils criblèrent de coups de baïonnette le corps de cette jeune fille de seize ans. Aucune sanction ne fut prise.
– Les vendéens prisonniers furent détenus dans des conditions de barbarie exceptionnelle au Mont St-Michel. Barbes, Blanqui et d’autres républicains partagèrent leur détention. Flaubert et Barbes devaient témoigner de l’horreur de cette captivité, qui dura jusqu’à la visite du prince-président et de son ministre Falloux, en 1849.
Crimes organisés contre les fidèles de toutes classes
La Vendée a été assaillie par le gouvernement de Louis-Philippe parce qu’elle était considérée comme un défenseur ardent de la civilisation chrétienne de l’Ancien Régime. Elle a subi une guerre révolutionnaire menée contre l’ensemble de la population que soudaient encore les fidélités organiques de la France royale : des prêtres et des hobereaux1 au plus simple des paysans, la persécution a frappé toute la chaîne sociale ; elle n’a pas été le fait d’initiatives isolées et mal contrôlées par les autorités : elle a été le fruit d’une résolution du gouvernement que ses agents ont appliquée.
Les crimes commis par la troupe ont été ordonnés par les officiers qui ont surveillé les exécutions : ce ne sont pas des déserteurs ni des irréguliers qui ont assassiné Cathelineau, Céline de La Robrie ou Charles Bas-cher2, aveuglé à coup de baïonnette et achevé au sabre alors qu’il était prisonnier.
La trahison de Deutz
Du reste, le 30 janvier 1833, l’Orléanisme légalisait solennellement le crime : la princesse Adélaïde, au grand bal des Tuileries, dansait le premier quadrille avec Simon Deutz qui, après s’être converti à grand fracas du judaïsme au catholicisme, avait gagné la confiance de la Duchesse de Berry pour mieux la livrer à Louis-Philippe3. Cette trahison, qui rapporta 500 000 francs à Deutz, avait pourtant provoqué une indignation unanime, à telle enseigne que même Victor Hugo ne craignit pas d’écrire, dans un poème amer :
Ce n’est pas même un juif ! C’est un payen immonde,
Un renégat, l’opprobre et le rebut du monde,
Un fétide apostat, un oblique étranger
Qui nous donne du moins le bonheur de songer
Qu’après tant de revers et de guerres civiles
Il n’est pas un bandit écumé dans nos villes,
Pas un forçat hideux blanchi dans les prisons,
Qui veuille mordre en France au pain des trahisons !Victor Hugo, Les chants du crépuscule, « À l’homme qui a livré une femme », (1836).
Légitime défense des Vendéens
Il est permis de lutter contre le tyran
La riposte a naturellement frappé un système qui, aux yeux des Vendéens, avait combattu leur clergé après avoir évincé la tête de l’édifice social : le Roi.
Le soulèvement s’est d’ailleurs organisé autour des hiérarchies traditionnelles, des chefs connus à qui on était héréditairement lié et qui avaient fait leurs preuves. L’Église elle-même reconnaît la légitimité d’une révolte née de pareilles circonstances.
— Sans doute Saint Thomas a-t-il expliqué, dans son Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, qu’il fallait obéir aux puissances séculières parce que la fonction politique est un ordre établi par Dieu ; mais il a aussi affirmé que l’on peut tuer celui qui a pris le pouvoir par la violence s’il n’y a pas d’autre moyen de s’en débarrasser.
— Quant au tyran d’exercice, l’obéissance ne lui est pas due lorsqu’il commande contre Dieu : il est légitime de résister aux lois injustes. S’il est vrai que la sédition est opposée à la justice et au bien commun, il est également certain, parce que le régime tyrannique n’est pas juste, que ce n’est pas commettre un acte de rébellion que de le renverser.
Du devoir de combattre l’oppression révolutionnaire
Un gouvernement issu de la violence révolutionnaire était-il un régime juste ? La politique anti-religieuse amorcée dès 1830 était-elle conciliable avec un exercice paisible de l’autorité ? Des catholiques fervents devaient-ils la tolérer ?
Catholiques et royalistes, les Vendéens avaient appris à connaître la Révolution. Ils virent dans la politique choisie par l’ancien général Égalité la résurrection de celle qui avait ravagé leurs foyers de 1791 à 1802. Leur révolte4 de 1832 relevait de la légitime défense. Elle fut le dernier sursaut de l’Ancien Régime.
- En 1831, la troupe assaillit le château de Couboureau appartenant au marquis de la Bretesche ; elle assassina le capitaine du Baillet retiré sur sa terre de la Bruffière, elle malmena M. de Clabat, le baron du Chillou, etc.↩
- Assassiné le 8 juin 1832 près de la Hautière par une compagnie de la garde nationale commandée par le capitaine Roch. Lors des élections de 1848 Roch rédigea un factum pour affirmer son innocence.↩
- Giacinto Gonzagua, connu sous le nom de Simon Deutz, était le fils d’un grand-rabbin de Paris. Comme ce fut parfois le cas ailleurs, il sut, en cette période de philosémitisme, tirer le profit le plus prosaïque et le plus rapide de sa conversion… auprès du pape lui-même : en 1830, il avait reçu de Léon XII, avec une forte somme, la mission d’étudier la situation des juifs d’Amérique. Son passeport était au nom de : Hyacinthe de Gonzague.↩
- Voir l’excellent ouvrage de M. Jacques Dinfreville, Le secret de Marie-Caroline Duchesse de Berry, Louviers 1982.↩