Les racines religieuses du combat politique actuel

Les racines religieuses du combat politique actuel La gnose contre la civilisation chrétienne

Pourquoi avoir choisi cette question religieuse de la gnose comme thème d’une université d’été à vocation politique ? Le philosophe Eric Vœgelin (1901-1985) donne une indication à la portée considérable : « L’hérésie gnostique était le grand adversaire du christianisme aux premiers siècles, et Irénée a rendu compte de ses différentes versions qu’il a critiquées dans son ouvrage Adversus Hæreses (vers 180) — un classique sur ce sujet, que tout étudiant désireux de comprendre les idées et les mouvements politiques modernes consultera encore avec profit1. » Il convient donc d’explorer les racines religieuses du combat politique actuel qui oppose la cité traditionnelle — et principalement chrétienne — à la modernité qui ancre son principe d’autonomie dans cette gnose combattue par saint Irénée de Lyon (130-200). Alors, nous comprendrons mieux les termes du débat sur l’euthanasie, qui a confronté Louis XX au Grand Maître du Grand Orient de France dans l’hebdomadaire Marianne en janvier 2024.  


Les fondements religieux de la cité traditionnelle chrétienne

La prétention à l’autonomie introduit le mal dans la Création

Dieu a voulu ses créatures intelligentes libres de l’aimer. En effet, quelle peut être la valeur d’un amour imposé ? Aussi la Bible enseigne-t-elle que toute créature intelligente est appelée à faire son choix selon son espèce et sa personne.

Le choix des anges s’opère définitivement en une fois, car chaque individu est l’unique représentant de son espèce2.

Le choix des hommes3 s’opère en deux temps :
– Un choix d’espèce est posé par nos premiers parents Adam et Ève. Trompés par le Serpent, ceux-ci prétendent « être comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. »
En désobéissant à l’ordre de Dieu, et en se prétendant eux-mêmes des dieux capables de redéfinir le bien et le mal, ils réalisent l’autonomie4 de l’homme envers la loi divine.
Cet acte de rébellion entraîne l’apparition du mal dans la Création. Autrement dit : Dieu qui est tout bien — et qui se montrait familier de l’homme au Paradis terrestre5 — se retire partiellement. Le mal entre ainsi dans le monde, car de même que l’obscurité est une absence de lumière, le mal est une absence de bien.
– Un choix individuel reste encore à faire pour chacun d’entre nous dans ce monde dégradé par le péché originel de nos premiers parents. Heureusement Dieu nous fait miséricorde, et par pur amour, Il nous envoie le Christ qui est son Verbe, vrai Dieu et vrai homme. Le sacrifice du Christ en tant qu’homme, rachète le péché d’espèce, ainsi que les péchés particuliers de ceux qui veulent de suivre la Loi du Père éternel. Par son enseignement et son modèle de soumission à cette loi, le Christ nous montre personnellement comment plaire à Dieu et comment acquérir les grâces6 pour le rejoindre dans le bonheur d’un amour plein et sans fin.

La loi naturelle, ou loi de droite raison

Toute espèce vit selon des lois propres à sa nature : lois physiques, physiologiques, biologiques, et pour les animaux sociaux, des lois de bon comportement envers les semblables, lesquelles rendent possible la vie en société.
Pour l’homme, ces dernières lois sont appelées loi naturelle, ou loi de « droite raison » dit Cicéron7 cinquante ans avant l’ère chrétienne. Saint Paul constate aussi que la connaissance de ces lois — qu’il identifie aux Dix commandements révélés par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï — est partagée par tous les hommes sans avoir pris connaissance de la Révélation. Il en déduit que la loi naturelle « est inscrite dans le cœur de l’homme8 ».
Et en effet, Clive Staple Lewis (1898-1963) — le philosophe et auteur bien connu des Chroniques de Narnia — dans son livre L’Abolition de l’homme, dresse un inventaire des éléments de loi naturelle qu’il a pu noter chez tous les peuples de tous les temps. Ainsi relève-t-il par exemple chez les Indiens d’Amérique cette prescription :

Vous les verrez prendre soin des veuves, des orphelins et des vieillards, sans jamais leur faire aucun reproche9.

L’autorité est un pouvoir légitime, en tant qu’elle conduit l’homme à réaliser sa nature d’animal rationnel

Mais l’homme ne parvient à l’exercice de sa raison qu’avec l’aide de ses semblables, et ceci non seulement durant l’enfance, mais tout au long de sa vie. Tel est précisément le rôle de l’autorité, dont le mot dérive du latin auctoritas, composé lui-même à partir du préfixe indo-européen « aug » qui signifie augmenter, faire croître, élever.
En aidant les autres à acquérir une raison droite — ce qui n’est rien de moins que les élever jusqu’à la vertu10 —, l’autorité se fait l’auxiliaire de Dieu qui désire que chaque homme réalise la pleine potentialité de sa nature d’animal rationnel.
Voilà bien le rôle de l’autorité politique et ce qui fait sa légitimité : promouvoir le bien par ses lois, et réfréner autant que faire se peut le mal, s’efforcer que tous puissent vivre selon la loi naturelle, selon la droite raison en rappelant le bien et le mal. Et saint Paul rappelle en effet dans son Épître aux Romains :

[le Prince] est le serviteur de Dieu pour ton bien ; mais si tu fais le mal, crains ; parce qu’il ne porte point vainement l’épée, car il est le serviteur de Dieu, ordonné pour faire justice en punissant celui qui fait le mal. C’est pourquoi il faut être soumis, non seulement à cause de la punition, mais aussi à cause de la conscience11.

La loi naturelle étant la norme implicite de la société traditionnelle, l’historien du droit Guy Augé (1938-1994), souligne combien celle-ci limite la dérive tyrannique d’un pouvoir, car la violer signifie pour se dernier perdre sa légitimité :

Le tyran de naguère pouvait bien s’arroger de fait la toute-puissance ; il trouvait toujours en face de lui quelque Antigone — « cette petite légitimiste », disait Maurras ! — pour lui rappeler l’existence de principes supérieurs ; et le roi absolu, d’ailleurs timidement législateur, savait que le droit naturel reposait sur l’observation d’une nature extérieure, et qu’il lui fallait gouverner « à grand conseil »12 .

Par le sacre, le roi de France se reconnaît le ministre de Dieu en s’obligeant à appliquer Sa loi

On comprend alors l’importance du sacre pour asseoir la légitimité du monarque. En effet, le roi y reconnaît institutionnellement Dieu comme son souverain. Mieux ! En lui faisant le serment de légiférer selon la loi naturelle et divine, il devient aux yeux de ses peuples le ministre de Dieu, son lieutenant, un roi de droit divin.
Et l’historien Jean de Viguerie (1935-2019) rappelle les paroles du serment qui illustrent l’hétéronomie de la monarchie :

Je promets au nom de Jésus-Christ au peuple chrétien qui m’est soumis :
– Premièrement, de faire conserver en tout temps à l’Église de Dieu la paix, par le peuple chrétien.
– D’empêcher toutes rapines et iniquités, de quelque nature qu’elles soient.
– De faire observer la justice et la miséricorde dans les jugements, afin que Dieu, qui est la source de la clémence et de la miséricorde, daigne la répandre sur moi et sur vous aussi.
– D’exterminer [du latin ex-terminus : mettre hors des frontières.] entièrement de mes États tous les hérétiques, condamnés par l’Église, toutes lesquelles choses ci-dessus dites, je confirme par serment, qu’ainsi Dieu et les saints évangiles me soient en aide 13.

Notons que ces serments obligent institutionnellement le roi de France à protéger l’Église fondée par Jésus-Christ, aussi ne faut-il pas s’étonner que notre monarchie ait été la cible prioritaire des tenants de l’autonomie de l’homme.

Les fondements religieux de la cité moderne

La Révolution fonde la société sur l’autonomie de l’homme

La Révolution française apporte une rupture radicale avec sa Déclaration des droits de l’Homme qui proclame institutionnellement l’autonomie de l’homme :

Article 3. Le principe de toute souveraineté14 Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Article 6. La loi est l’expression de la volonté générale.

Et ce principe est effectivement repris dans la Constitution de 1791 :

Titre III — Des pouvoirs publics
Article 1. La Souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’en attribuer l’exercice.
Article 2. La Nation, de qui seule émanent tous les Pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation.

Quand il prête serment à cette Constitution, le roi Louis XVI est donc contraint de se parjurer, car il renie les serments du sacre. De fait, il renonce à la monarchie de droit divin en n’étant plus le représentant de Dieu, mais celui de la nation. Il ne reconnaît plus la norme de la loi naturelle comme source des lois positives, car la loi est dorénavant humaine (volonté générale) et ne connaît plus de limites.
Ce n’est donc pas surprenant qu’en l’espace de seulement quatre ans, ces principes propulsent au pouvoir les sociétés de pensée (loges et clubs) et aboutissent à la Terreur, comme l’analyse l’historien du droit Jean-Pierre Brancourt (1940-2019) :

En d’autres termes, il n’existe pas d’autre pouvoir que la volonté de l’Assemblée, et ce pouvoir étant sans limite morale ni constitutionnelle, il n’avait pas d’autre règle que le caprice du « peuple » qui n’avait pas besoin d’avoir raison pour valider ses actes, comme le disait Jurieu un siècle auparavant. En réalité, le peuple des clubs gouvernait, et le ressort de son pouvoir était la peur15.

La fin de la monarchie de droit divin en France

Après l’aventure napoléonienne, et mettant fin provisoirement à l’épisode révolutionnaire qui a provoqué l’effondrement de notre pays, le retour de la monarchie avec le règne Louis XVIII (1815-1824) lui permet de panser ses plaies et de retrouver une certaine prospérité. Succède Charles X (1757-1836) qui restaure vraiment la monarchie de droit divin en se faisant sacrer à Reims, et en renouant avec la cérémonie du touché des écrouelles 16 .
Malheureusement, ce régime — tourné vers Dieu et le bien commun — ne plaît ni aux loges, ni à la bourgeoisie libérale. Aussi suite aux ordonnances de juillet 1830, qui restreignent précisément le pouvoir de la grande bourgeoisie industrielle17, la révolution de Juillet 1830 éclate qui renverse Charles X.
Une petite religieuse l’avait prophétisée au mois de juin précédent. Sainte Catherine Labouré (1806-1876) rapporte ainsi sa vision :

Le jour de la Sainte Trinité, Notre-Seigneur m’apparut comme un roi avec la croix sur sa poitrine dans le Très Saint-Sacrement, ce qui était pendant la Sainte Messe.
Au moment de l’Évangile, il m’a semblé que Notre-Seigneur était dépouillé de tous ses ornements. Tout a coulé par terre et il m’a semblé que la croix coulait sous les pieds de Notre-Seigneur.
C’est là que j’ai eu les pensées les plus noires et les plus tristes. C’est là que j’ai eu les pensées que le roi de la terre serait perdu et dépouillé de ses habits royaux18.

Existe-t-il plus éclatante évidence qu’un roi terrestre est bien le représentant de Jésus-Christ Roi des rois ? Ainsi, de l’aveu même du Ciel, la révolution de Juillet marque la fin de la monarchie de droit divin en France.

Les différentes révolutions présentent les mêmes aspects religieux

Cependant, la révolution française n’est pas la première manifestation historique de ce type. Eric Vœgelin reprend le témoignage de l’universitaire Richard Hooker (1554-1600) lors de la révolution puritaine anglaise de la fin du XVIe siècle.
Dans ces deux révolutions (française et anglaise), on perçoit la même approche politique qui inaugure l’ère des idéologies19 en prétendant inventer un système politique magique, fruit du génie de l’homme, et censé apporter le bonheur à l’humanité.
On y trouve une même foi religieuse fanatique en ces systèmes pourtant limités à quelques slogans, censés expliquer la marche du monde vers le progrès.
On y voit aussi les mêmes techniques de manipulation et de pression, qui entraînent le même climat de terreur intellectuelle et sociale, assorti des mêmes crimes.
Ainsi, dans ses travaux sur le totalitarisme, Eric Vœgelin — qui établit l’origine gnostique des idéologies et de leurs révolutions — déplore que les analystes modernes ne travaillent pas plus …

… sur les lacunes intellectuelles de la position gnostique, susceptibles de détruire l’univers du discours rationnel, ainsi que sur la fonction sociale de la persuasion20.

La gnose, religion de l’autonomie de l’homme

La gnose propose une réponse différente de celle du christianisme au problème du mal dans le monde. Pour elle, le mal n’est pas une absence de bien, mais revêt une existence propre. Ainsi le monde comprend-il un principe du bien et un principe du mal.
Cette conception religieuse plonge ses racines dans les croyances païennes de l’Antiquité explique Bossuet (1627-1704) :

Elle était venue du paganisme, et on en voit des principes jusque dans Platon (328-347 av. J.-C.).
Elle régnait parmi les Perses. Plutarque (46-125 ap. J.-C.) nous a rapporté les noms qu’ils donnaient au bon et au mauvais principes21.

Il est difficile de résumer la gnose qui présente de multiples facettes selon les écoles. Cependant, il existe des invariants, et quel que soit le courant, ces doctrines — qui prennent le contre-pied de la Bible — disent peu ou prou :
– Rien de ce qui existe n’est parfait. Ainsi non seulement la Création n’est pas parfaite, mais son Auteur — dont elle est une émanation — est lui-même un être imparfait, bien que divin.
– Pire ! En enfermant les étincelles divines que nous sommes dans de la matière (insistons : les hommes sont une émanation de la substance divine), et en imposant aux hommes des lois (la loi naturelle) les contraignant à se contenter de leur nature, le Dieu créateur a donc commis une grande faute.
– Heureusement, un principe bienveillant vient révéler aux hommes l’imposture, ainsi que la possibilité pour eux de s’élever au-dessus de leur nature, pour retrouver ainsi pleinement leur divinité indûment confisquée. Pour cela, il leur faut simplement s’affranchir des lois du Dieu mauvais de la Bible, et affirmer ainsi leur autonomie.
– Ce principe civilisateur et cosmique peut prendre différentes identités selon les récits : Osiris en Égypte antique, Prométhée (le porteur de lumière = lucis-fere) pour les Grecs, le Serpent pour la Bible22. Ainsi le théoricien franc-maçon Oswald Wirth enseigne dans La Franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes :

Le serpent séducteur symbolise un instinct particulier […] dont le propre est de faire éprouver à l’individu le besoin de s’élever dans l’échelle des êtres. Cet aiguillon secret est le promoteur de tous les progrès23.

La gnose païenne de l’Antiquité survit au christianisme conquérant en se greffant sur lui par l’entremise de plusieurs auteurs gnostiques dont les plus importants sont Manès (216-277) — qui donne son nom au manichéisme — et Marcion (?-160) démasqué par saint Irénée de Lyon dans son Adversus Hæreses. Bossuet précise :

Manès, Perse de nation, tâcha d’introduire ce prodige dans la religion chrétienne sous l’Empire d’Aurélien, c’est-à-dire vers la fin du troisième siècle.
Marcion avait déjà commencé quelques années auparavant, et sa secte, divisée en plusieurs branches, avait préparé la voie aux impiétés et aux rêveries que Manès y ajouta.

Dans le même texte, Bossuet résume alors la doctrine cathare, héritière de cette gnose qui parasite le christianisme depuis les premiers siècles sous forme d’enseignement caché :

– L’Ancien Testament avec ses rigueurs n’était qu’une fable, ou en tout cas l’ouvrage du mauvais principe ;
– le mystère de l’incarnation, une illusion ; et la chair de Jésus-Christ, un fantôme : car la chair étant l’œuvre du mauvais principe, Jésus-Christ, qui était le fils du bon Dieu, ne pouvait pas l’avoir prise en vérité.
Comme nos corps venaient du mauvais principe, et que nos âmes venaient du bon, ou plutôt qu’elles en étaient la substance même, il n’était pas permis d’avoir des enfants, ni de lier la substance du bon principe avec celle du mauvais : de sorte que le mariage, ou plutôt la génération des enfants était défendue.
– La chair des animaux, et tout ce qui en sort, comme les laitages, étaient aussi l’ouvrage du mauvais ; le vin était au même rang : tout cela était impur de sa nature, et l’usage en était criminel24.

La franc-maçonnerie maîtresse de la gnose

La franc-maçonnerie — qui apparaît sous sa forme moderne en 1717 — se revendique héritière de ce savoir occulte qui traverse les millénaires. Elle transmet ce même enseignement d’un homme émané du divin et injustement enfermé dans la matière par le mauvais principe. Dans son livre Un maçon franc, Christophe Bourseiller révèle la croyance des hauts grades maçonniques, ou écossisme :

L’écossisme se distingue des religions révélées par une croyance inaltérable en l’immanence du Divin. En d’autres mots, chaque initié possède en lui une étincelle qui le relie à l’Éternel. Nous sommes tous Dieu, clament en substance les chevaliers kadosh, détenteurs du trentième degré. La voie initiatique permet d’effectuer cette ascension, en partant du chaos25.

Oswald Wirth (1860-1943) tient le même discours et précise en plus l’objet du travail — appelé Grand-Œuvre — des maçons :

Il nous appartient de nous élever à la divinité en prenant conscience de notre nature véritable. L’initiation a toujours été le chemin du sanctuaire de l’Homme-Dieu. […] [L’Initié] travaille, en tant qu’ouvrier du Grand-Œuvre, à la transformation éternelle des choses. Or, remplir une fonction d’éternité en y consacrant toute son énergie, c’est vivre de cette vie divine qui réalise l’idéal unitif des mystiques26.

Pour travailler au Grand-Œuvre et participer ainsi à la « vie divine », il convient d’abord d’influencer les législations des gouvernements du monde entier afin de contrecarrer les plans du principe mauvais (le Dieu de la Bible) en libérant l’homme de sa loi naturelle :
– Développer l’avortement et la contraception afin de limiter les naissances. Ne sont-elles pas de nouveaux emprisonnements de substance divine dans de la matière ?
– Dissoudre le mariage (divorce, lutte contre le patriarcat). En effet, non seulement la famille légitime la conception, mais encore, elle asservit dès l’enfance les esprits en leur offrant le modèle de l’autorité de droit divin des parents, et celle ultime du père.
– Promouvoir l’euthanasie et le suicide pour libérer les étincelles divines de la matière, et leur permettre ainsi de rejoindre le plérôme divin.
– Éliminer toute trace d’autorité par la révolution et la promotion de l’égalitarisme, car une autorité représente le Créateur et applique sa Loi à l’échelle du groupe sur lequel elle s’exerce.
– Remplacer conséquemment les royautés de droit divin — où le roi est le représentant de Dieu — par des régimes qui prônent l’autonomie de l’homme (la république, la monarchie constitutionnelle, ou au moins la dictature.)
– Combattre toute influence de l’Église sur la société ; n’est-elle pas la religion du principe mauvais qui cherche à asservir l’homme ?
– Améliorer l’homme — limité par sa nature imposée par le mauvais Dieu — en tentant de l’augmenter grâce aux techniques transhumanistes.
– Violer la loi naturelle du principe mauvais en promouvant les lois du genre, à partir de ce que la personne étincelle divine veut être, et non à partir de ce que son enveloppe matérielle lui impose.

Le combat entre les deux cités aujourd’hui

Nous l’avons vu : le roi ne légitime son autorité que dans la mesure où il s’efforce de garantir aux hommes le droit naturel de vivre selon la loi naturelle dont il est tenu de rappeler les principes. Aussi constitue-t-il la première cible d’un franc-maçon. Jules Ferry (1832-1893) — alors Ministre de l’Instruction publique — le revendique sans ambages :

Mon but, c’est d’organiser l’humanité sans Dieu et sans roi27.

On comprend alors pourquoi, lors des débats parlementaires de janvier 2024 sur l’euthanasie, le magazine Marianne28 invite Louis XX à défendre le point de vue naturel et chrétien, contre celui de la modernité gnostique porté par le Grand-Maître du Grand Orient de France.
Sans surprise, l’Initié y fustige nommément l’hétéronomie des détracteurs de l’euthanasie pour promouvoir l’autonomie de l’homme :

Il nous faut désormais pouvoir émanciper notre mort comme nous sommes en mesure d’émanciper notre vie. C’est là une question de libre arbitre, de respect de l’humain et de son autonomie.
Or, encore une fois depuis des mois, des forces réactionnaires, notamment religieuses, s’y opposent, privilégiant toujours leur logique d’hétéronomie, considérant, au nom de leurs théologies multiples et variées, que le dogme ne peut souffrir cette liberté consentie à l’homme, liberté dont il lui est laissé le soin d’user ou non.

De l’autre côté, en véritable successeur de nos rois très chrétiens, et donc en défenseur de la loi naturelle, Louis XX s’indigne légitimement :

Peut-on accepter en silence que soit aboli ce qui constitue encore actuellement une défense « absolue », admise par tous, prescrite par le droit naturel tout autant que par l’héritage chrétien du « tu ne tueras pas ton prochain » ?
Peut-on voir rejeté ce fondement essentiel de la vie sociale ?
Ne devons-nous pas considérer que le socle de nos sociétés doit continuer de reposer profondément sur les trésors de générosité déployés en faveur du soutien des malades et de la défense de la valeur de la vie humaine ?

Il est donc temps pour nous de suivre l’exemple du Roi, en témoignant courageusement comme lui, et en rappelant à temps et à contre-temps le bien et le mal, le vrai et le faux. Pour cela, il faut se former, non seulement, sur les principes de la cité traditionnelle et chrétienne que nous portons, mais aussi sur les différentes idéologies et sur les instruments déployés par les disciples de l’antique Serpent. Et la corruption gnostique revêt bien des formes, parfois en usurpant le mot de « Tradition » comme le font, dans nos milieux, les disciples des maîtres de la gnose que sont les grands initiés René Guénon et Julius Evola.
Puisse ce Camp chouan, avec ses études et ses Cahiers, aider à y voir plus clair.

À la grâce de Dieu !

  1. Eric Vœgelin, La nouvelle science du politique, Seuil, trad. Sylvie Courtine-Denamy, 2000, Paris, p. 183.
  2. Ce choix est aussi unique et définitif, parce que l’intelligence des anges étant intuitive, les purs esprits disposent d’une parfaite connaissance des causes et des conséquences de leurs actes.
  3. L’intelligence de l’homme est plus laborieuse, car discursive : il ne parvient à la connaissance intellectuelle que par raisonnement.
  4. Autonome : Qui ne dépend que de sa propre loi. Mot composé de auto (soi-même) et nomos (loi en grec).
  5. Le « Seigneur Dieu […] se promenait dans le jardin à la brise du jour. » (Genèse, III, 8.)
  6. Pour sauver les hommes, le Christ fonde l’Église gardienne de son enseignement et dispensatrice des sacrements générateurs de grâces : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » (Matthieu, XVI, 18.)
  7. « Il est une loi véritable, la droite raison, conforme à la nature, universelle, immuable, éternelle dont les ordres invitent au devoir, dont les prohibitions éloignent du mal. » (Cicéron, De republica, livre III, 17, traduction d’après un texte découvert par M. Mai, par M. Villemain de l’Académie française, Didier et Cie librairies-éditeurs, 1858, p. 184-185.)
  8. « Quand des païens qui n’ont pas la Loi [le Décalogue donné par la Révélation] pratiquent spontanément ce que prescrit la Loi, eux qui n’ont pas la Loi sont à eux-mêmes leur propre loi. Ils montrent ainsi que la façon d’agir prescrite par la Loi est inscrite dans leur cœur, et leur conscience en témoigne, ainsi que les arguments par lesquels ils se condamnent ou s’approuvent les uns les autres » (Saint Paul, Épître aux romains, II, 14-15.)
  9. Indiens d’Amérique. ERE, vol. 5, p. 439, cité par C.S. Lewis, L’abolition de l’homme, Éditions Raphaël, Paris, 2000, p. 99-114.
  10. « Il y a en tout humain une inclination naturelle à agir conformément à sa raison. Ce qui est proprement agir selon la vertu. » (Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia IIæ, « La loi », Q. 94.)
  11. Épître aux Romains, XIII, 4-5.
  12. Guy Augé, « Succession de France et règle de nationalité », La Légitimité, D.U.C., Paris, 1979, p. 121-127.
  13. Hæc populo Christiano, et mihi subdito, in Christi promitto nomine, in primis, ut ecclesiæ Dei omnis populus Christianus veram pacem nostro arbitrio in omni tempore servet.
    – Item ut omnes rapacitates, et omnes iniquitates, omnibus gradibus interdicam.
    – Item ut in omnibus iudiciis æquitatem, et miséricordiam præcipiam ut mihi, et vobis indulgeat suam misericordiam clemens et misericors Deus.
    – Item, de terra mea ac iuridictione mihi subdit universos hæreticos ab Ecclesia denotatos pro viribus bona fide exterminare studebo hæc omnia supradicta firmo iuramento sic me Deus adiuvet, et hæc sancta Dei Evangelia.

    (Cité dans le Traité historique et chronologique du sacre et couronnement des Rois et des Reines de France depuis Clovis Ier jusqu’à présent (…) par Monsieur Menin, Conseiller au Parlement de Metz, Paris, 1723, In-12, Section VII.

    « Les serments du sacre des rois de France à l’époque moderne, et plus spécialement le « serment du Royaume » » *, par Jean de Viguerie (Université d’Angers).

    * Cette étude a été publiée pour la première fois dans Hommage à Roland Mousnier, Clientèles et fidélités en Europe à l’époque moderne, Paris, 1981, pages 57 à 71.)

  14. « Souveraineté : caractère suprême d’une puissance (summa protestas) qui n’est soumise à aucune autre. », Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF. réside essentiellement dans la nation.
  15. Jean-Pierre Brancourt, Les Cahiers de l’Institut de la Maison de Bourbon, N° 2, Colloque du 8 octobre 1991, « Louis XVI et la Constitution de 1791 », p. 9.
  16. Cf. article « Cérémonie du toucher des écrouelles par Charles X » sur viveleroy.net qui produit des procès verbaux de guérison de ces ulcères tuberculeux, dont celui du Dr Noël.
  17. Cf. Régine Pernoud, La bourgeoisie, PUF, col. Que sais-je ?, Paris, 1985, p. 7-21.
  18. Sainte Catherine Labouré, citée par Antoine Lestra, « Une voyante de Notre-Dame, reine de France, la bienheureuse Catherine Labouré », journal La Croix, 25 juin 1941, p. 3.
  19. « [L’idéologie est] un système d’explication du monde à travers lequel l’action politique des hommes a un caractère providentiel, à l’exclusion de toute divinité. », François Furet, Le passé d’une illusion, Robert Laffont, col. Livres de poche, Paris, 1995, p. 17.
  20. Éric Vœgelin, La nouvelle science du politique, Éd. Seuil, Col. L’ordre philosophique, mars 2000, p. 193-204.
  21. Bossuet, Histoires des variations, « Histoire abrégée des Albigeois, des Vaudois, des Viclefistes et des Hussites » (Livre XI), Histoire des nouveaux manichéens appelés les hérétiques de Toulouse et d’Albi.
  22. Pour certains initiés — qui font de l’Évangile de saint Jean une lecture ésotérique —, Jésus-Christ lui-même joue le rôle d’émancipateur à l’égard du Dieu créateur de l’Ancien Testament. C’est ainsi que les tenues de la GNLF commencent par la lecture du Prologue de saint Jean.
  23. Oswald Wirth, La franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes, tome II (Le livre du Compagnon), Dervy, Paris, p. 92.
  24. Bossuet, Histoires des variations, Ibid.
  25. Christophe Bourseiller, Un maçon franc, récit secret, Éditions Alphée, Monaco, 2010, p. 132.
  26. Oswald Wirth, La franc-maçonnerie rendue intelligible ses adeptes, sa philosophie, son objet, sa méthode, ses moyens, tome III (Le livre du Maître), Dervy, Paris, 1977, p. 133.
  27. Jules Ferry, cité par Jean Jaurès, « Préface aux Discours parlementaires », Le socialisme et le radicalisme en 1885, Présentation de Madeleine Rebérioux, « Ressources », réédition Slatkine, 1980, p. 28-29.
  28. Marianne, « Pour ou contre l’aide à mourir », 11-17 janvier 2024.
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